pouvoir jamais élever des cafeteries ; ainfi je ne crois pas que le
Café fafiê jamais une branche de commerce à ilfle-de-France.
On a penfé dans ces derniers temps à fe procurer la noix
rnüfcade & le clou de gérofle ; mais quand même la mufcade
y réufiiroit, il eft certain quelle fera bien inférieure en
qualité à celle des Moiuques : cette noix femble demander
un térrein brûlé, fpongieux, de cendres, de laves, de volcans
, enfin extraordinairement chaud & pluvieux ; toutes les
Moiuques où vient la mufcade réunifient toutes ces qualités,
& c’eft la raifon pour laquelle je crains bien que la mufcade
ne réuflifle pas à i’Ifie-de-France.
Elle y fut apportée en 1 7 70 par une expédition dans
laquelle étoit M. Veron, qui mourut an retour; il vint,
dit-on, des plans & des noix : on diftribua ces noix aux
habitans ; je les ai vues & j’en puis parler ; c’étoient, pour
la plus grande partie, des noix bâtardes, c’eft-à-dire grolfes,
oblongues, telles que j’en avois vu â Manille venant des
Philippines même, & qui font dire aux Efpagnols qu’ils
ont la mufcade dans ces Ifles ; mais (jette efpèce n’a que. peu
d’odeur en comparaifon de l’autre : o r , on apporta à l’Ifle-
de-France quatre à cinq fois plus de cette elpèce oblongtie
que de l’autre qui eft petite & ronde.
Dans la diftribution que l’on fit de ces noix aux habitans,
on ne leur en donna qu’une ronde fur quatre à cinq longues,
On avoit préparé une elpèce de terreau dans lequel on les
avoit mifes, & c’eft ainfi qu’on les diftribua, comme on auroit
donné des oignons de fleurs, avec la terre : or, foit que
ce terreau les ait fait germer, foit que dans le grand nombre
on en eût apporté de germées, il eft certain qu’en quelques
endroits il parut un petit bouton hors de terre, & c’eft tout
ce
.¿e que j’ai vu , car je. 11’ai pas été témoin qu’aucune, fur près
de deux mille qui furent diftribuées, foit véritablement levée
& foriie dé terre.
Mais je rendrai authentiquement juftice aux habitans ; ils
je donnèrent tous des foins & des peines incroyables à fuivre
i’inftruélion qu’011 leur avoit donnée : que l’on juge ce que
.c’eft de faire dans cette Ifie des foflès de cinq à fix pieds
de profondeur fur quatre à cinq de largeur ; on rencontroit
par-tout des carrières de roches qui étaient fou vent fi greffes,
qu’on ne pouvoit les enlever à force de bras, il falloit y
faire jouer la mine; de plus, il fallut faire à chaque foffe un
entourage de forts pieux les uns proche des autres, & les
entrelacer avec de fortes épines pour empêcher les rats d’y
pénétrer, car 011 fuppofoit que ces animaux font très-friands
de mufcade. J’ai été témoin de toutes ces chofes chez M. le
Juge, & fur-tout chez M. d’Hauterive, Commandant de fon
quartier : .on lui avoit donné en cette qualité une portion
double ( douze ou vingt-quatre) ; il fe donna les plus grands
foins pour montrer l’exemple à tout fon quartier. Sa plantation
que j’ai vue, étoit fans contredit la mieux faite de tout
le canton; il m’aflura que cet ouvrage lui avoit coûté près
de cent cinquante journées d’homme : fix mois après, en
Février, Mars & A v r il, rien n’étoit encore levé. C e fut de
même dans toute l’Ifie, & quelqués habitans ayant été plus
curieux que d’autres, fouillèrent la terre & trouvèrent la noix
pourrie.
Les petits plants qu’on apporta furent tous mis dans un
jardin : .on m’a aflùré qu’ils avoient bien repris; je ne les
ai pas vus.; la curiofité me fit demander â les voir, mais
comme elle me parut déplaire, elle me paflà.
Tome II. S f f f