L ’échpfe de Soleil dont j’ai fait uiàge pour ia longitude
de Manille, eft celle du 3 o Janvier 176 7 ; elle ne put
être vifible en Europe, & par conféquent il 11e m’a pas
été poifible d’avoir d’obfervation correfpondante de cette
éclipiè.
Des obfervations aftronomiques étoient quelque choie
d’inoui à Manille ; une oblèrvation déclipfe de Soleil devoit
y paroître une nouveauté fingulière : celle que j’y fis de
l’éclipfe du 30 Janvier 17 6 7 , fut en effet célébréè à Manille
avec tout l’appareil d’un renouvellement des Sciences; la curio-
fité attira dans mon Obfèrvatoire un concours prodigieux de
perfonnes de confidération , fur-tout des femmes. Excepté
les Religieux, j’y vis venir des perfonnes de tous les états';
j’eus plufieurs Eccléfiaftiques. Don Eilevan Roxas y Mélo,
mon ami, fut un des premiers à s’y rendre.
Je ne dois pas oublier que le marquis de Villa Médiana,
Commandant des Troupes, s’y trouva avec fa famille, qui
étoit a (fez nombreufe, & dont madame Roxo, chez laquelle
j’étois fort lié , étoit du nombre. Madame Roxo étofe une des
plus curieufes de Manille; elle prenoit un plaifir finguüer à
aififter à mes obfervations, & me faifoit des! quêflions fur
tout : elle avoit été préiente lorfque je nettoyai mon quart-
de-eercle & ma pendule, en faifant voir un goût décidé
pour 1 Aftronomie ; goût qui mérite d’être remarqué’ dans
fon ièxe ; fur - tout à l’extrémité du monde, dans un pays
livré à l’ignorance & au deipotifine de l’Inquifition : madame
Roxo s’étoit exercée à compter les fécondés à la Pendule,
& elle les comptait fort exactement.
Après 1 éclipiè, elle eut l’honnêteté de m’inviter à un dîner
tres-bien fervi, & auquel elle eut auffi l’attention d’engager
le marquis
le marquis de Villa Médina fon père, & quelques autres
perfonnes de fa fociété qui avoient affilié à l’obfervation.
Les Efpagnols m’ont paru avoir un genie très-propie
aux Sciences en tout genre ; il ne leur manque que la
liberté' de pouvoir s’y livrer, à l’exemple des autres Nations
■de l’Europe qui les cultivent avec tant de fuccès.
J’avois fiiivi le mouvement de ma Pendule plufieurs
jours de fuite avant l’obfervation ; enfin , voici comme
l’obfervation de i’éciipfe fe trouve rapportée dans mon
Journal.
« Quoique ie temps ait été couvert pendant la journée du
30 (Janvier), j’ai cependant vu très-diftinélement le Soleil à «
' j j h 40 ' 2 y" de ma Pendule il y avoit très-peu de temps «
■que l’éclipfe était commencée. Je jugeai d’abord qu’il n’y «
avoit pas plus de 12 à 15 fécondés ; mais la lenteur avec « -
laquelle cette' éclipfe me parut avancer, me fit enfuite juger «
différemment, & je ne peux pas répondre qu’il n’y eût au «
moins 3 o fécondés que le commencement était paffé. Le «
ciel s’étant maintenu très-beau pendant tout le refte de «
i’éciipfe, à quelques petits nuages près qui paffoient de «
temps en temps devant le Soleil, j ai obferve fort exaéle- «
ment la fin à 1h 15/ o" de ma Pendule : je me fuis fervi «
de ma lunette de 1 5 pieds qui eft excellente. Je voulus «
eflayer de mefurer la plus grande phafè, mais i’obfèrvation “
que j’en fis eft trop douteufe pour la rapporter ici ; j’étois, *
pour la faire, trop mal à mon aife; j’étois gêné par trop de “
monde que la curiofité avoit attiré & que je n’attendois pas. “
Quant à la fin, la feule & unique phaiè précife que je pus «
faire, & à laquelle je mis toute l’importance qu’elle exigeoit, “
je fus fort tranquille ; perfonne ne me gêna , & j’en puis “
Tome 11. Q q