fo i, qu’il fêroit peut-être rare de trouver au centre des
Nations les plus policées.
Enfin on y ver.'oit qu’une poignée de François, de cin-
quante hommes au plus, ont fait tête à une province entière,
à quatre à cinq mille hommes au moins ; que ce monde
pouvant ailèment nous troubler dans notre embarquement,
nous a iaiffe faire tranquillement tous nos préparatifs, & c.
que même plufieurs font venus s’offrir à nous aider : que
É lu s aucune méfiance, ils nous ont en effet aidés dans tout;
à faire notre eau, à rouler nos pièces, à tirer notre chaloupe
à terre, pour la raccommoder, & la lancer à l’eau; qu’enfin,
loin de nous tendre aucune embûche , ce fut nous qui leur
en dreifames; car croyant ufer de quelques repréfailles, mal
fondées, contre Maimbou, à qui nous foppofàmes que ces
Noirs appartenoient, lorfque ces mêmes Noirs à qui nous
étions fi redevables, fe prélèntèrent pour recevoir leur falaire,
des Matelots affidés qu’on avoit prévenus, fo jetèrent deffus
pour les fàifir ; cependant, on n’en faifit réellement que
cinq ( les autres s’étant échappés ), qu’on embarqua & qu’on
mit aux fers : nous levâmes l’ancre & nous en allâmes.
Malgré cela, on a vu ci-deffus comme deux François abandonnes
1 année d en fuite, trouvèrent toute forte de fecours au
Fort-dauphin ; mais je dois dire auffi que le Gouverneur de
l’ifle-de-France, en défapprouvant notre conduite, renvoya
l’année foivante ces cinq Noirs dans leur patrie.
Pendant tout ce temps de troubles , je me fois promené
fort tranquillement aux environs du Fort- dauphin, que j’ai
même levé géométriquement fort à mon aife : mon Domef-
tique ou Marmite ne m’a point quitté. Un Chef de village
qui favoit le François, Interprète ordinaire de Maimbou &
fon Meffager,' qui avoit coutume de demeurer au Fort pendant
les Traites, vint me voir dans ma café, accompagné de deux
efclaves, qui m’apportoient un grand panier plein d’huîtres
fingulièrement configurées , que je lui avois demandées
depuis plus de quinze jours; qui fe nourriflènt dans la Baie
& qu’on ne peut avoir qu’en plongeant : ces huîtres font fort
mauvaifes à manger, fur-tout fort dures: j’en emportai plus
d’un cent à l’Ifle-de-France, où je devois avoir tout le
temps de choifir.
Ce même Noir, nommé Mofa, vint me revoir un autre
jour; je lui pariai des anciens François qui avoient pofîedé
le Fort-dauphin ; mais il m’a paru que la tradition de ces
peuples eft fort peu de chofe ; ils ont à peine l’idée des
anciens Blancs ( François ). Mofa me dit donc, qu'il avoit
entendu dire à un très-vieux Noir, & qui était, ajouta-t-il, fe
vieux qu'il avoit perdu la vue ; il avoit, dis-je, entendu dire à
ce Noir qu'il avoit vu les Blancs au Fort-dauphin ; que les
Noirs étant mécontens de leur Roi l’avaient ehajfé, & s'étaient,
à la place, mis fous la domination des Blancs ; que le Roi
détrôné avoit été obligé de fuir & de fe fauver chcg les Mata-
tanes ; qu’enfuite les Blancs étoient devenus mauvais ; que les
Noirs n'étant plus contens de ces Blancs, dont la domination
étoit trop dure, les avoient en partie tués & en partie chaffés :
qu’ils avoient après cela fait revenir leur Roi de chcg les
Matatanes ; que ce Roi avoit été fort bon. Mais cette tradition
regarde-t-elle les Blancs ( François ), ou les Blancs dont parle
Flacourt ( Rohandrians ) , dont on a vu ci-devant que la racé
eft éteinte au Fort-dauphin !
La guerre ne m’a point empêché de recevoir en vifite
plufieurs autres Chefs de villages, que la euriofité m’amena,
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