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c’ eft l’éolïque : les éoliens étoient un peuple de la
Grèce, qui payèrent dans une contrée de l’Afie
mineure , qui de leur nom fut appelée Êolie. Cette
Dialecte eft celle qui a été le plus particulièrement
foivie par les latins. On trouve dans Homère
ces quatre Dialectes, & la langue commune : l’at-
tique eft plus particulièrement dans Xénophon &
dans Thucydide ; Hérodote & Hippocrate emploient
Couvent Tionique ; Pindare & Théocrite le fervent
de la dorique ; Sapho & Alcée , de l’éôlique, qui
fe trouve auffî dans Théocrite & dans Pindare :
c ’eft ainfi que , par rapport s l’italien , le berga-
mafque, le vénitien, le bolonois, le tofcan , & le
romain pourroient être regardés comme autant de
Dialectes. ( M. du Mars aïs.)
('N.) DIALOGISME. C m. Figure de ftyle ou de
pensée par fiétion , qui rapporte directement, ou un-
entretien avec foi-même, ou un entretien foit de
deux foit de plufieurs perfonnages enfombie, relatif
à la matière que l’on traite; après quoi le difoours
reprend fon cours ordinaire r car le dialogue continu
entre les adeurs d’une comédie, d’une tragédie, d’une
églogue, &c. n’eft point un Dialogifme, puifqu’au
lieu d’être un tour particulier à une partie du d if-
cours , c’en eft le ton général & néceffaire. Au refte ,
le difoours dired du Dialogifme peut être vrai &
tel qu’il a été tenu ; ou il peut être fait, dans l’intention
feulement de dèveloper les pensées ou les
fêntiments réels ou fopposés des perfonnages qu’on
fait parler.
Voici un exemple de la première efpèce dans C i céron
(O j f . III. x jv , 5 8. 5 su )
C. Canius, eques romanos
» . . quum f e Sy-
racufas otiandi, utipfe
dicere folebat Jnon ne-
gotiandi caüsd contu-
Jijfet, dictitabat fehor-
tulos aliquos veile eme-
j e ) quo invitare ami-
cos-.,poffet. Quodquum
jpercrebruiffet, Pythius
ei quidam. . . . venales
quidem f e hortos non-
nabere , fed licere uti
Canio, Ji vellet, ut
fu is ; & fimul ad ceznam
hominem in hortos invi-
tavit inpojlerum diem...
M d ccenam tempor event
t Canius : opiparè d
Pythio apparatum con-
tivium; cymbarum ante
cculos multitudo'; proJe
quifque quodceperat a f
Jferebat, ante pedes Py-
thii pifces abjicieban-
Htr. ( Iel commence le
C. Canîus , chevalier
romain.. . étant allé à Sy-
raeufo pour n’y rien faire,
difoit-il lui-même, & non
pour affaire , parloit fou-
vent du défîr qu’il avoit
d’acheter un petit jardin où
il pût inviter fos amis.. . .
Le. bruit s’en étant répandu
, un certain Pythius.. .
lui dit qu’il avoit un jardin
qui n’étoit pas à vendre,
mais queCanius pouvoit en
ufor comme s’il étoit à lui ;
& en même temps il invite
fon homme à y venir fou-
per le lendemain.. ■ Canius
fè rend à l’invitation
à l’heure marquéet Pythius
a préparé un repas magnifique
; on a fous les yeux
un nombre prodigieux de
barques; les pêcheurs apportent
à l’envî ce qu’ils
ont pris, les poiflons tombent
çn tas aux pieds de
Dialogifme.) Turn Canius
, Qiuzfo , inquit,
quid eft hoc , Pythi ?
tantumne pifeium, tan-
tumne cymbarum l E t
ille , Quid mirum , inquit
? hoc loco eft Syra-
■ cufis quidquid eft p ifeium;
haec aquaiio; hdc
villa ifti carere non p o f
funt. In cenfus C aniuscu- •
piditaje conterulit a Pythio
ut vende ret. G rava-
te illeprimo. Quid mul-
ta ? impetrat : emit home>,
cupidus & locuplesy
tanti quanti Pythius
voluit, & emit injlruc-
tos ; nominafacit ; ne-
gotium conficit. Invitai
Canius pojlridie fami-
Hares fuos ; venit ipfe
maturi; fealmum nullum
videt : -queznt ex
proximo vicino num f e nce
quczdampifcatOTum
effent, quod eos nullOs
videret : Nullcz, quod
feiam, inquit ille'; fed
: hie pifeari nulli fo lent,
j itaqueherimirabarquid
accidijfet. Stomachari
Canius : fed quid face-
rev l
Pythius. Qu’eft-ce que ceci
, dit alors Canius ? quoi,
tant de poiJTons, tant de
barques ? Qu’y a-t-il d’é-
tonnant, reprend Pythius 2
c’eft ici qu’eft tout le poifo
fon de Syracufo ; c’eft ici
qu’eft la bonne eau ; les
pêcheurs ne peuvent fo
p a fier de ma malfon. Canius
meurt d’envie d’acheter
, il preffe Pythius de
vendre. Celui-ci s’en fait
d’abord une peine. Après
bien des propos, il aquief
ce enfin : notre homme ,
qui défire fortement & qui
eft riche, achète auffi cher
que veut Pythius, & prend
les meubles avec la mai-
fon ; il fait fos obligations ;
il conclut l ’affaire. Canius
invite fos amis pour le len -
démain ; il s’y rend lui-
même de bonne heure; il
ne voit pas l’ombre d’une
barque : il demande à un
voifin fi c’étoit quelque fête
de pêcheurs, qui étoit cau-
fe qu’il n’en voyoit aucun :
11 n’y en a point, que je
fâche, répond celui-ci ;
mais ordinairement on ne
p ê c h e p o in t i c i , & j e tô is
fo r t é to n n é h i e r d e c e q u i
a r r iv a . C a n îu s d ’e n t r e r e n fu r e u r i m a is q u e p o u -
v o i t - i l f a ir e ?
M a d am e d e S é v ig rié , p a r u n Dialogifme d e
m êm e e f p è c e , p e i n t , fé lo n fà c o u t u m e , d ’u n e m a n
i è r e a d m ir a b le l a d o u le u r d e M a d am e d e L o n g u e v
i l l e f u r la m o r t d e fo n f i l s , tu é a u p a f la g e d u R h in ;
( Tom. II. Lettre 45- )
» Madame de Longueville fait fendre le coeur,
» à ce qu’on dit ; je ne l ’ai point vue , mais voici
» ce que je fais. Mademoifolle de Vertus étoit re-
» tournée depuis deux jours à Port-royal, où elle
» eft quafî toujours : on eft allé la quérir avec M.
» Arnaud , pour dire cette terrible nouvelle. Ma-
». dêmoifolle de Vertus n’a voit qu’à fo montrer ; ce
» retour fi précipité marquoit bien quelque chofo
» de funefte. En effet dès qu’elle parut : Àhl
» Mademoifelle, comment fe porte Monfieur mon
» frère ? (a ) Sa pensée n’ofà aller plus loin. Ma-r
» dame , i l f e porte bien de f a blejfure ; il y a eu
» un combat. — E t mon f ils ? On ne lui répond
». rien. A h ! Mademoifelle , mon fils , mon cher
» enfant, répondc[-moi, eft-il mort ? — Madame 3.
(<z) Louis de Bourbon, prince de Coudé*.
D 1 A
4 Sji-ni!a ïp o in t de garnies p o û rv o u s répondre.-^
A Ah ! mon cher f ils ', e ft-il mon fie r le, champ l
»■ ri a - t- il p a s eu un feu lmoment) A h \ mon p i e u .
Ü B i Et li-deffus elle tombe fc - fo n
» lit ; & tout ce que la plus vive douleur peut faire,
„ & par des concilions, & par des évanouiffements,
„ &par un filence mortel, & par des ens étouffés,
>i ’& par des larmes amèresS & par des élans vers le
„ Ciel, & par des plaintes tendres & pitoyables,
» elle a tout éprouvé. « ' _
Palïons à des exemples de Dialogifme, ou les
difeours font faits & ne font imagmes que comme
dèvelopements 'des pensées ou des fentiments des
perfonnages que l’on fait parler. Nous prendrons le
premier tans Virgile (Æn. I. 40rS«.), qui fait parler
Junon feulé, afin d’expofer les motifs particuliers,
qui la déterminèrent à vouloir perdre la flotte
d’Énée :
Quum J u n o ; «ternira f i f t a n s f u b p e S o r i r a b a t s ,
■ J là c fecum V « M ene incepto dejïftere viêam ,
» jVec pojffe I ta lià teûcroritm arertere regem !
» Quippe T’ ètor fa it s . P a lla fn e exurere ctaffem
•„ Argivûm , atqùe ip fo s potuit fu bm e rgen pon te ,
» X/nius ob noram & flir ta s A ja c i s O ih ’ i i
» Ip fa , Jovis rqp iium ja cu la ta i rmbibus ignem ,
» ptsjtcïtqtLC rates eyirtil.piemqnora ventis ;
» I lium exfpirantem transfixo peâore flammas
» Tu rb in e e o r r ip u it, feopuloque in fix it acuta ;
» A f t eg o , quoi divûm ihçe'do r egina , jev ifq u e
» E t fo r e r S- conjux , unâ cum genle tôt tmnos
» B e l la gero. E t qidfquamnumen Ju n o n is a dora
.> P r a te r e a , aut fu p p lex aris imponat hottoremi «
T a l ia flnmmato fecum dea corde ro lu ta n s
Ebnborum in patriam , loca facta fu n n tib u s a v jlr ts ,
Æ o liam venir.
Lorfoue Junon, conforvant dans fon coeur un ref-
fontiment éternel, dit en elle-même : F aut-il onc
que je renonce à mon entreprife, que je m avoue
vaincue , & que je ne puijfe pas venir a bout d e-
carter de V Italie le chef des troyens? Mais j en
fuis: empêchée par lesdeftins. P allas n a-t-elle
pas eu le pouvoir de brûler la flotte des grecs, **
de les enfevelir dans la mer uniquement pour
punir la faute & les fureurs cVAjax, fils dO ï-
léus ? Lançant elle - même du haut-des nues la
foudre de Jupiter, elle a difperjé leurs vaijfcaux
& foitlevé les mers par la violence des vents ;
après avoir percé le coeur d 'A ja x & lui avoir
fa it vomir des flammes, elle Va enlevé dans un
tourbillon & précipité f iir la pointe d'un rocher :
cependant moi , qu'on reconnaît partout pour1 la
reine des dieux , pour la J'oeur & l'époufe de
Jupiter , me voilà aux prifes depuis tant données
avec une feule nation. Eh ! qui voudra encore
adorer la divinité de Junon , <& préfenter
humblement des offrandes fur fe s autels ! C’eft
en roulant dans fon coeur embrasé de colère de
ï) I À
fïtnblables pensées , que la déelTe arrive dans
rÉolie , région des tempêtes , où fè forment les
vents^ les plus-furieux.
Les anciens & lés modernes font pleins d exemples
pareils. Voyez, dans L a F o ntaine , où à l’Article
D is jo n c t io n , la fable de La Grenouille qui veut
Je faire aujfi groffe que le B oe u f (I. iij. ) ; dans
B o ile a u (Sät. viij, 69 - 89. ) le Dialogifme de
l ’homme & de -l’avarice ; & (Ep.7. 61-90. ) celui de
Pyrrhus & de Ginéas.-.( M. B eaùzée. )
DIALOGUE fi m. ( Belles-Lettres. )' Entretien
de deux ou de plufieurs perfonnes, foit de vive voix ,
foit par écrit. ■ . . ,
Ce-mot vient du latin Dialogus, & celui-ci ûu
o-rec JtaXoyoçy qui fignifie la même chofo. ^ v
Le Dialogue eft la plus ancienne façon d eçnre *
& c’eft celle que les premiers auteurs ont employée
dans la-plupart de leurs traités. M. de Fénelon ,
archevêque de -Cambray, a très-bien fait fontir le
pouvoir & les avantages du Dialogue, dans le Mandement
qui eft à la tète de fon inftruäion paftorale
en forme de Dialogue. Le fàint Efprit meme n a pas
dédaigné de nous enlèigner par des Dialogues. Les
faints Pères ont lüivi la même route ; fàim Juftm ,
' lâint Atbanafê,- laint Balîle , fàint Chryfoftome
s’en'font fetvis très-utilement, tant contre les juifs
&; les payéns , que contre les hérétiques de leur
fîècle. : ’ : ,
L ’Antiquité profane avoit auffi employé 1 art du
Dialogue, non feulement dans les fujets badins ,
mais encore pour les matières les plus graves. Du
premier genre font les Dialogues de Lucien, &
du fécond ceux de Platon. Celui-ci, dit l’auteur dune
préface qu’on trouve à la tête des Dialogues de M.
de Fénélon fur l’Éloquence, ne fonge en vrai philo-
fophe qu’à donner de la force à fes raife-nnements ,
& naffeâe jamais d’autre langage que celui d’une
convention ordinaire tout eft net, fimple , familier.
Lucien au contraire met de l’efprit partout;
tous les dieux , tous les hommes qu’ii fait parler,
font dés gens d’une imagination vive & deheate. Ne
reconnoît-on pas d’abord que ce ne font ni les hem-
mes-ni les dieux qui parlent, mais Lucien qui les
: fait parler ? On ne peut cependant pas nier que ce ne
(oit un auteur original qui a parfaitement réuffi dans
ce genre d’écrire. Lucien fe moquoit des hommes
avec finelfe, avec agrément ; mais Platon les inC-
• truifoît avec gravité & fagylTe. M. de Fenelon .a fn
imiter tous les 'deux, félon la divetfite de fes fujets:
dans fes Dialogues des morts on trouve toute la de-
licatelïè & l’enjouement de Lucien ; dans fes Dialogues
fur l’Éloquence il imite Platon : tout y eft na.
turel, tout eft ramené à l’inftruéhon ; 1 efprit difpa-
roît, pour ne laiffer parler que la fageüe & la
vérité’. ' . ; ,
Parmi les anciens, Cicéron nous a encore donné des
modèles de Dialogues dans fes admirables traites da
laVieilleffe, del’Àmitité, de laNaturedes dieux,fes
Tufculanes, fes Queftions académiques, fon Brutus,
G g g g è