J’avois redoublé d’attention à Rodrigues, & j’y avois au (H
obfervé fort exactement plufieurs angles horaires de la Lune ;
mais j’ai appris en arrivant ici que M. Pingré et oit, auili-bien que
moi, dans vos mers, qu’il éroit allé à Rodrigues pour obferver
le paflàge de V énus ; je fouhaite qu’jl ait été plus heureux que
moi. Je fuis, Monfieur, &c . Signé L e G e n t i l .
D ç l’IJlç-de-France le 1 6 Juillet t y S 1,
Quatrième Lettre à M . d e 1 4 N u x .
J E vous écris, Monfieur, du bout du monde, & je ppurrois
peut-être ajouter du X 1 Y.' ft'ecle : je paife déformais mes jours -avec
une Nation qui a de bien grandes qualités, mais .dont le caractère
jeft en général fi différent du nôtre ; dont l’efprit ? ' quoique très-
bon , eft fi rempli de préjugés, que je ne lâis, à vous parier vrai,
où je fuis ; mais jç fuis réfolu à tout fouffrir pourvu que mon obfer-
vation réulfiffe, & ce n’efi pas, Monfieur, pour vous étaler mon
zèle, car je penfe que je ne fais que ce que vous verriez faire à
tout autre Académicien mon copfrère.
Vous fayez cependant les tracalferies, & elles ont été allez
publiques, qui me furent fufeitées étant encore à l’Ifle-de-France,
par l’Officier même qui avoit été le premier mobile des démarches
que j’avois faites pour m ’embarquer avec M. de_Cafeins ; je vous
ai raconté à Saint-Paul ce que M- Desforges fit pour moi à cette
occafion (a ) : vous" y pus rappelez bien l’hiftoire de notre relâche
à votre Iile, & avec quel mécontentement le Bon - confeil en eft
parti ; je vous ai raconté le propos un peu indiferét que m ’avoit
tenu à bord encore ce même' Officier au fujet de cette même
relâche, & auquel je répondjs, comme je vous l’ai dit lùr les lieux,
d’une manière alfez ferme , en défapprouvant, comme je devois,
la conduite du Commandant de Saint-Denys dont il fe plaignoit
lâht à mois mais en lui ajoutant en même-temps que cette affaire
ne devoit' avoir rien de commun avec la mienne, ni influer en la
moindre chofe fur mon traitement foit à ion bord,- foit i Manille.
(.a) Voyez enepre ie Précis iiiiïori^ue, juâg 1 3p
Youj
Vous lavez enfin que malgré cgla je fus fitr le point de débarquer
& de relier à Saint-Paul ; mais je réfolus de m ’armer de patience
& de partir, même contre votre avis, aux rifques de ce qui pourroit
m ’arriver, & je pris mon anagramme de Virgile :
Quo fata trahunt retrahuntque fequatnur •'
Quidquid erit, fuperanda omnis fortuna ferendo eft. *
Quant à Don Juan de Galèins , je puis vous alfurer , Monfieur,
que j’en ai été on ne peut pas plus content ; il ne s’efl jamais démenti
un mitant à mon égard ; il eut, depuis le premier moment
jufqu’au dernier, les mêmes bontés & les mêmes attentiqns pour moi,
& il contribua beaucoup à me rendre fupportables les défagrémens
prefque toujours inféparables de la navigation ; il me logea dans
fa chambre du Confeil , grande marque de di 11 indion fur un
Vailfeau de Roi, comme vous pouvez bien peufer. Enfin je n’ai
point à me plaindre du Bon-confeil.
Nous appareillâmes donc de Saint-Paul, comme vous lavez,
le 10 Mars à dix heures du fqir, à la faveur du vent de terre .;
nous roulâmes panne fiir panne pendant la nuit. iLes trois .premiers
jours nous eûmes une révolution de vents de Sud-Queft allez forts,
ce qui n’étoit pas extraordinaire alors.
Cette révolution occafionna une greffe lame du Sud-ouell que
nous relîèntimes dès en fortant de Saint-Paul, <& qui fe fortifia
inlènfiblement : il y en avoit une autre du Sud-ell, celle des
vents généraux ; elle ne paroilfoit pas fur la furfàce de la mer ;
c’étoit une efpèce de lame fourde dont on s’apercevoit très -bien
par le tangage, parce que nous la prenions prefque debout.
Je remarquois de plus, Monfieur, que quoique la lame du Sud-
oueft fut en.apparence la plus forte, elle l’étoit cependant beaucoup
moins que celle du Sud-ell : en effet on voyoit ibuvent cette lame
du Sud-ouell retomber fur elle-même, & pour ainfi dire expirer
en reculant, & cela n’ell pas-étonnant; la lame du Sud-ouell,
dans,ces parages, eft palîâgère , & n’eft occafionnée que par la
* Enciele, liy. V, vers /oÿ (T yi c.
Tome II. D d d d d