d’avoir réaille ion projet, mais fa mort ne pafla point pour
naturelle. Un an après, en 1 76 2 , lorfque les Anglois parurent
devant Manille, on regretta cet homme, qu’on regardoit un
an auparavant comme excommunié, mais dont on avoit connu
les qualités militaires ; on s’aperçut, lorfqu’ii n’étoit plus
temps, de la perte qu’on avoit faite, & combien je projet
de ce Gouverneur eût été bon à exécuter. Les Anglois furent
bien profiter de l’avantage que leur offroit la pofition de ces
deux églifes, & de ces tours dont je viens de parler; mais
auffi, lorfqu’ils le virent les maîtres de la v ille , ils ruinèrent,
pour leur propre fureté, ces deux églifes & leurs tours.
Le nombre des Efpagnols qui font dans la portion de
Manille, qui n’eft pas occupée par les Moines, éft, comme
je l’ai dit, très-peu confidérable; il ne montoit pas, en
1 7 6 7 , à plus de huit cents perfonnes.
On peut dire que les Moines font les maîtres de la ville,
car toutes les maifons, fi on en excepte peut-être cinq à fix ,
leur appartiennent. C ’eft un bon revenu pour eux, parce
qu’elles font très-chères ; il y en a depuis deux cents jufqu’à
quatre cents piailres ( depuis mille jufqu a deux-mille livres );
elles font plus chères encore dans le faubourg Sainte-Croix,-
elles valent au moins cinq cents piailres ( deux mille fix cents
quarante livres ) , paree que c’eil-là que logent tous les
Marchands étrangers de l’Inde ou de Chine. Manille eft
encore peuplée par les Tagalos, qui font en même temps
les Naturels de cette ville & de fon évêché ; les Tagalos
fervent de domelliques aux Efpagnols, ou vivent de quelque
petit commerce ou métier.
A rticle
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 105
A r t i c l e S « c o « ©.
D e la baie de M a n ille, des .Rivières des environs, ¿7
Phénomène d ’ime quantité Jurprenante de poiffbn échoué
proche de M anille en ip fy .
L a ville de Manille eft, comme je j ’ai dit, dans une
pofition des plus agréables, lùr Je bord d’une vafte baie,;
cette baie ne ^renferme aucun danger, elle eft faine par-tout,
par-tout ou y peut mouiller à dix-huit 8c vingt brades xte
profondeur.
Tout autour il règne un banc, c ’eft-à-dire iqu’ù deux lieues
de terre le fond n’eft plus que de trois bradés, oe qui provient
delà grande quantité de rivières qui îe déchargent dans
xette baie ; qui charient à la mer des terres , des fables, que
;fon mouvement naturel repouffe continuellement vers fes
bords.
•Ces fortes d’alluvions caufent fouvent à la longue des
changemens dans quantité d’endroits ; ils pourraient bien,,
avec le temps, rétrécir la largeur de cette baie; mais le
courant,du milieu for-tout; qui eft très-cOnfidérable, entretiendra
toujours cette baie à peu-près dans Je même état;
-car les rivières elles-mêmes .ont bientôtrencontré çe; courant
qui les entraîne dehors, avec une partie, des .chofes qu’elles
charient avec elles.
La baie de Manille eft- très-poiftonneufe , 8c û on paifoit
quelques années Uns y pêcher, elle regorgeroit de poiifon :
cette grande abondance de poiifon fait ians doute que les
bords de cette baie & les environs de Manille font fi peuplés.
Des -peuples, auxquels il ne faut pour vivre qu’une poignée
de riz & dy ,poiifon, 8c qui trouvent une place où ils ont
Tome II. O