l’arrivée des Européens. Il eft au moins certain que les
Européens, depuis qu’ils fréquentent Madagafcar, ne ceffent
d’y faire paffer de nouveaux levains , & en rapportent èn
échange de ceux du pays ; d’où il fuit évidemment que cette
maladie doit être très - dangereüfe à Madagâfcai , & que
l’incontinence dans les plaifirs des femmes y eft, comme ;je
l’ai déjà dit , de la dernière conféquence. Les grandes chaleurs
, & quelques palliatifs faits du jus de certaines plantes,
font que les Noirs de ce climat fupportent a fiez volontiers
cette maladie , au lieu que les Européens qui changent
continuellement de climat, s’aperçoivent enfin des grands
progrès du mal, aux approches du climat d'Europe*
Au refte , je ne fais pas fi la lèpre , qui eft fi commune
à Madagafcar, fur-tout dans l e ‘ Nord de Foulpointe, à
Sainte - Marie & à la haie d’Antongil, ne ferait pas une
fuite de la maladie dont je parle. Ce qu’il y a de vrai, c’eit
que j’ai vu des Noirs qui en font tout couverts, & d’autres
qui en avoient, foit le vifagë, foit les membres mutilés; &
il eft à remarquer, comme’ une ehofe de fait, que les Philippines
ont auffi des lépreux, comme je l’ai dit; mais que
dans l’Inde , du moins dans la partie que j’ai vifitée, je n’y
ai point entendu parler de lépreux ; ce qui prouve au moins
qu’elle doit y être très-rare. A Manille, au contraire, il y
a un hôpital pour ceux qui font attaqués de cette maladie.
A mon arrivée à Foulpointe en 1763 , n’ayant'encore
nulle comloiflànce de cette partie de Madagafcar, je reftai,
par une fuite d’une crainte bien naturelle que j’aVOis de
ces peuples, à bord du Lys avec M. de Laval, tout le
temps qu’on paffa à faire & à élever notre village : très-
curieux cependant d’affifter à la cérémonie de la Circoncifion,
qui devoit fe faire avant que nous fuffions établis à terre,
& qui devoit commencer à cinq heures du matin , je défi
cendis la veille, dans l’après-midi, pour voir les premiers
préparatifs de cette cérémonie ; & quoique M, de Laval
m’eût bien affiné que je pou vois en toute fûreté paffer la
nuit dans le village , je voulus revenir coucher à bord :
j’entrai donc dans une cafe, où je reftai quelque temps avec
les perfonnes qui m’accompagnoient ; la maîtreffe de la
maifon, qui partait affez lé François pour fe faire entendre,,
m’invita très-fort à paffer la nuit chez elle ; mais’ plus elle
me preffoit, plus, je l’avoue, ma crainte & ma défiance
augmentaient, & plus l’envie me preffoit de rejoindre mon
Vailfeau, dont j’étois à plus d’une demi-lieue: cette femme,
avec un air très-affàblè, me dit en propres termes de refier
à terre, que je coucherois dans la chambre de fa fille. Cette
fille, âgée peut-être de dix-fept à dix-huit ans, arriva i’inftant
d’après; elle était très-bien faite & fort jolie; elle s’appeloit
Vold-fara, bon argent ( tous les noms propres dans eë pays
font figniftcatifs ) ; mais malgré toits les agrémens de made-
moifèile Vola-fara & la gracieufe invitation de la mère, je
préférai de retourner coucher à bord de mon Vaiffeau, &
M. de Laval eut la complailânce de me faire mettre à terre
le lendemain matin à quatre heures & demie.
Je pourrais rapporter ici un très-grand nombre de faits,
•qui dépotant tous en faveur du peuple de Madagafcar , par
où l’on verrait qu’il ferait très-aifé de vivre avec eux,;
fur-tout avec ceux de * Foulpointe. C ’eft en général un
peuple craintif, aifé à épouvanter ; pour la moindre chofe
il prend l’alarmé , d’où s’enfuit toujours une fuite ; mais il
n’eft pas aifé' de le raffiner : il faut beaucoup de temps &