& for les Ordonnances de Sa Majeflé. La pacotille & les
coffres des matelots forent tiercés ; deux parties au profit du
Roi & la troifième pour le propriétaire : les ballots furent
également tiercés, dont une partie au profit du R o i, les
deux autres relièrent au commerce. Le Général du galion
fut obligé de relier à terre jufqu’au retour des ordres de la
Cour, que le Vice-Roi inftruifit de l’abus qui s’étoit introduit
dans le commerce de Manille. Je vis revenir en 17 6 7 ,
dans les premiers jours de Juillet, le galion, & tout le monde
dans la plus grande trifteffe : le commerce de Manille, lorf-
qu’il eut appris les nouvelles du Mexique, fut tout conllerné;
effrayé de cette févérité, cet exemple le rendit plus fage : il
régla qu’on cbargeroit en 1768 le même Vaiffeau de mille
ballots, de façon que ces mille ballots ou fardeaux ne ren-
fermaffent que quatre mille pièces ou bolètes, à cent vingt-
cinq piaftres chacune. La Saitite-Rofe étoit alors en armement;
ce vaiffeau étoit d’environ cinq cents cinquante ballots , ou
de cinq cents tonneaux au plus; or , chaque ballot eft auffi
d’environ cinq cents livres, d’où il foit que la Sainte-Rofe
ne pouvoit porter guère plus de deux cents tonneaux de
marchandifes, le tonneau de deux cents livres. La Sainte-
'Rofe avoit, malgré là petiteffe, un entre-pont fuperbe, de
cinq pieds 8c demi au moins ; elle avoit navigé pendant
environ trente ans le long des côtes de l’Amérique : les
Manillois accoutumés à frauder les Ordonnances du Roi,
trouvèrent que ce Vaiffeau ne portait pas affez , qu’il avoit
trop d’entre-pont; ils jugèrent donc à propos d’augmenter
la cale aux dépens de l’entre - pont : j’ignore fi ce n’étoit
point agir contre les règles de la conftruétion ; quoi qu’il en
foit, ils haulsèrent à Manille le premier pont d’une quantité
confidérable ; car au lieu de cinq cents cinquante ballots, la
cale fut jaugée à fept cents foixànte - deux. Les fept cents
foixante - deux ballots étoient prêts à embarquer lorfque le
Saint-Charles arriva; les nouvelles qu’il apporta firent qu’on
ne put pas même mettre fix cents de ces ballots, parce
qu’ils alloient encore à plus de cinq cents mille piaftres :
ainfi, ce travail confidérable, qu’on avoit remis au départ
de M. de Cafeins, ne fervit qu’à groffir la dépenlè de l’État.
(Voyez aux articles fui vans, l’hiftoire de la Sainte-Rofe ) .
Pour revenir aux bolètes, le Roi en a un certain nombre
qui fe vendent à fon profit; le Gouverneur,, qui n’en a pas*
befoin, en a auffi : les Oidors, les Militaires, les Officiers
royaux ( de la Chambre des Comptes ) ont auffi leurs bolètes;.
il y a outre cela des ports-permis pour les Officiers du galion
& quelques paiîàgers favorifes.
On voit des particuliers qui embarquent jufqua cent, deux-
cents, trois cents ballots, ou même plus,. qu’ils achettent de1
différens citoyens ; ils prennent pour cela de l’argent à la
groife. Ces perfonnes ne font pas d’autre commerce, & ils y
gagnent encore beaucoup l’intérêt de l’argent eft de vingt--
einq à trente pour cent, pour un an feulement que dure le
voyage du galion ; il eft vrai que ce voyage eft dangereux.-
Cet argent, quoique donné à un fi fort intérêt, ne fe prête
pas encore à tout le monde ; il faut pour cela une caution;
quon appelle Fiador: c’eft le Fiador qui répond de l’argent-
prêté ; mais fi le galion ne revenoit point à bon p o rt, il
n’eft caution de rien. C ’eft ici le triomphe des Religieux ; c’effc
ici où ils placent l’argent des oeuvres pies, qu’ils ne donnent
qu à des gens très-fors, & jamais fans caution : ils font donc
profiter l’argent des oeuvres pies ; & ils ont rempli leurs