eft dedans, ie tout étant à fa charge, il y a un Capitaine ;
ce Capitaine eft, comme chez les Portugais de Macao, un
efpèce d’homme de paille, & pis encore , car il eft fort
difficile de dire au jufte quel eft fon emploi; au refte, c’eft
la meilleure place du Vailfeau : il donne au Gouverneur
trois à quatre mille piaftres , & il s’arrange après cela pour
fes affaires ; il n’a pas d’embarras de faire une table , lè
Général la faifant pour tout l’État-major.
II y a encore une troifième perfonne ; c’eft le Maejlro de
plata, le Maître de l’argent ; il n’a d’emploi qu’au retour;
là place eft bonne, puifque tout l’argent eft à fa charge, &
qu’il a un demi pour cent pour ne rien faire; cette place lui-
coûte trois mille piaftres ( i 5750 livres ) : de plus, les particuliers
qui veulent faire’ ce voyage pour leur compte, ne
le peuvent fans l’agrément du Gouverneur, quon n’obtient
guère qu’au moyen de trois à quatre mille piaftres. Il fuit de-là,
que fans fortir de fa chambre, le Gouverneur fait un auffi
bon voyage que pas un de ceux qui font lùr lé galion ; car,
outre les foixante mille livres.environ, que lui fournit la
peine d’avoir fait un Général du galion , un Capitaine &
un Maître de plata, s’il a de l’argent, il eft affuré qu’on le
lui prendra de préférence à tout autre; & l’intérêt de l’argent
pour ces voyages, eft je le répète, tantôt de vingt-cinq &
tantôt de trente pour cent.
Le Général du galion pris par George Anfon en 1745,
étoit Portugais, & il avoit été pilote ; il étoit parvenu Comme
tous les Généraux des galions de Manille, qui ont quelquefois
commencé par être laquais; mais celui-ci étoit quelque cholè,
puilqu’ii étoit bon pilote, au moins à ce qu’on m’a dit. Selon
F Auteur de la relation du voyage d’Anfon, ce Portugais étoit
le plus brave & le plus habile Officier qui fût alors au fervice
des galions; je ne prétends point attaquer ici la bravoure de ce
Général que je n’ai jamais connu : je me contenterai de faire
obferver qu’on m’a dit à Manille, qu’il n’avoit jamais été dans
le cas de faire voir ce qu’il favoit faire en ce genre ; que fon
habileté ne confiftoit que dans le pilotage ; que connoiffant
parfaitement l’archipel des Philippines, on l’avoit choift
exprès; qu’il auroit pu mettre fes connoiffances à profit, éviter
Anfon, puifqu’il avoit le vent lùr lu i , & fe réfugier dans
quelque port des environs : voilà au moins les reproches que
j’ai entendu faire contre ce Général : au refte, ces reproches
11e me paroiffent pas trop bien fondés, & je ne fuis pas
d’avis qu’il eût pu éviter Anfon, en ayant une fois été
aperçu au point du jour ; & il me paroît que les Anglois n’ont
élevé la bravoure & l’habileté du Général elpagnol, les
manoeuvres, &c. que pour donner plus de prix à leur prife,
qui ne leur coûta cependant pas beaucoup de peine.
Il faut bien obferver que l’amiral Anfon monto.it un
Vaifleau de guerre qui avoit l’avantage de la marche, &
de bien mieux ferrer le vent que les ourques ou galions
de Manille. Le Centurion avoit un équipage de gens véritablement
matelots; mais dans ce tems-là, en 1745 , avant
le marquis d Ovando, les galions n’avoient point de rôles
d’équipages, comme je l’ai déjà remarqué.
Que pouvoit faire un tel Vaifleau contre un Vaifleau bon
voilier & bon boulinier ( e ) ! il eft certain qu’il n’étoit ni
en état de fe battre, ni capable de tenir le vent, ni au*fait
des manoeuvres, propres, foit pour éviter l’abordage , foit
(e) Vaiffeau qui peut marcher avec vîteffe, ïe plus'près de ïa dirctflion
du vent qu’il eft polîible.
D d ij