Pendant toute la nuit nous eûmes un grand frais du Sud-oueff-
quart-oueft avec des grains vioiens, dont quelques-uns nous forcèrent
d’arriver jufqu’à i’Eft; la mer très-mâle : nous eûmes prefque
toujours les huniers fur ie ton. La journée du 31 fut affez belle,
mais la mer fut mauvaife ; nous fumes forcés de relier fous les quatre
baffes voiles & ie perroquet de fougue, prefque tous les ris pris.
La nuit fuivante fut plus mauvaife encore que la precedente, &
ia mer fut plus creufe. Nous dégréames nos perroquets, notre
perruche, & nous reliâmes fous les quatre baffes voiles, les ris pris.
La journée du 1." Juin fut, comme la veille, affez belle ; la mer
tomba même dans l’après-midi : il paffa cfo foibies grains. A quatre
heures il fraîchit un peu , cependant la nuit fuivante ne fut pas
fi mauvaife que fa précédente, mais ia pluie fut plus abondante.
Vers les onze heures & demie du foir un grain nous obligea de
carguer notre grande voile.
La journée du 2 fut très-belle; la lame n’étoit plus fi dure;
Fhorizon devint clair & net : ce ne fut que pour jufqu’à quatre
heures , car alors ii fraîchit & nous crûmes que ia nuit fuivante
feroit comme ies précédentes., mais le tout fe borna à quelques
grains qui pafsèrent rapidement : ia foirée fut belle ; la mer tomba
prefque tout-à-fait : ii éclaira dans le Sud, & nous eûmes petit
temps ie relie de la nuit. La journée du 3 fut heiie; on largua les ris
& on gréa ies perroquets. La mer redevint mauvaife pendant la
nuit du 3 au 4 ; dans ia matinée du 4 le mauvais temps augmentant
on dégréa encore une fois les perroquets & on prit deux ris : nous
étions au plus près, & nous avions contre nous, une greffe lame
qui nous prenoit prefque debout-, l’horizon très-gras.
Dans i’après-midi, ia mer fe gonfla encore : il fraîchit par raffales;
le ciel fe prit par-tout. Dans Pincerdtude d’un coup de vent, oa
prit tous ies ris , on faiffa ies huniers cargués & on fit porter.
A quatre heures ia brife. commençant a tomber,, on les borda.
A fix heures, la mer étoit tombée.
La nuit fuivante & la matinée du j furent très-belles ; le ciel
étoit nettoyé & l'horizon très-net, ii reiloit feulement une houle
du Sud-ouelt & un clapotage très-fenfibies. On largua deux ris &
011 gréa les perroquets.
A deux heures après-midi nous aperçûmes un Vaiffeau au-vent
dans le Sud & Sud-fud-oueil; il étoit à fix iieues ou environ:
à trois heures & demie on le vit d’en-bas; ii tenoit ie plus près
les amures à ftribord. Au coucher du Soleil nous étions encore à
la même diltance à peu-près.; je penlè même qu’il avoit gagné au
vent ; quoi qu’il en foit , nous primes un quart largue. Le ciel
continua d’être beau , mais nous avions encore une foible houle
du Sud-fud-oueil. Pendant la nuit il venta du Sud-oueil petit frais;
la mer belle. A dix heures du matin, ie 6 , les vents pafsèrent au
Sud-quart-fud-ell; fort beau temps : à onze heures on vira de bortj.
A une heure après-midi nous eûmes des grains du Sud-quart-
fud-ell , mais très - foibies ; il n’y eut prefque point de vent : le
temps continua de fe couvrir jufqu’à deux heures qu’il commença
de s’éclaircir, & il le nettoya fout de fuite.
J’étois arrivé à l’époque du paflàge de Vénus par-devant ie Soleil,
époque mémorable pour moi, comme vous voyez, par les malheurs
& les contre-temps que je viens de vous raconter que j’ai effuyés
depuis que je vous ai quitté, & dont encore je ne vous envoie qu’un
très-court extrait; cependant, Monfieur, pour ne pas relier oifif
à bord pendant que tous les Aitronoines étoient attentifs à cette
obfervation , je ia fis ie moins mal qu’il me futpoffibfe, & je vous
j’envoie telle qu’elle eft. Pour obferver l’entrée de Vénus, je me
fèrvis d’un objectif de quinze pieds de foyer très-excellent, attaché
à un tuyau de quatre règles de fapin que j’avois fait faire allez folides
fans être trop pefantes.
Pour le fixer, je fis dreffer à bâbord, fur le gaillard d’arrière,
un petit mât avec une driffe. , ■
Je vis qu’il étoit inutile de chercher à obferver le premier moment
de l’entrée de Vénus, parce que je ne manquerais pas de me
•fatiguer, & que je courrais rilque de ne pas pouvoir obferver
iïmmerfion totale : en effet j’eus affez de peine à fixer le Soleil à
caufe du mouvement continuel du Vailîèau.
B b b b b ij