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jls font obligés de reiler un an ou environ pour rendre
compte de leur geftion ; pendant ce temps, ils font expofés
à recevoir des avanies de la part de ceux même qui leur
paroiffoient les plus affidés; car pendant tout le temps de
la réfidence il èit permis à tout le monde de porter fes
plaintes & fes accufations au nouveau Gouverneur qui les
écrit, eil cenfé les envoyer à la Cour.
Lopès de Legafpi a été le premier Gouverneur qu’il y ait
eu à Manille & aux Philippines; il y arriva en i 5 6 j , débarqua
à Zebu : ce fut lui qui fit la conquête de Manille; il y
mourut en 1 5 7 1 , d’un mouvement de colère immodéré.
Je ne perdrai pas de temps à paifer en revue tous les
autres Gouverneurs de Manille, & ceux qui y ont commandé
par intérim. Je vais feulement tracer Un tableau abrégé des
affaires principales & les plus intéreffantes qui s’y font paffées
depuis 1565 jufqu’en 1 7 7 5 .
A r t i c l e s i x i è m e .
De F état politique de Manille , depuis i jf y juj.qu’en ip p f.
L es premiers Gouverneurs de Manille firent peu de
chofe pour le progrès des armes Elpagnoies,. & pour
étendre leur domination dans cet Archipel ; ils eurent même
affez de peine à s’y maintenir dans ces commencemens,
parce qu’ils donnèrent beaucoup d’ombrage â tous leurs
voifins^ qui ne voyoient qu’avec peine des étrangers auffi
redoutables, en poifeifion d’un poile auffi avantageux que la
vilje de Manille ; ce lut par cette railon que les I agalos,
pouffés & incités par les gens de Bornéo, cherchèrent à fe
foulever plufieurs fois. D ’ailleurs, prefqüe toute la ville de
Manille fut réduite en cendres en 1 58 3 ; i’égiile des Auguilins
¿toit alors de bois, on s’étoit contenté d’en jeter les fondemens
en pierre. Aux funérailles d’un Gouverneur, le 2 8 Février
de la même année 1583', le feu prit à l’églife, par le moyen
des lumières du maufolée, & s’étant communiqué aux maifons
de proche en proche, embrafa bientôt toute la ville : il fallut
lâ rebâtir.
C e fut à peu-près dans ce temps-là que la Cour de Madrid
établit une Cour fouveraine à Manille, & qu’on appelle
l'Audience royale.
Cette ville n’étoit encore que peu de chofe. En état feulement
de fe défendre contre les gens du pays, elfe n’eût pu
réfiiler aux forces des Européens , mais elle faifoit déjà le
commerce d’AcapuIco : ce ne fut que fept à huit ans après
cette époque que Manille commença à paraître reipeétablê;
en moins de dix ans elle fe vit environnée d’une forte
muraille garnie de gros canon; elle eut une citadelle, des
Vaiffeaux & des Galères, qui en imposèrent à tous fes voifins :
on dit que l’Empereur du Japon ne vit qu’avec peine cette
grandeur fubite, il prétendit que les Philippines lui rendiifent
hommage, & que Manille devint Vajfale de fà Couronne;
on envoya, en 1 5 9 2 , une ambaifade à cet Empereur, à la
tête de laquelle fut, dit-on, le Père Gardien des Francifcains,
qui appaifa l’orage, & affina la paix & le commerce entre
les deux États.
Ce Gouverneur qui fit tant de chofes utiles à l’avantage
de Manille, jouïffoit de beaucoup de crédit à la Cour ; il
avoit follicité un ordre du Roi pour fiipprimer l’Audience
royale; & en effet, en 1 5 9 1 , les Oidor's s’embarquèrent
tous pour repaifer en Europe ; le Gouverneur garda auprès
de lui le plus ancien pour-lui fervir d’Affeffeur : cette elpèce
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