
n’ eft que L’art de faire des Anagrammes , & dé r
trouver parla, dans les noms, des fens cachés & myf
térieux. Ce qu’ils exécutent, en changeant, transportant
, ou combinant différemment les lettres de
ces noms. Ainfî de H3 , qui font les lettres du nom
de Noé , ils font DH , qui lignifie grâce ; & dans
H W D , te Mejjie , ils trouvent ces mots flDE/l, 4
Je réjouira.
Il y a deux manières principales de faire desAna*
grammes : la première confifte à divifer un firnple
mot en plufieurs ; ainfî , Juftineamus contient fus -
tinea-mus. C ’eft ce qu’on appelle autrement Rébus
eu Logogryphe. yoye\ R é bus & L o g q g r y ph b .
La féconde, eft de changer l’ordre 8c la fitua-
tion des lettres , comme dans Roma , on trouve
ahior'i nfiora , & mare. Pour trouver par A lgèbre
, tdutes 4«s Anagrammes que chaque nom peut
admèttfè voÿe\, dans le Dictionnaire de Mathématique','
Varticle C ombin aiso n.
On ne peut nier qu’il n’y ait des Anagrammes
hèureufés & fort juftes ; mais elles font extrêmement
rares : telle eft celle qu’on a mile en réponfè
à la queftion que fit Pilate à Jelus-Chrift , Quid
ejl'veritas ? rendue lettre pour lettre par cette Anagramme
, E j l vir qui adefl, qui convenoit parfaitement
à celui qui avoit dit de lui-même, Ego fum
via , veritas , & viia. Telle eft encore celle qu’on a
imaginée fur le meurtrier d’Henri I I I , frère Jacques
Clément, & qui porte , c’ejl Venfer qui Va créé.
Outre les anciennes efpèces d’Anagrammes, on
en a inventé de nouvelles, comme 1 Anagramme
mathématique imaginée en 168o, par laquelle l’abbé
Catelân trouva que les huit lettres dé Louis X I y
faifoient vrai héros.
On a encore une efpèce d*Anagramme numéral
e , nommée plus proprement Chronogramme , où
les lettres numérales, c’eft à dire, celles qui dans
l ’arithmétique romaine tenoientlieu de nombre, prises
enfemble félon leur valeur numérale, expriment
?uelque. époque : tel eft ce diftique de Godard fur
k naiflance de Louis X IV , en 1638, dans un jour
où l’aigle fè trouyoit en conjonâion avec le coeur
du lion.
■ EXorlens DeLphln aqVIIet CorDIfqVe Leonls
. CongrefsVgaLLos fpe LatltlâqVe refeCIt ,
dont toutes les lettres majuscules raflêmblées forment
en chiffre romain, M D C X X X y I I I , ou
1638. ( M. D i d e r o t . )
Ce jeu d’efprit, qui confifte à tranfpofèr les lettres
d’un nom ou d’une propofition entière, pour
■ en former un nouveau mot ou une nouvelle proposition
, eft une invention inconnue dans la belle
Antiquité. On s’en eft fervi pour amener ou l’éloge
ou la fâtyre de la perfbnne dont le nom donnoit
l ’Anagramme. Cette pénible bagatelle n’eft heu-
reufèment plus guère accueillie aujourdhuî ; il faut
convenir néanmoins que, parmi ces Anagrammes,
i l s’eri trouve quelques-unes de très-jones. Celle
jp é nous allons rapporter fèmble mériter d’être
ébîtfèrvée. PTn voici l’occafion.- Le jeuflê Sfaiufîa!|î
depuis roi de Pologne, étant revenu de (es voya*
ges, toute l’illuftre maifbn des Lefcinski fè raflera*
bla à Lifta pour le complimenter fur fbn retour*
L e célébré Jablonski, alors re&eur du collège df
Lifta, fit, à cette occafîon, un difeours oratoire ,
qu’il fit fiiivre de divers ballets , exécutés par
treize danfeurs, qui repréfèntoient autant de jeunes
héros. Chaque danfèur tenoit à la main un bouclier,
fur lequel étoit gravé , en caraâères d’or , l’une
des treize lettres des deux mots D omus L esc in ia ;
& à la fin de chaque ballet, les danfeurs le trou-
voient rangés de manière que leurs boucliers for-*,
moient autant d’Anagrammes différentes.
Au premier ballet c’étoit l’ordre naturel :
Domus Lefcinia.
Au fécond , A des incolumis.
Au troifîème , Omnis es lucidà•
Au quatrième * Mane Jidus loci.
Au cinquième, Sis columna Dei.
Et au dernier , I , feande folium.
Cette dernière Anagramme eft d’autant pltlB
remarquable, qu’elle fut une efpèce de prophétie.
( M\ Sulzer. )
A N A L E C T E , ad}. ( Littérat. ) Mot grec ufîté
pour une collection de petites pièces ou compofî-
tions. Le mot vient d'àvetteya , j e ramajfe. Le P.
Mabillon a donné fous le nom d'Analecïe, une col-
leétion de plufieurs manuferits qui n’avoient point
encore été imprimés. ( U abbé M âleet, )
AN A LO G IE , fi f. ( Logique & Crammé) Terme
abftrait : ce mot eft tout grec , ùvetXoyU» Cicérpn
dit que puifqu’il fé fért de ce mot en latin, il le
traduira par Comparaifon, Rapport de reffemblance
entre une chofé & une autre : ' AvetXoylu, latinê ( addendum
eft enirn , quoniam haec primum à nobis
novantur ) Comparaiio Proportio-ve dici pottjl»
Cic.
Analogie fîgnifîe donc la relation , le rapport,
ou H proportion que plufieurs choies ont les unes
avec les autres, quoique .d’ailleurs différentes par
des qualités qui leur font propres. Ainfî Je pied d’une
montagne a quelque chofé d’analogue avec celui
d’un animal, quoique ce foient deux chofés tres-
différentes. '
Il y a de l'Analogie entre les êtres qui ont entre
eux certains rapports de reffemblance, par exemple
, entre les animaux & les plantes : mais Y Analogie
eft bien plus grande entre les efpèces de certains
animaux avec d’autres efpèces. Il y a aufïi
de l’Analogie entre les métaux & les végétaux.
Les fcholaftiques définifîènt l’Analogie , une
reffemblance jointe à quelque diverfîté. Ils en dif-*
tinguent ordinairement de trois fortes ; lavoir une
d'inégalité, où la raifon de la dénomination commune
eft la même en nature , mais non pas en
degré ou en ordre ; en ce féns , animal eft analogue
à f homme & à la brute : une d’attribution ,
, quoique la raifort du nom commun foit la
meme , il fè trouve une différence dans fôn habitude
ou rapport ; en ce féns y falutaire eft analogue
tant à.A'homme qu’à un exercice du corps :
une enfin de proportion, où , quoique les raiféns du
nom commun diffèrent réellement, toutefois elles
ont quelque proportion entre elles; en ce féns, les
ouïes des poiiions font dites être analogues aux*poumons
dans les animaux terreftres. Ainfî , l’oeil &
l ’entendement font dits avoir Anatogie, ou rapport
l ’un à l'autre.
En matière de langage, nous dilons que les mots-
nouveaux font formés par Analogie, c’eft à dire,
que des noms nouveaux font donnés à des chofés
nouvelles , conformément aux noms déjà étaolis
d’autres chofés , qui font de même nature & de
même efpèce. Les obfcurités qui fè trouvent dans
le langage , doivent fur tout être éclaircies par le
fécours de VAnalogie.
L ’Analogie eii aufïi un des motifs de nos raifôn-
nements ; je veux dire qu’elle nous donne fouvent
lieu de faire certains railônnements , qui d’ailleurs
ne prouvent rien s’ils ne font fondés que fur Y Analogie.
Par exemple, il y a dans le ciel une conf-
teliation qu’on appelle lion y Y Analogie qu’il y a
entre ce moi & le nom de l ’animal qu’on nomme
aufïi Lion, a donné lieu à quelques aftrologues de
s’imaginer que les enfants qui naiftoient fous cette
confteilation étoient d’humeur martiale : c’eft une
e.rreur.
On fait en Phyfîque des raifbnnements très-fblides
par- Analogie : ce font ceux qui font fondés fur
l ’uniformité connue , qu’on obférve dans les opérations
de la nature 3.8c c’eft par cette Analogie que
l’on détruit les erreurs populaires fur le phénix , le
-rémora, la pierre philofophale , & autres.
Les préjugés dont on eft imbu dans l’enfance,
nous donnent fouvent lieu de faire de fort mauvais
raifbnnements par Analogie.
Les raifonnements par Analogie peuvent férvir
à expliquer & à éclaircir certaines choies, mais
non pas à les démontrer. Cependant une grande
partie de notre philofbphie n’a point d’autre fondement
que Y Analogie. Son utilité confifte en ce
qu’elle nous épargne mille difeuftions inutiles, que
nous férions obligés de répéter fur chaque corps en
particulier. Il fumt que nous lâchions que tout eft
gouverné par des lois générales & confiantes , pour
etre fondés à ‘croire que les corps qui nous paroif-
fént fémblables ont les memes propriétés, que les
fruits d’un même arbre ont le même goût, &c.
Une Analogie tirée de la reftèmblance extérieure
des objets, pour en conclure leur reftèmblance intérieure
, n’eft pas une règle infaillible ; elle n’eft
pas universellement vraie, elle ne l’eft que utplù-
ri/nurn : ainfî, l ’on en tire moins une pleine certitude
qu’une grande probabilité. On voit bien en
général qu’il eft de la fageffe & de la bonté de
Dieu de aiftinguer par des cara&ères extérieurs les
chofés intérieurement différentes.: çes apparence?
font deftinées à nous férvir d’étiquefte pour fùp-
pleer a la foibleffe de nos féns, qui ne pénètrent
pas jufqu’à l ’intérieur des objets ; mais quelquefois
nous nous méprenons à ces étiquettes. Il y a des
plantes venimeufes qui reffemblent à des plantes
très-fâlutaires Quelquefois nous fbmmes furpris de
l ’effet imprévu d’une caufé, d’où nous nous attendions
à voir naître un effet tout oppofé : c’eft qu’a-
Jors d’autres caufès imperceptibles , s’étant jointes
avec cette première à notre infù , en changent
la détermination. Il arrive aufïi que le fond des
objets n’eft pas toujours diverfifié à proportion de
la diffemblance extérieure. La règle de Y Analogie
n’eft donc pas une règle de certitude ,
puiiqu’elle a fés exceptions, fl fuffit au deïïèiri
ùu Créateur , qu’elle forme une grande proba-<
bilité, que fés exceptions foient rares & d’une influence
peu étendue. Comme nous ne pouvons pénétrer
par nos fens jufqu’à l’intérieur des objets ,
Y Analogie eft pour nous ee qu’eft le témoignage
des autres , quand ils nous parlent d’objets que nous
n’avons ni vus ni entendus. Ce font là deux moyens
que le Créateur nous a laiffés pour étendre nos con-
noiffances. Détruiféz la force du témoignage ; combien
de chofés que la bonté de Dieu nous a accordées
, dont nous, ne pourrions tirer 'aucune utilité !
Les féuls féns ne nous fùffifènt pas : car quel eft
l’homme du monde <jui puiflê examiner par lui-même
toutes les chofés qui font néceffaires à la vie f Par
conféquént dans un nombre infini d’occafîons, nous
avons beloin de nous inftruire les uns les autres ,
& de nous en rapporter à nos obféryations mutuelles.
Ce qui prouve en paffant, que le témoignage ,
quand il eft revêtu de certaines conditions, eft le plug
fouvent une marque de la vérité ; ainfî que Y Analogie
tirée de la reffemblance intérieure , en eft le
plus fbùVent une règle certaine.
En matière de foi on ne doit point raifonner par
Analogie ; on doit s’en tenir précifément à ce qui eft
révélé, & regarder tout le refte comme des effets
naturels du méchanifme univerfèl dont nous ne con-
noiffons pas la manoeuvre. Par exemple , de ce qu’il
y a eu des démoniaques, je ne dois pas m’imaginer
qu’un furieux que-je vois fbit pofïédé du démon j
comme je ne dois pas croire que ce qu’on me dit
de Léda , de Semelé , de Rhéa-Sylvia , fbit arrivé
autrement que félon l’ordre de la nature. En un mot,
Dieu , comme auteur de la nature, agit d’ùnè manière
uniforme. Ce qui arrive dans certaines ,cir-
conftanees , arrivera toujours de la même manière
quand les circonftarices feront les mêmes ; & lorfque
je ne vois que l’effet fans que je puiffe dêcbuvrir
la caufé, je dois reconnoître, ou que je fuis ignorant,
ou que je fuis trompé, plus tôt que de me tirer
de l’ordre naturel II n’y a que l’autorité fpéciale
de la divine révélation qui puiffè me faire recourir
à des caufès fùrnaturelies. yoye\ le I chapitre
de V Evangile de faint Matthieu, f . z«j & 20, ois
il paroit que faùst Joféph garda la çojiffuite dont
nous par|oiî?>