fembloit pas que les Efpagnols fulfent les maîtres du pays ;
c etoit, à ce que me direntdes Efpagnols, l’ouvrage & l’effet
de la politique des Moines.
Si les Religieux aux Philippines, ont réfifté fur ces articles
à la puilfance temporelle, ils n’ont pas été plus dociles fur
un autre article à la puiffance ecciéfiaftique, ayant fu éluder
jufqu’à ce jour la vifite des Archevêques, & ces Prélats
n’ont jamais pu en venir à bout.
Le grand embarras dans cette affaire, eft qu’il n’y a que
très-peu de Prêtres aux Philippines ; la plus grande partie de
ceux qui le font, font Indiens ; les peuples, difent les Elpa-
gnols, n’ont prefque aucun relpeél ni vénération pour eux ;
ie plus fouvent ils vont habillés à la façon du pays, comme
les autres Indiens leurs compatriotes : les Moines, au contraire,
font néceflàirement plus relpeétés, & quand ce ne ferpit que
par leur habillement, iis en impoferoient davantage aux
Indiens : ces Religieux tiennent les peuples dans une forte de
dépendance dans laquelle les Prêtres de leur race, & vêtus
comme eux, ne les .tiendraient pas ; mais aufli, parce qu’ils
lavent qu’ils font néceffaires dans l’état actuel des chofes,
ils fe font toujours foulevés lorfque les Archevêques ont
voulu faire leur vifite, en forte qu’ils n’ont jamais pu les
furmonter : ils fo font pour ainft dire retranchés , ou
encaflillés ( encaftillados ) , pour me fervir de la propre
expreffion des Efpagnols , de manière que tout le zèle des
Archevêques n’a pu encore les réduire for le pied des
autres Curés. Il n’y a point ordinairement de difficultés dans
Jes autres Evêchés; car comme ils font prelque toujours
remplis par un Religieux, les Curés fe laiffent facilement
yiiiter par une perfonne de leur état.
II eft vrai que les Gouverneurs ne s’y étant pas prêtés
jtifqu’à préfent, les Archevêques ont toujours été la partie la
plus foible.
M. Arandia, dont j’ai déjà parlé, fait pour gouverner urt
État,'en fut fins doute venu à bout s’il eût vécu; Don
Manuel-Antonio Roxo fut nommé Archevêque à Manille
foins fon gouvernement : Don Andrès Ro xo, neveu de cet
Archevêque, m’a dit plufieurs fois que M. Arandia n’atten-
doit que l’arrivée ' de fon- oncle pour terminer cette grande
affaire ; mais Arandia mourut auparavant, & on prétend qu’on
lui aida. Quoi qu’il en foit, l’Archevêque Roxo ayant perdu
fon appui, ne put, quoique devenu Gouverneur & Capitaine
général des Ifles, foumettre les Moines ; il écrivit ait
Roi que les Brefs du Pape, les cédules de Sa Majefté, feraient
toujours iàfts force & fans vertu; que le feul Sismique moyen
de parvenir à régler cette affaire, étoit d’ordonner très-fpccia-
lement au Général de chaque Ordre en Europe, de mander
à leurs Moines à Manille d’admettre la vifite de i’Archevêque :
fur ces;-entrefaites la guerre vient, Manille èft prife; Roxo
meurt, & tout refte comme auparavant.
Roxo ne fut remplacé qu’en 1 7 6 7 ; cette année la Cout
dE (pagne envoya un Archevêque, je le v i s ,& j’allai même
lui faire plufieurs vifites lorfqu’il eut fait fon entrée ; il
écrivit à toutes les Communautés qu’il fe difpofoit à vifiter
fon Diocefe; il etoit, a ce qu’on difoit, parti d’Europe avec
les plus grands pouvoirs à ce fujet. 11 avoit Bulles, Brefs du
Pape & ordres de la Cour ; il crut avec toutes ces armes
qu il réuifiroit ; mais il ne favoit pas qu’on aurait à Manille
réponfe à tout : les Moines répondirent donc qu’ils ne pou-
voient fe laiffer vifiter, Si. voici leur raifonnement : ils font
A a ij