L ’Orateur conclut' que Dieu e'toit cependant la première caufe
de la prife de la baleine ; qu’il e'toit jufte de lui offrir de cette
pêche, puifqu’il e'toit f i bon ; qu’il falloit auffi en offrir au
Diable pour tâcher de l’appaifier, & de fie le rendre favorable
pour une autre pêche.
Ce dilèours, dont je ne donne ici que ia fiibftance, qiii
m’a été interprété par un Noir qui iàvoit affez le François pour
que je ie corapriffe parfaitement, dura un gros quart-d’heure:
pendant qu’on ie débitait, un Matelot de notre Vaiffeau s’avifa
de pénétrer dans l’enceinte, de s’approcher de la baleine, & de
s’appuyer deffus en fixant toute l’affèmblée ; l’Orateur s’arrêta,
lili dit de fe retirer & qu’il tempêchoit; on s’attend bien que
cet homme, parce qu’il était Blanc, n’en voulut rien faire:
un des Noirs me dit alors de dire à cet homme de les laiffer
parler Dieu ; ce que je fis, & il le retira. Le fermon finit enfin,
& le Prédicateur le termina en difant aux alfillans,prenei tous
puif que Dieu eft bon : il ne fallut pas le répéter; les eniàns,
en affez grand nombre, fe jetèrent fur le repas, qui fut pillé
& enlevé en un ciin-d’peil.
La baleine lè partage enfuite ; on en envoie dans toutes les
cafes, & il n’y a pas un Noir qui n’en ait une petite portion.
Comme j’avois affilié avec la plus grande docilité à toute
la cérémonie, je crus qu’il était julte que je goûtaffe de ce
poiffon; j’en demandai, penfant bien qu’on ne m’en refulèroit
pas ; mon domeftique ou marmite m’en apporta le lendemain
matin un tronçon cuit, qui peloit bien deux à trois livres ;
j’en mangeai en effet une bouchée , mais je ffofai aller, plus
loin, car je n’ai rien goûté en ma vie de fi mauvais; un goût
(fe très-mauvailè huile, âcre & déteftable, me relia dans la
bouche pendant affez long-temps; je donnai le relie de mon
morceau à ce Marmite , qui s’en régala devant moi avec un
appétit qui tenoit en apparence de la voracité.
On connoît affez en quoi confiite la cérémonie religiéuiè
de la circoncifion chez les Orientaux, fans qu'il foit befoin
que je m’étende trop fur cette matière; parlerai feulement
de quelques fingularités que m’a offertes cette cérémonie chez
les peuples de Madagafcar : c’eft toujours aux environs de la
pleine lune que fe pratique la circoncifion.
M. de Flacourt parle de cette cérémonie, que les Rohan-
dria/ls pratiquoient de fon temps au Fort - dauphin : celle que
j’ai vu à Foulpointe, & qui fe pratique auffi à ia baie d’Antongif,
diffère peu de celle que décrit M. de Flacourt. Us circoncifent,
à Madagafcar, les enfans mâles depuis l’âge d’un an jufqu a neuf
à dix ans. La cérémonie fe fait dehors, au milieu d’une grande
place où l’on plante un mât de trente à quarante pieds dé longueur,
d’environ huit pouces de diamètre par le bas, équarri
& pointu par le bout d’en haut : la fête eft aux frais du C h e f du
village ; on amaffe d’avance une provifion confidérable de tok,
qui eft une liqueur faite de cannes de fucre & qui enivre ; ils
font des réjouilîànces plufieurs jours de fuite, & paiîént les
nuits à dânlèr & à boire.
Je me trouvai la veille d’une de ces cérémonies , dans un
village allez éloigné du bord' de la mer, où je vis une grande
danfe devant la cafe du Chef; nous étions plufieurs, & fitôt
que ce Chef nous aperçut, il nous apporta lui-même des
couffins & des tabourets, faits à la mode du pays, fur iefquels
nous nous affimes & reliâmes aiîèz long-temps. Ceci eft encore'
une preuve de la bonté de ces peuples , & du relpeéï qu’ils
ont pour nous. Il alla enfuite nous chercher du tok, qu’il nous
apporta dans un grand pot d’étain ; d’abord il me préfenta ce pot