défenfè, il n’y a point de magafins à i’abri de la bombe,
ni de piace de retraite pour ie Soldat : les Ingénieurs de
cette ville envoyèrent à la Cour d’Efpagne, après la guerre,
un projet de Fortification, dans lequel l’auteur avoit employé
le iyftème de M. de Vauban , mais on i’aVoit furchargé
d’ouvrages. Baftions, denti-lunes, ouvrages à corne, &c.
double chemin couvert, rien n’y étoit épargné de ce qui
pouvoit garantir le corps de la piace : ie projet étoit véritablement
beau ; mais à quelles fômmes ne feroient pas montés
ces ouvrages! ils devenoient même inutiles fi on n’avoit pas
de monde à y placer : car ce ne Font pas les Fortifications
qui gardent les places & qui les garantilFent de l'ennemi,
ce Font au contraire les Soldats. O r , ce plan de Fortifications
auroit exigé cinq à fix mille hommes de Troupes européennes
à garder les ouvrages, au lieu que deux mille hommes de
bonnes Troupes européennes peuvent abfolument déFendre
Manille dans l’état où il eft; je dis troupes Européennes,
car à des Européens il faut oppolêr des Européens. Les
troupes Mexicaines font alFez bonnes pour certains cas ;
par exemple, mille hommes de ces Troupes pourroient,
avec des Indiens affidés, former un corps d’armée d’obfer-
vation, qui inquiéteroit l’ennemi pendant le liège. C e feroit
là le moyen le moins difpendieux de défendre Manille, Si
de le mettre à l ’abri de toute infulte, au lieu que le trop
grand nombre d’ouvrages, outre la dépeniè qu’ils coûteroient,
ne feroient que hâter la ruine de la ville : ces ouvrages en
effet ne pourroient être que mal défendus faute de monde,
& l’ennemi s’en emparant, s’en ferviroit contre la place
même.
En j 7 6 j , la Cour d’Elpagne envoy a à Manille un Ingénieur
fort inftruit : c’étoit Don Feliciano Marqués, il parloit
très-bien françois; nous liâmes enfemble, à bord du Bon-
çonfeil, une amitié qui a duré tout le temps qu’il a vécu.
Je ne fais quelles furent les oppofitions qu’il effuya; mais
au bout de dix-huit mois de féjourà Manille, les travaux
qu’il avoit projetés pour mettre cette ville en état de défenfè,
non-feulement n’étoient pas encore commencés ; mais il n’y
avoit pas d’apparence qu’ils duifent fitôt commencer. Don
Feliciano Marqués étoit un jeune homme d’une fanté allez
robufte, menant une vie.fort réglée; il eft mort depuis mon
départ de Manille. Son plan de fortification avoit fort déplu
aux Religieux; voici pourquoi : ces P. P. ont à Sainte-Croix,
à Minondo & au Parian, à chacune des églifes de ces
faubourgs", une tour oélogone, d’une force furprenante ; ces
trois tours font exactement trois forts, & iis font fi près de
la ville que Don Feliciano Marqués avoit formé le projet de
les fiipprimer & de les abattre.
Ce fut pour une. raifon à peu-près femblable que M> Arantlia,
dont je parierai ci-après, qui gouvernoit à Manille en 1 7 5 4
& 175 5 , fut abhorré des Religieux: il y avoit alors deux
autres églifes hors des murs de Manille'; M. Arandia voulut
les faire abattre; mais il faut favoir quelle pofition, elles
occupoient ; c’étoient comme toutes les tours des églifes
des couvents de Manille, deux véritables citadelles, qui
n’étoient pas à plus de trois à quatre cents pas des murs du
corps de la place, chacune dans une pofition parallèle à la
face d’un baftion ; on m’a afîùré que les Moines crioient à
l’hérétique contre M. Arandia, & qu’ils ne parloient de
rien moins que de l’excommunier ; la mort arrêta tout.
C e zélé Gouverneur mourut en effet en 1 7 6 0 , avant que