
7S. A C T
Le fpedacle n’ eft qu’un moyen de l’éloquence
poétique : & quoique fon 'objet immédiat (oit d’a-
mufer, de plaire, d’émouvoir, ce n’eft point encore
là la fin ultérieure : cette fin eft de renvoyer le
fpedateur plus • éclairé , plus fàgé , meilleur , s’il
eft pofïible, au moins plus riche de penfées & de fen-
timents vertueux.
L e plaifir d’être ému ou réjoui, n’eft que le miel
dont on arrofè le bord du vafè où eft contenue la li-
quteur fàlutaire. Un peuple enfant fùce le miel, &
s’en tient là. Un peuple raifonnable veut autre choie
qu’un amufement ftérile & frivole. L ’un va rire à
une mauvaifé farce j ou s’attendrir à un mauvais
drame : l’autre veut dans le ridicule une inftrudion
qui l’avertifle , une leçon qui le corrige , au moins
une peinture ingénieufe & vraie , qui, en flattant fit
malignité, aiguife Ion efprit, & perfectionne là rai-
lôn ; il veut de même dans le pathétique un fpeda-
cle qui laiffe des impreflions utiles , qui lui élève
l’efprit & l’ame, qui l ’occupe , long temps après, de
fouvenirs intérefiants , de réflexions làges, ou de
grandes idées , en un mot, qui l’inftruife en même
temps qu’il l’attendrit. ( M . M a r m o n t e l ).
* A C T IO N , A C TE . Synonymes.
A c t io n le dit indifféremment de tout ce qu’on
fa it, "commun ou extraordinaire. A c t e le dit feule- |
ment de ce qu'on fait de remarquable.
C ’eft plus par lès a c tio n s que par fes .paroles
qu’on découvre les fentiments de fen coeur. C ’eft- un
ac te héroïque de pardonner à fes ennemis , lorfqu’on
eft en état de s’en venger.
Le làge le propofe dans toutes lès a c tions une fin
honnête : les princes doivent marquer les diverfes
époques de leur vie par des a lt e s de vertu & de grandeur.
On dit une action vertueulê , & une bonne &
mauvaife a c tion ; mais on‘ dit un a c te de vertu , ou
un acte de bonté.
On fait une bonne ac tion , en cachant les défauts
du prochain ; c’eft Y acte de charité le plus rare parmi
les hommes. '
Tout le mérite de nos a c tio n s v ien t du motif qui
les produit, & de leur conformité à la loi éternelle ;
mais- toute leur gloire eft due aux circonftances avan-
tageufes qui les accompagnent, & à la faveur qu’elles
trouvent dans les préventions humaines. Quelques
empereurs Ce font imaginé faire des a c te s d’une in-
lîgne piété, eh perfecutant ceux de leurs fiijêts qui
étoient d’une religion différente de la leur ; d’autres
ont feulement cru faire par là des a c te s d’une politique
indifpenfàble : mais ils ne pafîènt tous que pour
avoir fait en cela des actes de cruauté.
Un petit acceffoire de fens phyfique ou hiftorique
diftingue encore ces deux mots ; celuid'A c t io n ayant
plus de rapport à la puiffance qui agit, & celui à ’A c t e
en ayant davantage à l’effet produit par cette puiflàn-
ce ; ce qui rend Fu-n propre à devenir attribut de l ’autre.
De façon qu’on parleroit ayec jufteflé , en difànt
que nous devons confèrver dans nos ac tion s la pré-
A D
fence d’efprit, & faire" enferte qu’elles feient-toutes
ou des actes de bonté ou des actes d’équité. (^L'abbé
G ir a rd . )
( N , ) ACTIO N S f bonnes ) , BONNES OEUVRES.
Syn.
L ’un s’étend bien plus loin que l’autre. Nous
entendons par lionnes actions -, tout ce qui fe fait
par un principe de vertu: nous n’entendons guère
par Bonnes oeuvres s que certaines aérions particulières
qui regardent la charité du prochain.
C ’eft une bonne action , que de fe déclarer contre
le relâchement des moeurs & de faire la guerre
au vice ;- c’eft une bonne action, que de réfîfter à
une violente tentation de plaifir ou d’intérêt : mais
ce n’eft pas ce qu’on appelle précifêment une bonne
oeuvre. Soulager les malheureux , vifîter les malades
, confoler les affligés , inftruire les ignorants ,
c’eft faire des bonnes oeuvres : on fait des bonnes
oeuvres, quand on va aux priions & aux hôpitaux
dans un efprit de charité.
Toute bonne oeuvre eft une bonne action ; mais
toute bonne action n’eft pas une bonne oeuvre, à
parler exadement. ( B ouhours . Rem. nouv.
Tom. IL ) *
(N.) A C T IV EM EN T , adv. Dans le fens aérif.
Quand un mot, également fùfeeptible du fens ad if
& du fens paflif, eft employé dans le premier fens,
les grammairiens difent qu’il eft pris activement ;
& dans lefecond fens, qu’il eft pris pafjivement.
L 'A m o u r de Dieu pour les hommes eft immenfe'%
VA m o u r de Dieu doit l'emporter fu r toutes nos
' affections : le nom amour, dans ces deux exemples,
| a deux fens différents ; dans le premier, il eft pris
activement, & lignifie Y amour par lequel Dieu aime
les hommes ; dans le fécond , il eft pris paffivement,
& lignifie Y amour pat lequel Dieu eft aimé de nous.
L'air d u r c i t le corail; le chêne d u r c it dans
l eau : le verbe durcit eft pris activement dans la
première phrafe, & lignifie rend dur ; il eft pris
paffivement dans la féconde, & fignifie eft rendu dur,
devient dur.
Il y a dans notre langue beaucoup de mots, &
fpécialement des verbes , fûfeeptibles de cés deux
fens , & dont l’acception eft toujours déterminée par
les circonftances. Poye\ Moyen. \M. B e a u z é e .)
A D , ( Gram: ) prépofîtion latine qui lignifie à ,
auprès , pour , vers, devant. Cette prépofîtion entre
aulfi dans la compolîtion de plulîeurs mots , tant en
latin qu’en françois ; amare , aimer ; adamare ,
aimer fort; addition, donner, adonner• (on écrivoic
autrefois addonnerd , s'appliquer à , s'attacher,
( fe livrer ) : cet^homme eft adonné au v in , au
jeu , & c. *
Quelquefois le d eft fûpprimé , comme dans aligner,
aguerrir , améliorer, anéantir ; on conférve
le d lorfque le lîmple commence par une voyelle ,
félon fon> étymologie ; adapter, adoption y adhérery
A D H
adhéfion, adapter ; & dans les mots qui commencent j
par m , admettre , admirer, adminiftrer, adminif- .
uation ; & encore dans 'ceux qui commencent par
les confonnesy & v ; adjacent, adjectif, advefbé, 1
adv erfaire, adjoint : autrefois on prononçoit adven r , .
advis , advocat ; mais depuis qu’on ne prononce
plus le d dans ces trois derniers mots, on le fupprime
aufli dans l’écriture. ;
Le méchanifme des organes de la parole à fait
que le d fe change en la lettre qui commence le mot ;
lîmple, félon l’etymologié; ainfi, on dit à ccumuler , '
affirmer j affairé ( ad faciendum) affamer y -aggré-
ger, annexer y annexe, applanir, arroger, arriver y
ajfocier , attribuer. Par la même méchanique le d
étoit changé en c dans acquérir y acquiejcér, parce
que dans ces deux mots le q eft le ç dur ; mais aujourd’hui
on prononcc aquérir , aquiefeer. ( M . du
M ars a i s . )
A D A G E , fe m. Be lles-L ettre s y c’eft un proverbe .
ou une fentence populaire que l’on dit communément.
Voye-{ Pro v er b e , &c. Ce mot vient de ad & agor^ '
fuivant Scaliger, quod agatur ad aliud jignandum,
parce que l’on s’en fort pour fî^nifier autre çhofe.
‘ Erafme a fait une vafte & precieufé'collecrioh des
adages grecs & latins , qu’il a tirés de'leurs poètes,
orateurs , philofophès , & c .
A d a g e & proverbe, lignifient là même chofe :
mais Y adage eft diffèrent de la fentence ou de Y a -
pophthegme. { L 'a b b éM a l l e t . )
(N.) ADHÉRANT , A T TA CH É , ANNEXÉ.
Syn.
Une chofe eft adhérante par l’union que produit la
nature, ou par celle qui vient du tilfu & de la
continuité de-la matière. Elle eft attachée par
des liens arbitraires , mais réels , avec lefçuels
on la fixe dans la place ou dans la fîtuation
où l’on veut qu’elle demeure. Elle eft annexée par
une fimple jonérion morale, effet de- la volonté &
de l ’inftitution humaine.
Les branches font adhérantes au tronc ; & la fta-
tue l ’eft à fon piédeftal, lorfque le tout eft d’un foui
morceau. Les voiles'font attachées; au mât, & les
tapiflèries aux murs. Il y a des emplois & des bénéfices
annexés à d’autres pour les rendre plus confî-
dérables.
Adhérant eft du rèffort de la Phyfique, par confé-
quent toujours pris dans le fens littéral (<a). A tta ch é
eft totalement de l’ufàge ordinaire ; il s’emploie allez
communément & fréquemment dans le fens figuré.
A n n e x é tient un peu du flyle légiflatif, & paiTe
quelquefois du littéral au'figuré.
A D J 7 9
Les excroiffances qui fe forment fur les parties du
corps animal, font plus ou moins adhérantes, félon la
profondeur de leurs racines. Il n’eft pas encore décidé
que l ’on foit plus fortement attaché par-les liens de
l’amitié que par ceux de l’intérêt, les incônftants
n’étant pas moins rares que les ingrats. Il fèmble
que l’air fanfaron foit annexé’ à la fauffe bravoure
; & la modeftié , au vrai mérite. ( L'abbe'
G irard.)
* ADJECTIF, i v e . adj. On le prend prefque tou-.
jours fubftantivement. Ce mot vient du latin adjectus
( ajouté ) , parce qu’en effet le nom adjectif eft toujours
ajouté à un nom fubftantif qui eft ou exprime
ou lbufentendü ( M. du M arsais.)
Ce langage fuppofe que les noms fe foudivifent
en fùbftantifs & adjectif y que les uns font noms
comme les autres “ & que ce ne font pas deux parties"
d’oraifon différentes. ‘Mais il eft prouvé ailleurs
(voyei G enre & S u b stan t ie ) que ce font des
parties d’orâifon différentes , & que le nom fubfe
tantif n’eft qu’une efpèce fiibalterne oppofée au nom
abftraftif. Vç>ye\ A b s t r a c t ie . ) {M. B eauzée.)
L ’a d je c tif eft un mot qui donne une qualification
au fubftantif ; il en délîgne la qualité ou
manière d’être. Or comme toute qualité fuppofe
la fubftance dont elle eft qualité , il eft évident
que tout adjectif fuppofe un fubftantif : car il
faut être , pour être tel. Que fi nous difons, le
beau vous touche , le vrai doit être l'objet de
nos recherches, le bon eft préférable au beau , &c.
il évident que nous ne confîdérons même alors ces
qualités qu’en tant qu’elles font attachées à quelque
fubftance ou fûppot : le beau, c’eft à dire , ce qui
eft beau ; le vrai y c’eft à dire , ce qui eft vrai , &c.
En ces exemples y le beau , le vrai , &c. ne font pas
de purs adjectifs ; ce font des adjectifs pus fùbftan-
tivement qui défîgnent un fiippôt quelconque en
tant qu’il eft ou beau , ou vrai , où bon, <Sr.
Ces mots font donc alors en même temps, adjectifs y
& fùbftantifs : ils font fùbftantifs , puifqu’ils défîgnent
un fùppôt, le ......... ils font adjectifs , puifqu’ils
défîgnent ce fùppôt en tant qu’il eft tel.
Il y a autant de fortes d’adjectifs qu’il y a de
fortes de qualités , de manières, & de relations que
notre efprit peut confidérer dans les objets.
Nous ne connoiiïbns point les fubftances en elles-
mêmes , nous ne les connoifibns que par les imprefe
'fions qu’elles font fur nos fens , & alors nous difons
que les objets font tels , félon le fens que ces imprefilions
affedent. Si ce fent les yeux qui font affedés,
nous difons que l’objet eft coloré , qu’il eft ou blanc ,
ou noir, ou rouge ,. ou bleu, &c. Si c’eft le goût,
le corps eft ou doux, ou amer, ou aigre,-ou fade,
Si c’eft le t a d , l’objet eft ou rude , ou poli ; ou
dur, ou mou; gra s , huileux, ou foc ; &c.
Ainfi,..ces mots blanc y noir y rouge y bleuy doux,
amer, aigre y fade y &c. font autant de qualifications
que nous donnons auxvobjets, & font par conféquent
autant de noms adjeCtifs% Et parce que ce font les