Les Angiois étaient auffi au fait de la foibleffe de cette
ville que les Elpagnols eux-mêmes, par les voyages qu’ils
y faifoient tous les ans. On avoit ( c’étoit encore la même
chofe en 176 6 & 1 7 6 7 ) on avoit, dis-je, la plus grande
liberté de fe promener par - tout, de voir & vifiter tout,
Lorfque je quittai cette ville, j’aurois facilement fait d’idée
un plan des fortifications de cette Place ; les Elpagnols
n’étoient à cet égard dans aucune méfiance : les Angiois
favoiënt de plus que la garnifon • étoit très - foible , &
compofée de foldats Mexicains affez bons à la vérité, mais
peu exercés dans l’Art militaire, n’ayant jamais fait le coup
de fufil ; enfin , de foldats fiiffiiàns pour en impofer à des
Nègres, mais incapables de fe montrer vis-à-vis de troupes
bien difciplinées, accoutumées depuis pfufieurs années à faire
la guerre dans l’Inde & à vaincre ; avec, ces avantages réels,
les Angiois étaient bien O certains de réulfir. Le Journal
pourfuit r -
« Efans cet état de défenfe, on aperçut le 22 de Septem
b r e 1 7 6 2 , à cinq heures & demie du foir, unepuilîànte
» armée de mer, compofée de treize Vaiffeaux; & quoiqu’une
» nouveauté fi fübite causât la plus grande furprife & le plus
» grand étonnement, n’ayant à Manille aucune nouvelle de
» la- guerre , & ne préfumant même pas qu’elle fût déclarée,
» on fbupçonna cependant que cette armée était une armée
» ennemie ; en conféquence , là Seigneurie illuilriffime l’ar-
» chevêque Roxo , Gouverneur & Commandant général,
3» donna fur le champ., les ordres néceffaires & relatifs aux
» circonilances , de mettre la Place en état de défenfe, fans
oublier d’envoyer à Cavité le fecours qu’il lui failoit. »
Dès le 13 de Septembre, on eut avis à Manille, par les
vigies de l’île dü Corrégidor à l’entrée de la Baie , qu’un
,Vai fléau avoit paru ; que ce Vaiffeau avoit envoyé fon
canot à terre, & qu’il avoit demandé combien il y âvoit
de Vaiffeaux dans la Baie , & fi le Philippino étoit rentré :
le Philippino était un galion qu’on attendoit de la nouvelle
Elpagne, qui étoit parti de Manille l’année d’avant ; les
Angiois lé iàvoient bien,, puifque cette même année d’avant,
tin vailfeau Angiois de Madras étoit allé à Manille porter
des effets, dont on chargea en fa préfence le Philippino,
Cette nouvelle ne produifit à Manille d’autre fenfation ,
que celle dé faire naître quelques foibles lôupçons : 011 ne
fit aucuns préparatifs ; on trouva, à la vérité, la circonftance
du Philippino fort fingulière ; mais on le contenta de dépêcher
.promptement dans les provinces contiguës à la route du
galion , que l’on attendoit tous les jours, pour les prévenir
de lui faire prendre un lieu de retraite dans quelque port ;
du relie, on fut plus de huit jours dans l’inaélion. Le 22
parut i’ëfeadre Àngioife , q u i, à la faveur d’un vent fiais
de l’Oueft, ne tarda pas à délàbufer la ville, qui prit d’abord
cette armée pour des femmes Chinoifes , autrement des
Champans. L ’armée navale avoit reçu du mauvais temps à
l’île de Louhan ; les Vaiifeaux fe réunirent tous au nombre
de treize, voilés, excepté trois qui n’entrèrent dans la Baie
que cinq à fix jours après que le gros de l’armée y eut
entré. Le Journal pourfuit :
«< Pendant qu’on failoit tous les préparatifs de défenfes,.
on décida qui! failoit écrire au Commandant de l’efeadre
pour lui lignifier, qu il eût à dire de quelle Nation il étoit,.
a quelle intention il étoit venu, & la raifon pour laquelle
ü étoit entré dans la Baie, fans auparavant s’être fait précéder