paiTer au vent de l’île dé Socotora, & notre eftime nous mettoit
déjà par la longitude de la partie la plus Eft de cette île; mais
quoiqu’il y eût à peine huit jours que nous euffions perdu la côte
d’Ajan de vue, nous nous trouvâmes malgré cela fous le vent de
Socotora, c’eft-à-dire, d’un degré & demi, ou d’environ trente
lieues plus dans l’Oueft que nous'ne penfions; cette erreur étoit
la fécondé depuis notre dépan, elles feraient confidérables fi on
s’en rapportoit à la carte de M. Daprès.
La première, ferait à l’Oueft, & la fécondé feroit à l’Eft ou en
fens contraire ; mais les cartes de M. Daprès, elles-mêmes, ne font
pas exemptes d’erreur, & je ne lâche pas qu’on ait encore vérifié
la pofîtion de la côte d’Ajan, ni celle de Socotora ; en efïèt, la
longitude de cçjfe île , telle que M, Daprès nous l’a donnée
a été fixée relativement à la côte de Malabar , fur des ellimes
de routes de deux ou trois Vaifîèaux. J’elpère, Moniteur , que
vous ferez parfaitement convaincu de l’infuifilànce de cette détermination
, quand je vous ferai voir dans le cours de cette Lettre,
que je trouvai, par le moyen d’une Eclipfe totale de Lune, près
de foixante-dix lieues d’erreur dans notre eftimeaux approches.de
la côte de Malabar, fur une diftance d’environ trois cents ..ciifc
quante lieues-
A- la vue de cette dernière erreur dont je viens de.vous parler,
on accula fur le champ les courans, mais il me parut qu’il n’y
avoit pas lieu de la leur attribuer toute entière; au refte, Moniteur;
je ne nie pas l’exiftence des courans dans ces mers : en effet, il
fuffit de jeter un coup-d’oeil fur la pofîtion de Socotora, fur
celle des îles qui l’environnent, du cap de .Gardafuy, le tout à
l’entrée de la mer rouge ou golfe Arabique; fi l’on examine en cors
le gilfement de toutes ces côtes, & le flux & reflux de la mer
qui eft confidérable dans ces parages ; enfin, fi 011 regarde le carrai
de Mozambique au fud de la Ligne où les marées font encore très^
fortes, on ne pourra s’empêcher de convenir qu’il doit y avoit
par-tout là dçs courans , telles que puiflènt être leur, direélion &, feut
force, que < les mouflons doivent faire varier confidérablement.
Aufli avant que d’arriver à la Ligne , & à la Ligne même ; nous
trouvâmes de très-grandes différences entre rros latitudes obfërvées
& celles que l’on déduifoit de l’eftiine du chemin de la Frégate;
ces différences allèrent jufqu’à trente minutes. Il eft vrai que depuis
la côte d’Ajan jufqu’à Socotora, nous n’éprouvâmes aucunes
différences ; ainfi lés courans, s’il y en eut, durent nous porter
direélement dans l’Oueft, ce qui ne peut guère fe fuppofer ici.
Le même jour 2 5 après midi, étant à fept ou huit lieues d’une
des îles nommées les deux Fr'eres, dans le Sud-oueft de Socotora,
nous fondâmes ; nous ne trouvâmes point fond à cent vingt braflès,
mais alors notre ligne cafîâ.
Le 2 6 , à dix heures du matin, nous doublâmes la plus orientale
des Deux-frères, à un tiers de lieue au plus de diftance ; & à
une heure après midi, nous étions par le travers de la grande baie de
Socotora qui regarde le Sud - oueft, à trois lieues au plus de diftance
du fond de cette baie; nous gouvernions fur la pointe de l’Oueft,
mais nous étions en calme. A trois heures après midi , gouvernant
encore à peine, nous aperçûmes deux greffes roches vis-à-vis de la
pointe que nous cherchions à doubler ; elles paroiffoient comme deux
Vaiffeaux à la voile, aufli nous y fumes d’abord trompés, parce
qu’elles n’étoient pas fur nos cartes. Ce qui entretenoit notre iilu-
fion étoit qu’eftes font toutes blanches de fiente d’oifèaux ; &
qu’elles nous refléchiffoient la lumière du Soleil ; à fon coucher
trous en étions à trois lieues, nous paroiffant elles-mêmes à la même
diftance de la pointe de l’Oueft de Socotora. On en voyoit une
troifième plus petite entre celles-là : nous les doublâmes pendant
la nuit, ainfi que la pointe de l’Oueft de Sooetora.
Le matin 27, nous n’étions encore qu’à trois quarts de lieue des <
roches, & à trois à quatre lieues au plus)de Socotora, en face de
l’entrée de la baie.
Vers les neuf heures, nous aperçûmes un Navire à trois mâts à
quatre à cinq lieues de nous, en face de la pointe du Nord-oueft
de i’Ifle que nous cherchions à doubler ; il paroiffbit Lire le Sud-
pueft ; nous ferrâmes le vent pour le joindre. A onze heures il avoit