au coucher du Soleil à la vue de la roche d’Itapère ; enfin
c’eft à la prudence à régler le Marin. Si tant. de Vaiflèaux
manquent le Fort-dauphin, c’eft' faute de précaution 8c faute
de lavoir douter.
, En cas de calme ou de petit temps, on peut mouiller
le long de la côte pour attendre la brife, principalement
entre Sainte-Claire 8c Itapère ; mais il faut toujours être en
alerte ; car fi pendant la huit la brife fe déclare , qu’elle
force, que le cable manque, enfin, qu’on foit forcé d’appareiller,
on eft fur de déràder.
Ce cas eft prefque celui du Gange dont j’ai parlé plus
haut; ce Vaiifeau étant à l’entrée de la Baie y mouilla,
forcé par la nuit qui ne lui permit pas d’aller plus loin; le
lendemain , la brife fut très - forte , 8c le Capitaine qui
vouloit fans doute entrer à fon aile avec un petit temps ,
refolut d’attendre le foir, moment où les brilès mollilfent.
Cependant, il envoya fon cânot à terre; pour lui , il
attendit tranquillement ce que'deviendrait la brife; mais au
Ijeu de tomber , elle força au contraire fur le foir ; elle
devint enfin fi forte, qu’à 11 heures du foir fon cable cafla:
il n’eut pour lors d’autre reffource que de mettre à la voile
Sc de s’en aller. Je trouve que ce Vaiifeau, ou plutôt fon
Capitaine, fit deux fautes elfentielles contre la manoeuvre.
La première , de n’avoir pas appareillé pendant Je jour;
çar il ne courait pas plus de rifqoe que fon canot; & puif-
qùun fi frêle bateau s’expofojt à la lame & au vent, il ne
ventoit pas au point de ne pouvoir pas entrer dans la Baie
8c à gagner le Fort, autrement le canot eût été lubmergé,
La feconde faute , fut de n’avoir pas eu d’ancres en
mouillage. Pans un cas pareil, feu M. de Suryiile étant au
pioment
moment de dépouiller le Fort-dauphin, par la force du vent
8c des courans, en habile Marin 8c avec cette prudence que
tout le monde lui connoiffoit, lailfa tomber deux ancres à
la fois, 8c il tint contre l’effort de la mer 8c dû vent.
La manoeuvre que nous fîmes en arrivant, d’aller, mouiller
en dedans de la Baie pour y paffer la nuit, eft la meilleure
manoeuvre, & fut exécutée avec autant d’intelligence que
de fang-froid par M. des Blottières, dont le nom mérite
bien d’être placé en cet endroit; ce Marin intelligent favoit
fon art par théorie & par pratique, 8c quoiqu’il n’eût jamais
été au Fort-dauphin, il manoeuvra comme auroit fait le plus
ancien Pratique de ces mers. ; il eût bien defiré mouiller
entre Sainte-Claire 8c la pointe, d’Itapère; mais la mer étoit
trop groife 8c la côte trop pleine de roches : cependàht lé
coucher du Soleil approchùit ; un quart-d’heure environ
avant, on aperçut des hunês, la mer brifer fur la roche
d’Itapèré : on s’çn alfiira b ien , car les Baleines peuvent
tromper (Voyei ci-devant, page jp p )■ On gouverna au
Sud-oueft-quart-fud, eû rangeant la terre à une demi-lieue
de diftance.
Nous aperçûmes bientôt d’en-bas cette roche,« ou plutôt'
la mer brifer deflùs ; on ne ceïîoit de l’exâmiftér , 8c on ■
gouvernoit en conféquence»: la nuit vint; mais fort heureu-
fement nous n’avons point ceifé pour cela de diftinguer la
roche : on voyoit de ce côté de l’horizon un grand ridéau fort
épais, formé par les montagnes de Madagafcar 8c par de gros
nuages ; ce qui faifoit paraître cette partie de l’horizon fort
noire; de forte que lorfque la mer frappoit la roche, l’écume
qui provènoit du choc de la lame, fe remarquoit parfaitement
fur ce fond obfeur, 8c nous fommes paffés par ce moyen à
Tome II, E e e