
'34° C A N
Dans d’auffé? Cadences, un mot placé & comme
rejeté à la fin a beaucoup de grâce :
Vùx quoque per lueos vulgo exaudita file rites
Ingens. Georg. I.
Traité des Études, tom. prem. pag. 33?. & fuiv,
( L ’abbé M a l l e t , j
(N.) CALENDRIER, ALMANACH. Syn.
Les jours placés dans les mois par ordre numéral,
& dans les révolutions de la fontaine par leurs
noms ou lignes planétaires, avec les indications des
fêtes & des pratiques du rit écclélïaftique , font
tout l’objet du Calendrier. U Almanach, plus étendu
pouffe fon diftrid, non feulement jufqu’à des observations
agronomiques & des. pronoftics for les
diverfès tempéries de l’air, mais encore jufqu’à des
rédi&ions d’évènements tirées de l’Aftrologie ju-
ïciaire : de plus on donne aujourdhui, fous le
nom d’Almanach , des notices où l ’on peut ob-
fèrver les mutations de chaque année. ( L ’ abbé
G ir a r d . )
(N.) CANEVAS, fi m. Belles-Lettres. Vers eom-
ppfés for un air de Mufïque, ou for une fymphonie.
Nous en citerons, potir exemple & pour modèle, cette
parodie inimitable d’un air de Lulli dans l’opéra
d’Alcefie.
Tout mortel doit iciparoître;
On ne doit naître -
Que pour mourir.
De cent maux le trépas délivre 5
Qui cherche à vivre
Cherche à fouffrir.
Venez tous fur nos fombres bords :
Le repos qu’on délire,
Ne tient fon empire
Que dans le féjour dés morts.
Chacun vient ici bas prendre place j
Sans celle oh y paffe ,
Jamais on n’en fore.
C’eft pour tous une loi néceflàîre ;
L ’effort qu’on peut faire ,
N’eft qu’un vain effort*
Eft-ôn fage
De fuir c€ pallàgeï
C’èft un orage
Qui mène au port.
Chacun vient lci has prendre place 5
Sans ceffe on y palTe ,
Jamais on n’en fort»
Tous les charmes,
Plaintes , cris, larmes »
Tout eft fans armes
Contre la mort. .
Ch acun vient ici bas prendre place ;
Sans celle on y paftè ,
Jajnais on al en fort»
C A N
Je ne cfois pas que le mérite de la difficulté vaincue
ait jamais été porté plus loin, n iq u e , dans la
contrainte de la mefore & de la rime, il (bit pof-
fîble de cdnfèrver au langage plus d’ailànce, de forcé,
& de précifion. (M . M armontel. )
C A N T A T E , fi f. ( Belles-L ettres. ) Petit poème
fait pour etre mis en Mufïque, contenant le récit
d une a&ion galante ou héroïque : il eft compofé
d’un récit qui expofo le liijet, d’un air en Rondeau,
d’un fécond récit, Sc d’un dernier air contenant le
point moral de l’ ouvrage.
L illuftre Rouffeau eft le créateur de ce genre
parmi nous. II a fait les premières Cantates françoi-
fès ; & dans prefque toutes , on voit le feu poétique
dont ce génie rare étoit animé : elles ont été mifès
en Mufïque par les mufîciens les plus célèbres de fon
temps.
Il s’en faut bien que fès autres poèmes lyriques
ayent l’agrément de ceux-ci. La Poéfie de ftyle n’eft
pas ce qui leur, manque f c’eft la partie théâtrale ,
celle du lentiment, & cette coupe rare que peu
d’hommes ont connue, qui eft le grand talent du
Théâtre lyrique , qu’on ne croit peut-être qu’une
fimple méchanique , & qui fait feule réuffir plus
d’opéra que toutes les autres parties. Foyer C oupe.
( A n o n ym e . )
La Cantate demande une Poéfie plus tôt noble
que véhémente , douce, harmoaieufe; parce qu’elle
doit être jointe avec la Mufïque, qui ne s’accommode
pas de toutes fortes de paroles.' L ’enthoufiafme de
l’Ode ne convient pas à la Cantate : elle admet
encore moins le défordre ; parce que l ’Allégorie,
qui fait le fond de la Cantate, doit être fou tenue
avec fàgeiïè & exaélitude, afin de quadrer avec l’application
qu’en veutfairele poète. {U abbé M alle r.)
(N.)CANTIQUE. fi m. (Belles-lettres.) C ’eft le
nom que la Poéfie lyrique a pris dans les livres fàints,
à l’exception de celui des Pfeaumes. Le Cantique
étoit employé indifféremment à célébrer des évènements
heureux & mémorables , ou à déplorer des
malheurs : il prenoit tous les tons de l’Ode; & il en
eft quelquefois le modèle le plus foblime ou le plus
touchant.
En parlant de l’Ode, on ne celle de vanter Pin-
dare, qu’on entend mal & dont il ne refte prefque
rien de vraiment digne d’admiration. Horace eft
mieux connu & plus juftement admiré : mais quoique
le ftyle de fes Odes foit le prodige de l’art
d’écrire ; quoique , pour la beauté des penfées & des
images , pour la variété du coloris , des tours. des
mouvements, pour l’abondance des idées , comme
pour la richeffe & le choix deTexpreffion, ce foit
peut-être , des modèles antiques , celui dont les
modernes ont le moins approché; je crois voir le
génie de l’Ode , l’enthoufiafoie, & l’infpiration ,
mieux marqués dans les Cantiques de Moïfè.
Le Cantemus Domino , après le paflage de la
mer. rouge , eft l’expreffion la plus foblime des
C A N
mouvements de reconnoiflance & d’admiration d’un
peuple , qui par un prodige vient d’éçhaper au
,glaive^ de fès ennemis.
Un Dieu déployant fà puifTance & faifànt éclater
fa gloire ; les eaux de la mer affembiées par le
fouffle de fa colère, & tout à coup leur mouvement
rompu , &> l’onde rendue immobile ; une route
profonde ouverte au milieu des flots fufpendus ; les
cris de fureur dès égyptiens pourfoivant les ifraé-
lites , & leur infoleuce en contrafte avec le fort qui
les attendoit : D ix it inimicus : perfequar & com-
prehendam... evaginabo gladium meum, interficiet
eos maniLs mea. Flavit Jpiritus tuus, & opérait eos
mare. Les chars de Pharaon , fes guerriers, fon
armée enfêvelis fous la chute des eaux , couverts
des vagues nmgiffantes , & tombant au fond de
l’abîme , quafe lap is, quafiplumbum ; Ifraël déliv
ré , pour aller habiter la terre qui lui eft promife ;
& déjà l’effroi répandu parmi les philiftins, parmi
les rois d’Édom & de Moab , chez les peuples de
Chanaan ; tels font les tableaux que préfènte ce beau
Cantique y & parmi ces tableaux les mouvements
d’enthoufîaffne de tout un peuple qui s’écrie: C efi
là mon Dieu , & j e lui rendrai gloire ; c efi Le
Dieu de mes pères, & je Vexalterai. Ta main,
Seigneur, a fignolé fa forcey ta main s’efi étendue
& a frappé mes ennemis. Les tiens font dévorés
comme un faifceau de chaume aride , d ’un trait de
feu de ta colère. Oh ! qui efi femblable à toi ,
Seigneur ? Soit que tu faffis éclater ou ta grandeur
ou ta pniffance , que tu veuilles te rendre
allmirable ou terrible , qui ofera s'égaler à toi ?
L e fécond Cantique n’eft pas du même genre :
Moïfè y parle foui ; & l’époque en eft remarquable.
Ce fut lorfque Moïfè eut appris de Dieu même que
l’heure de fa mort approchoit; ce fat alors que , prêt
à defoendre au tombeau , il affembla le peuple , &
du ton le plus élevé del’infpiratiah : o Que les çîeux
» m’écoutent parler , d it - il, & que la terre foit
» attentive à mes paroles. Dieu eft la fidélité même.
» Exempt de toute iniquité -, il eft jufte & droit par
» eflence ». Alors rappelant tout ce que Dieu avoit
fait en faveur de fon peuple, il reprit: Et comment
as-tu reconnu tant de bienfaits, Peuple ftupide & in-
fènfé? . . Mais abftenons-naus de traduire, de peur
d’altérer la beauté du texte , & d’en ralentir la
chaleur. Hoeccine reddis Domino, Popule fu i t e &
infipiens ? Numquid non ipfie efi pater tuus , qui
vojfedit t e , & f e c i t & creavit te? Memento die-
rum antiquorum ; cogita generqtiones fingidas ;
interroga patrem tuum, & annunciabit tibi ; majores
tuas, & dicent tibi.,. Pars Domini populus
ejus... Circumdùxit eum, & docuit, & eufiodivit
quafe pupillam oculi fui. \Sicut aquila provocans
ad volandum pullos fu o s , & fuper eost volitans,
. expandit alas fu a s , & ajjiimpfit eum, atqueporta-
vit in hume ris fuis... Deum qui te gernùt dereli-
quifii, & oblitus es Domini crentons tui ? F'ulit
Dominas, & ad iracundiam concitatus efi. E t ait...
Congregabo fuper eos mala.„ forts vafiabu eos
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gladius , & intus pavor, juvenem fimül ac virgi-
nem , laélantem cum homine fine. D ix i : Ubinam
funt ? C effare faciam ex ho minibus memor.iam
eorutii. Sed pr-opter iram inimicorum difluli ; ne
forte fuperbirent hofles eorum , & dicerent : Manus
jiofira excelfa, & non Dominus, fecit hæc omnia*.•
Mea eft ultiù, & ego rétribuant in tempore.
O11 voit par cet extrait qu’une Eloquence véhémente
eft le caractère de ce Cantique. Celui de David
, for la mort de Saiil & de Jonarhas, eft d’un
ftyle bien different. J’en vais rappeler quelques
traits : Incliti, Ifra ë l, fuper montes tuos inter-
feclifunt : quomodo ceciderunt fortes? Nolite annun-
tiare in, Geth... ne forte Loetenturfiliez philifihiim...
Montes Gelboëjiec ros nec pluvia ventantfuper vos...
1 quia ibi abjectus efi clypeus fortium... Saiil & Jouât
has , amabiles & decori in v itâ fia , in morte
quoque non funt\ divifi ; aquilis velociores , leani-
bus fbrtiores. Filice Ifraël, fuper Saiil fie te... Do-
leo fuper te , Frater m i, Jonatha , décoré nimis
& amabilis fuper ambrent mulierum y fieut mater
unicum amat filium fuum , ita ego te diligebam.
Depuis David jufqu’à Michel Montagne , je ne
crois pas que jamais l ’Amitié fè foit exprimée fi tendrement.
Tout le monde connoit le Cantique d’É-
zéchias par l ’imitation embellie que Roufïèau nous
en a donnée. Mais le Cantique de Salomon , ' encore
plus célèbre, confédéré , non comme un ouvrage
myftérieux, maïs comme un morceau de Poéfie ,
t ne me fèmble pas mériter toute fà réputation : on y
voit quelques traits d’un fomiment afîèz naïf & des
images afîèz douces : Fafciculus Myrrhes dileclus
meus mihi y inter ubera mea commorabitur... Ecce
tu pulcher es , Dilecle m i, & decorus : Lechilus
n&fier fioridus. — Sicut lilium inter fpinas , f ie
arnica mea inter films. — Sicut malus inter ligna
fylvarum , fie dileclus meus inter filios. Sub urnbrd
ilhus qutm defideravérant f id i y & fruclus ejus
dulcisgutturi meo...Fuicite me fionbüs... quiaamore
langues.Lesva ejus fub càpite meo, & dextera illius
amplexabitur me... F o x dilecti me il Ecce ifie venir
faltens inmontibus, tranfiliens colles... En dileclus
meus loquitur mihL... Surge, vropeva , Arnica
mea , Colurnba mea, Formofa mea, & veni.. _
Sonet vox tua in auribus mets y vox enim tua
dulcis, & faciès tua décora... Dileclus meus mihi y
& ego illi. — In leclulo meo per nocles qucpfevl
quem diligit anima mea y quesfivi ilium, & non.
inveni.
Cela eft fimple & naturel ; mais cela eft noyé dans
une multitude de compâraifons fans julrèfle , & de
détails fans agrément : & que ce fût PÉpithafame ,
le chant nuptial de Salomon „ je n’y vois nulle
vraifèmblance.
Eft-il pofïible d’îmaginer que Salomon eut fart
dire à fà jeune épouiè qu’elle couroit les rues toute
la nuit pour le chercher ; qu’elle avoit rencontré la
fèntînelle , & qu’elle lui avoit demandé fi elle pJavcit
pas vu fon amant î Surgam & circuiho civimtem -
per vicos & plaidas quærcun quem diligit anima