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& ont de meilleures terres ; c’eft quelles fe nourriffent aux
dépens des hauts, dont les eaux enlèvent la terre & la répandent
dans les bas.
Tant de faits que je viens de rapporter, & quantité d’autres
du même genre que je fupprime, & que tout le monde fera
à même de voir, ne femblent-ils pas contraires à l’opinion
des volcans dans l’Iile & d’un bouleverfement univerfel ? Le
volcan a parcouru, dit-on dans le pays, toute l’IJle: s’il y a
eu quelque volcan à l’Iile-de-France, au moins la partie que
j’ai vue a été épargnée; car quelle eft la force ou iexplofion
qui aura pu ébranler l’Ille à un point de la culbuter de fond
en comble, comme auroit fait une mine, Sl d enievei de iès
entrailles des roches énormes pour les répandre çà & là fui
fa furface, pendant que cette même force aura laiffé fubfifter
à cent pieds de profondeur, plus ou moins, dans les ravines,
& dans quantité d’autres endroits, l’arrangement horizontal
des couches, &c.
Les volcans laiflent des traces de leurs ravages ;■ des pierres
calcinées, fondues, des pierres-ponces, des laves, des cendres;
or, on ne voit à l’Ifle-de-France aucune de ces marques. Les
montagnes font prefque toutes tranchantes ou à crêtes-de-
coq; celles qui offrent un plateau fur leur fommet font toutes
maffives comme fi elles étoient pavées en dalles de pierre,
ce qui prouve encore une forte d’arrangement ; nulle marque
d’entonnoir nulle part. Toutes ces montagnes ont été couvertes i
de terres & de bois ; aujourd’hui les fpmmets font prefque
tout dépouillés, & il leur eil arrivé ce que j’ai vu arriver
de mon temps à la montagne de Moka : des portions de cette
montagne, qui eft.affez efcarpée, ,fe font dépouillées de.terre
& d’arbres, & je voyois tous les ans, du réduit qui eft en
face, les progrès des ravages que les pluies & les ouragans y
caulbient. Dans les grandes pluies, ces endroits dépouillés
préfentent des nappes d’eau ou efpèces de cafcades de peu
de durée, mais agréables à voir. C ’eft ainfi que fe font trouvées
privées de leur écorce terreftre, les montagnes des Trois-
mamelles, Pieterbot, &c. On me dira que l’on a trouvé, &
que l’on trouve encore, quelques pierres-ponces à i’Iffe-de-
France; j’admets le fait, & je l’explique fort aifément : le feu!
endroit où il s’en trouve eft au Vent de l’ille , fur les îles
'd’Ambre , qu’ils font des îles de corail, & rafes, par con-
féquent; l’on peut donc très-raifonnablement croire que ces
ponces viennent du volcan de l’Ifle-de-Bourbon, & font
yoiturées aux îles d’Ambre, par les vents & les courans, à peu-
près comme le font, dans l’Inde, ces cocos finguliers dont
on ignoroit l’origine il n’y a pas encore quinze ans.
Pour dernière reflource les partifans dès volcans fo rejet-
toient for les cavernes qui font, difent-ils, les bouches à feu
de ces volcans qui ont brûlé fille ; j’ai vifité plufieurs de ces
carrières, elles ne mont paru autre chofe que des carrières
de pierres qui pofoient anciennement, foit flir de la glaifo,
foit fur de la terre : ces carrières de pierres fo foutiennent
aujourd’hui d’eiles-mêmes comme des voûtes faites de main
d’homme, parce que la terre qui les portoit les a abandonnées
; & la preuve eft que prefque toutes ces carrières font
dans des terreins en pente. II y eg a de pareilles aux plaines
de Willems, &c.
Le fait le plus difficile à expliquer dans ces carrières, ce
font ces banquettes ou parapets qui régnent tout autour, de
même largeur & de même hauteur ; c’eft ce que j’ai remarqué
principalement dans la caverne du Piton de la Découverte,