d’Anarchie ne dura que fept ans; en 1598 , l'Audience royale
fut rétablie.
Manille continua de devenir puifTante , elle fut en état de
faire différentes expéditions dans l’Archipel, à Mindanap & à
Jolo, ces expéditions eurent dans les commencemens d’aflez
heureux iùccès. Les Japonois vinrent s’y établir;.les Chinois en
firent autant, & en 1600, ils avoient formé des peuplades
confidérables hors les mufs de cette ville; en 1 do 3, les Chinois
étaient déjà en fi grand nombre qu’ils fe révoltèrent, &
eflâyèrent de s’emparer de Manille ; cette rébellion commença
la veille de Saint François, & dura près de quinze jours; le
Gouverneur vint cependant à bout de i’appaifer; mai s il eut,
difent les Francifcains dans leur Hiftoire., l’ajfiflance fpéciale
& miraculeufe de leur Séraphique Patriarche, que l’on vit combattre
de dejfus les murs & repoujfer ïorgueilleufe infolence
des Chinois.
Les Japonois, à l’exemple des Chinois, en voulurent
faire autant; les Miflionnaires, à force de perfuafion, difli-
pèrent l’orage; mais ce ne fut qu’un feu mai étouffé qui éclata
fubitement quelque temps après: cette fois-ci l’éloquence des'
Religieux n’y fit rien, il fallut avoir recours aux armes , on
le tua du monde de part & d’autre; enfin les Japonois furent
vaincus, leur village de Dilao fut brûlé, & ne fut rétabli
qu en 162.1 ; ce village de Japonois n’exifte plus aujourd’hui,
parce qu’il n’y a point ou prefque point de Japonois à Manille
actuellement; je vis partir, en 1 7 6 7 , le peu qui y était alors :
I hiftoire dit que le Gouverneur fous lequel arrivèrent tous
ces grands évènemens, mourut empoifonné.
Manille accrut bientôt fa domination au loin, de 1603 à
II 6 10 ; elle fut fi bien fortifiée, fi bien munie de provifions,
fa Marine fut montée fur un ton fi refpectable, qu’il y eut
jufqu’à fix Vaiffeaux de ligne & plufieurs Galères; ces forces
étaient formidables pour le temps. Les Holiandois relevèrent
plufieurs fois l’éclat du nota de cette ville par plufieurs
défaites que leurs armées navales elfuyèrent dans la baie de
Manille, & ailleurs dans l’Archipel ; en forte que les Efoa-
gnols pofledoient dès-lors une grande partie des Mes de cet
Archipel & des Moluques; le Gouverneur, à qui l’Elpagne
était redevable de tant de fervices, impolà huit piallres
'(quarante-cinq livres) par an, iùr chaque Chinois qui voudroit
avoir la permiffxon de s’établir à Manille.
Comme le but de toutes ces conquêtes étoit de fe maintenir
aux Philippines, uniquement pour étendre la vraie
Religion jufqu’aux extrémités du monde, & l’y faire profi
pérer, les P. P. de la Compagnie de Jéfus avoient pouffe
des Miflïons jufqu’au Japon, & elles y avoient profpéré au
point que ces Pères mettaient déjà le Japon au nombre de
leurs provinces pour le ipirituel, l’appelant la province du
1Japon. Ils eurent un revers terrible en 1 6 1 4 : çette année
il arriva, dans la baie de Manille, un Vaifleau tout délabré,
qui venoit du Japon & qui portait environ trois cents
perfonnes, tant hommes que femmes, qui avoient été chaflés
après avoir été periécutés & tourmentés pour la Foi catholique;
idu nombre de ces perfonnes étaient vingt-trois Pères de la
Compagnie, de cent trente qui compofoient la province du
'Japon, quinze Séminariftes., deux Prêtres, &c. quelques
femmes de diftinction, & autres Japonois : toutes ces perfonnes
perfécutées pour la bonne caulè, trouvèrent à Manille
tous les fecours poifibles.
Je ne puis pas dire quelles furent les raifons d e l'Empereur