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difcours ; elle peut quelquefois y produire le même
agrément qu’en latin. Qu il ejl difficile, dit Mal-
fîllon, de Je tenir dans les bornes de la vérité ,
quand on ri ejl plus dans celles de la charité ! Et
ailleurs , parlant du langage des incrédules: C ’e fl,
dit-il, un langage de mauvaife fo i ,* ils donnent
à la vanité ce que nous donnons à la vérité. C ’eft
à pareil titre, & à caufè de la fidélité due à l’original
qui me traçoit la route, que j’ofè me flatter
qu’on me pardonnera les Affonances de la traduction
que j’ai donnée, en commençant, des trois phra-
lés de Cicéron.
Il faut obfêrver , par rapport aux vers , qu’un
même mot, pris dans la même lignification, ne
faifânt proprement ni une Affonance ni une rime ,
la répétition qui s’en fait à propos, loin d’être vi-
cieufë, peut donner au vers une grâce particulière,
& à la peniée une plus grande énergie. Àinfi, on
s’exprime avec plus d’élégance & de force , quand
on dit :
Qui cherche vraiment Dieu , dans lui feul le repofe ;
Et qui craint vraiment Dieu , ne crainc rien autre chofe.
' Boileau ( Art.poét. I. 107. ) eft énergique & pit-
torefque, quand il dit :
Gardez qu'une voyelle , à courir trop hâtée
Ne foit d’une voyelle en fon chemin heurtés*
( M% B e a u z é e . )
ASSONANT , E. adj. Qui a un fon final très-
approchant. Mots affonants. Rintes affonances.
Ce terme eft particulièrement propre à la Poéfîe
-elpagnole, où fafîbnance eft fîiffîfànte pour l ’exactitude
de la rime , ou qui du moins tolère les rimes
purement affonantes. En voici un exemple dans
un quatrain de Quévédo, fur la defcente d’Orphée
aux enfers :
Di\en que h axa cantando ;
Y yo por.cierto lo tengo-
Que , eomo baxava viudot
Cantaria de contento..
On dit qu’ il y défcendxt en chantant ;
Et moi je tiens pour certain
Que , comme il y defcendôit veuf»
Il chantoit de contentement.
Les deux mots tengo 8c contenta font affonants
entre eux.
On exige feulement, dans la plus grande rigueur,
qu’il y ait les mêmes voyelles dans les deux dernières
fyllabes , fans aucun égard aux confîmes ;
comme ligera ( légère ) & cubierta ( couvercle ) ,
abrogar ( abroger ) & adopxar ( adopter ) , abierto
(1 ouvert ) & bermejo j vermeil ). Mais la tolérance
efpagnole va plus loin encore pour la rime ; elle
fe contente fouventque les mots correfpondants avent
la même voyelle dans la dernière fyllabe , quoique
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précédée ou fui vie de confônnes différentes : comme
caracol ( limaçon ) , dolor ( douleur), coraxon
( coeur ) , D io s ( Dieu ) , obrero ( ouvrier ) , nao
( navire ) ., qui peuvent tous être adoptés pour la
rime à caufè de l’o final.
Il faut avouer que nos poètes qui réuffifïènt
ont bien un autre mérite que les efpagnols, & que
notre verfification a de bien plus grandes difficultés
à furmonter. ( M . B eauzée. J
* AS SÛRER, AFFIRMER, CONFIRMER,
Synonymes-
On fe fèrt du ton de la voix ou d’une certaine
manière de dire les choies pour les afsûrer ; & l’on
prétend par là en marquer la certitude. On emploie
le ferment pour affirmer , dans la vue de
détruire tous les foupçons défàvantageux à la fîn-
cérité. On a recours à une nouvelle preuve ou au
témoignage d’autrui pour confirmer ; c’eft un renfort
qu’on ©ppofê au doute, & dont on appuie ce
qu’on veut perluader.
Parler toujours d’un ton qui afsure , c’eft affè&er
l’air dogmatilant, ou montrer qu’on ignore jufqu’oii
la lagefiê peut pouffer le doute & la défiance.
Affirmer tout ce qu’on dit, c’eft le moyen d’infî-
nuer aux autres qu’on ne mérite pas d’être cru fur
fà parole. Le trop d’attention à vouloir tout confirmer
venà. la converfâtion ennuyeule & fatigante.
Les demi-lavants , les pédants, & les petits-maîtres
afsurent tout ; ils ne parlent que par décifîons.
Les menteurs fè font une habitude de tout affirmer ;
les jurements ne leur coûtent rien. Les gens impolis
veulent quelquefois confirmer , par leur témoignage
, ce que des perfônnes fort au defïus d’eux
difènt en leur préfènce.
Nous devons croire un fait, IorfquTun honnête
hpmme nous en afsure .& que d’ailleurs il eft pofc
fîbie : mais il n’en eft pas de même d’un point de-
doécrine il eft .permis de contredire tout ce qui
n’eft pas évident Les fréquentes affirmations ne font
point paffer pour véridique > & font plus propres à
jeter de la défiance dans ceux qui écoutent, qu’à
s’en attirer la confiance. Il eft de la prudence du
fage d’attendre la confirmation des nouvelles publiques
avant que d’y ajouter fo i, & d’être en garde
contre les tricheries de la renommée.
La bonne manière défend de rieft affirmer, que
lorlqu’on en eft requis dans le cérémonial de la
Juftiee; elle ordonne d’avoir foin de confirmer ce
qui peut parokre extraordinaire ou être fuiet à con-
teftation ; & permet, dans le difcours , i air & le
ton afsûrant lorfque l ’on s’apperçoit .que Jes per-
fonnes à qui l’on parle ne font pas au fait de ce
qu’on dit, & n’en jugent que par la contenance de
l ’orateur. ( V a b b é G ir a r d , J
(N .) ASTÉISME, f. m. Efpèce d’ironie délicate
, par laquelle on déguile la louange ou la
flatterie fous le voile du blâme, ou l’inftrudioî»
fous le voile de la louange.
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C ’eft ainft qu’il faut entendre l'AJleifme ; meme
félon l’étymologie; car ce mot figmfie Urbanité
ou Imitation des gens de la ville , du grec «rse?
génitif de &•« ( ville ) : & Voffius, qui m fait une
raillerie pleine d’urbanité & cite toutefois des exem-
pies abfolument critiques , confond par le fait 1 efpèce
dont il s’agit avec le Charientifme ou avec
le Sàrcafme. Voye\ ces mots.
Boileau ( Lutrin , II. 117-144-J un, bf
exemple de la première efpèce #AJleifme , oh la
MollefTe perfonnifiée , fous prétexte' de fe plaindre
de Louis X IV , en fait un éloge magnifique, en
répondant à un difcours de la Nuit également per-
fbnnifiée :
A ce trifte difcours , qu’un long foupir achève ,
La MollêflTe , en pleurant, fur un bras fe relève ,
Ouvre un oeil languiflanc, 6c d’une foible voix
LaifTe tomber ces mots, interrompus vingt fois :
« O Nuit, que.m’as-tu dit; Quel démon fur la terre
n Souffle dans, tous les coeurs la fatigue Sc la guerre ;
» Hélas ! qu’eft devenu ce temps ,5.cet heureux temps, ,
» Où les rois s’honoroient du nom de fainéants ,
» S’endormoient fur le trône, 8c, me fervant fans honte,
Laîflfoient leur feepere aux mains ou d’un maire ou d’un
Rejointe ;
»» Aucun foin n’approchoit de leur paifible Cour ;1 ■
» On repofoit la nuit, on dormoit tout le jour ;
» Seulement au printerpps > quand Flore daris les plaines
» Faifoit taire des vents lès bruyantes haleines ,
s» Quatre boeufs attelés , d’un pas tranquille 8c lenr,
» Promenoient dans Paris le monarque indolent.
» Ce doux fiècle n’eft plus ! Le Ciel impitoyable-
M A placé fur le trône un prince infatigable :
»» Il brave mes douceurs, il eft fourd à ma voix;
Tous les. jours il m’éveille au bruit de fes exploits :
» Rien ne peut arrêter fa vigilante audace ;
» L’été n’a point de feux, l’hiver n’a point de glace.
m J’entends à fon feul nom tous mes fujets frémir.
33 En vain deux fois la Paix a voulu l’endormir;
» Loin de moi fon courage entraîné par la Gloire
33 Ne' fe plaît qu’à courir de vi&oire en viftoire,
s. Je me fatiguerois à te tracer le cours
33 Des outrages cruels qu’il me fait tous les jours. »
Je crois que le plus bel exemple quon puiffe
citer d’un Afiéifme de la fécondé efpèce , c ’eft
l’exorde du fermon de Maftillon pour le jour de la
Touftaint, où l’orateur expolê les maximes les plus
févères de la Religion , & en fait à Louis X IV
une application perfônnelle à la faveur des louantes
qu’il donne à ce prince ; mais louanges dépouillées
de tout ce qui auroit pu les rendre viles par une
baffe flatterie , ou dangerèulês par une faufle univerfalité.
Sire, fi le Monde parloit ici à la place de J .
C ; fans doute il ne tiendroit pas le meme langage.
Heureux le prince, vous diroit-il, qui na
'jamais combattu que pour vaincre ; qui lia vu
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tant de Puiffances armées contre lui * P°ur
leur donner une p a ix plus glorieuje ; & qui a
toujours été plus grand ou que le péril ou que la
victoire. Heureux le prince, q u i, durant le cours
d’un règne long & floriffani , jouit à loijir des
fruits de fa gloire, de l’amour de fe s peuples^, de
Veflime de fe s ennemis , de Vadmiration de l univers
, de Vavantage de fe s conquêtes, de la magnificence
de fe s ouvrages , de la fageffe de Jes
lo is , de l’ efpérance augujle d’une nombreufe poj-
térité} & qui ré a plus rien à déjirer , que de con-
ferver longtemps ve qu’ ilpoffèae. Ainfi parleroit
le Monde.
Mais, Sire, J . C. ne parU pas comme le Monde.
Heureux, vous dit-il, non'celui qui fa it l admiration
de fon fiècle : mais celui qui fa it fa principale
occupation du fiècle à venir , & qui vit
dans le mépris de fo i - meme & de tout ce qui.
paffe ; parce que le royaume du ciel ejl à lui.
Beati pauperes.fpifitu , quoniam ipforum eft regnum
coelorum. . ; v
Heureux, non celui dont Vhiftoire va immor-
talifer le règne & les actions dans le fouvenir des^
hommes ; mais celui dont les larmes auront efface
l’hifioire de fe s péchés du fouvenir de Dieu meme ;
pzrce qu’ i l fera éternellement confolé. Beati qui
lugent , quoniam ipfî confôlabuntur.
Heureux} non celui qui aura etendu, par de
nouvelles conquêtes , les bornes de fon Empire^
mais celui qui aura fu renfermer fes defirs & fes
pajfions dans les bornes de la loi de Dieu ; parce
qu’i l pojfèdera une terre plus durable que VEm-
pire de C univers. Beati mites, quoniam poftidebunt
terram. _
Heureux, non celui q u i, élevé par la voix des
peuples au deffus de tous les princes qui l’ont précédé
yjouît à loifir de fa grandeur & de fa gloire:
mais celui q u i, ne trouvant rien fur te trône
même digne de fon coeur ,_ ne cherche de parjait
bonheur ici bas que dans la vertu & dans lajuf-
tice i parce qu'il fera raffafié. Beati qui efurîunt
& fitiunt juftitiam,. quoniam ipfî fàtuFabuntur.
Heureux , non celui à qui les hommes ont donné
les titres glorieux de Grand t/ d’invincible : mais
celui à qui les malheureux donneront devant J . C.
le titre de Père & de Miféricordieux ; parce q u i l
fera traité avec miféricorde. Beati mifêricordes ,
quoniam ipfî milericordiam conlèquentur.
Heureux enfin, non celui q u i, toujours arbitre
de la dejlinée de fes ennemis , à donné plus dune
fo is la paix à la Terre.: mais celui qui a pu fe
la donner à foi-même , & bannir de fort coeur les
1 vices & les affections déréglées qui en troublent
la tranquillité ; parce qu’ il fera appelé enfant de
Dieu. Beati pacifici , quoniam fiiii Dei voca-
buntur.
Yoilà , Sire, ceux que J. C. appelle heureux ; I & l'Évangile ne connaît point d’autre bonheur
I fur la terre que la vertu & l innocence. ( A f
» B eavzée. )