pour y aller, &c. Le galion étoit au vent lorfqu’il fut aperçu
par le Centurion; celui-ci porta fur le champ fur lui, c’eft-
à-dire, qu’il ferra le vent pour fe mettre entre la terre &lui,
portant vraifemblablemeht les amures à bâbord, du moins
( le vent étant au Sud-eft ) da fuite du difeours me le fait
préfumer ainfi. Il me paroit aüfli que lAmual gagna fe
Vent, & qu’il alioit beaucoup mieux que le galion; ainfi,
quand même le galion eût fait tout fon poflible pour éviter
le Centurion, fes efforts euifent été inutiles: quant au galion,
il devoit faire l’Oueft lorfqu’Anfon l’aperçut, les amures
à bâbord, mais portant largue.
La relation dit qu’on ne le vit pas changer de route, je
n’en fais rien; mais qua midi il porta au Nord : je juge
de-là qû’ii avoit l’intention de fe retirer dans quelqu’endrolt
des Philippines qui lui étoit connu, & où il eût ptr facilement
débarquer fon argent & le mettre à terre , fans que
l’amiral Anglois eût ofé fe fu-ivre. Cette manoeuvre donna
dès ce moment un grand avantage au Centurion , qui neut
qu’à revîrer; il avoit le vent, & il nefoit qua une lieue du
Vaiffeau qu’il chafloit & qui füyoit : fa preuve qu’il étoit
dans les eaux du galion, c’eft quii commença à tirer fur lui
de fes canons de chaffe , & que le galion repondit de fes
deux canons de retraite; & enfin, la preuve que lé Centurion
alloit beaucoup mieux que le galion c eft qu il le joignit
bientôt, & qu’il le prolongea fous le vent à demi-portée de
piftolet. Ii ne reftoit donc d’autre reffource au galion que
de ' fe battre ou de fe rendre fans tirer un feul coup dè
canon: ce dernier parti n’étoit guère à fir pofer ; lEfpagnol
èft brave & il voulut fauver l’honneur de . fon pavillon ;
ces remarques ne m’ont point paru inutiles à placer ici.
Lorfque le galion eft chargé, on fe difpofe à1 le mettre à
la voile ; il appareille de Cavité & vient à la barre de
Manille, le plus près qu’il eft poflible des murs de la ville ;
là, étant en panne, il attend la bénediéiion ; pour cet effet
Il fort des Pères de Saint-Thomas une Sainte-Vierge, que
l’on conduit proceflionnellement fur le haut des murs, vis-
à-vis le galion : on lui donne la bénédiction de cette Sainte-
¡Vierge, après quoi le galion fait fervir & s’en va; cependant,
on fait des prières dans toutes les égliles pour la profpérité
de fon voyage, & principaement pour qu’il débouque heu-
réufement de toutes les îles, & ces prières durent jufqu a ce
qu’on ait des nouvelles qu’il eft entré dans la mer du Sud.
M. Anfon a décrit fi en détail le voyage des galions dans
cette mer, que je n’ai rien à dire de plus fur cet objet.
J’ajouterai feulement quelques remarques; favoir , que ces
.vaiffeaux, entrent dans la mer pj| Sud par l’embouchure
SJ-Bernard; qu’ils remontent dans le Nord pour trouver des
vents plus conftans de i’Dueft, avec -iefoueis ils font route,
en Californie. Autrefois les. Elpagnols seievoient, pour faire
cette route , jufqu’au 4 o .c degré de latitude.; aujourd’hui,
ils- fe contentent de' s'entretenir entre J2. & 34 degrés.
(Voyez Tome I , p. 6 yy , & vers la fin de cet article j.
Le galion appareille de Manille en Juillet, ou aü plus
tard dans les premiers jours d’Août; mais il y a des années,
comme je le di rai ci-après , que les vents d’aval font i
conftans , qu’il refte quelquefois'- pendant trois femaines-,
mouiiié auprès des pafles de la Baie fans pouvoir déboucher.
Lorfqu’il eft une fois hors la Baie , il n’eft plus embarrafle ;
mais il emploie encore environ un mois à fe dëbarrafler de
toutes les îles au milieu defqueiles il eft obligé de paffer