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H m’a ¿té affilié qu’il y a-voit des cafiers dans les jardins de
cette ville iituée fur une haute montagne. Au refte , il y a une
efpèce de café qui s’appelle de Senan, fort beau, fort eftimé,
& dont la Compagnie a beaucoup acheté autrefois.
C e fait, que je puis affiner fans en avoir été témoin , a été
le fujet d’une petite conteftation entre M. delà Nux &moi,
que nous ayons traitée par lettres ; il feroit inutile de la rapporter
ici, il fuffira de dire en fubftance que l’objeélion de
M. de la Nux confifte dans l’expérience fuivante.
Quelques habitans du quartier de Saint-Paul, Ifie-de-
Bourbon, avoient poulfé leurs plantations de câfe aulîi haut
qu’ils avoient pu; les plus élevées iont été a quatre cents
toifes & plus au - deffus de la mer; à cette hauteur il n’y a
encore ni neiges ni verglas ; le thermomètre n’y baille dans
l’hiver, qu’à fix degrés au plus au-dellus de la glace, & la
terre paroît très-bonne, cependant les propriétaires détrui-
firent, en 1766, toutes les cafewies formées fur cette zone
de terre de cinq cents toiles d’élévation , parce que les arbres
y venoient peu branchus ; les noeuds des1 branches étoienf
trop éloignés les uns des autres, & chaque noeud donnoii
peu de fruit, gros, fpongieux, & qui neparvenoitque difficilement
en maturité; car au lieu que la ôueillette elt toute
finie dans les bas en Juillet & en A oû t, celle-là ne pouvoit
le faire qu’en Février; en forte que les maîtres de ces terreins
trouvèrent mieux leur compte à faire du blé. Cette différence
peut venir de la qualité du fol, des vents, & fur-tout
de l’expofition. On n’entend point dire que le cafier dégénéré
en Arabie; il n’en eft pas de même de celui de Bourbon : on
m’en a apporté dans le pays différentes railbns, entre lef-
quelles je ne décide point ; je remarquerai feulement que;
félon une lettre que j’ai de M. de la N u x , il s’en faut bien
qu’on ait fuivi à Bourbon la méthode des Arabes dans la
culture de cet arbre; ils le laiffent croître,, comme je l’ai
dit, à vingt-cinq à trente pieds de hauteur; aux îles de France
& de Bourbon, ils en font un buiflon qui ne s’élève pas à
plus de fept à huit pieds : il eft vrai qu’ils dilènt que le climat
les force à prendre ce parti à caufe des ouragans qui n’ont plus
alors tant de prife fur la tête de ces arbres; mais il faut dire
aulfi que la cueillette y entre pour quelque choie, car elle
ne feroit pas fi ailée, même félon eux; & quant aux ouragans
& 'Vents de Sud-eft, fi les cafeteries n’étoient difpofees le
long des libères des bois, ces greffes têtes en buiffou feroient
encore fouvent détruites ou ravagées. Au refte, quand même
on le laifferoit s’accroître à l’Ifle-de-Bourbon , il n’en eft pas
moins certain que cet arbre y épuife le terrein où on le met,
& qu’une cafeterie dure à peine quinze à vingt ans ; & que
lorfqù’elle ne rapporte plus, parce que les arbres dépériffent
enfin, on ne peut plus la renouveler dans le même endroit,
du moins il faut dans cette Ille, un terrein neuf, preuve que
l’arbre a tiré- tout le fuc de celui dans lequel il étoit. C ’eft
la raifon pour laquelle les habitans de Bourbon fe déterminent
aujourd’hui ( 1780 ) à planter du coton, qui vient dans des
terreins ulés comme dans des terreins neufs»
Quantà la comparaifon des deux cafés, de celui d’Arabie &
de celui de Bourbon ; celui d’Arabie n’en louffre aucune : je
fuis parti dans l’Inde avec ce préjugé, qu’il n’y a voit aucune
différence, ou au moins une très-légère entre ces deux elpèces
de café : .ce préjugé que j’avois pris d’après des expériences
faites chez une perfonne qui , morte aélueüement, étoit alors
à la tête de la Compagnie des Indes ; ce préjugé, dis-je , m’a