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monticules que l’on trouve fur un chemin qui conduit à un
enfoncement nommé ia Micoliere, j ai trouve dans des filions
creufés par les pluies, des pierres de cette même efpèce à
moitié durcies que les pluies ont découvertes en formant ces
filions ; ces pierres, du poids de deux à trois livres, fe caffent.
aifément, & d’autant plus facilement qu’étant expofées à l’air
je les trouvois déjà gercées ; elles font remplies, tant à leur
extérieur qu'intérieurement, de taches plus ou moins grandes,
ia plus grande partie bleuâtres : ces taches font, fans doute,
des parties de fér très-minces.
La même caufe qui a formé toutes ces roches dans la terre,
a formé & durci celles que l’on voit en fi grande quantité
dans toutes les rivières de l’île : ces roches qui embarrafTent
continuellement le cours de ces rivières, font comme il elles
avoient été lancées les unes fur les autres.
Après un féjour de cinq à fix ans dans cette î le , j’avois
vu des ravines, fe former & s’agrandir, qui, quoiqu’elles ne
fourniiTent de l’eau que pendant les grandes pluies , avoient
fait des progrès très-confidérabies en trois ou quatre ans. Je
ne doutai point que les rivières aélueilement exiftantes ne
fuffent dans le même cas; c’eft-à-dire, qu’elles fe font évidemment
creufé leur lit, & qu’avant ce temps, leterrein par
où elles coulent aujourd’hui, ne fût rempli de roches pareilles
à celles qu’on trouve- en fouillant dans la terre, ces torrens,
dis- je , ont d’abord entraîné ia terre qui renferrhoit les roches';
les pluies, en continuant de creufer & de dégrader.les terres,
.ont occafionné la chute des greffes roches dans le fond , elles
y,font reliées, tandis que les petites ont été roulées par les
eaux jufqu’à l’embouchure des rivières.
Cet effet fe remarque en cent endroits de l’île; mais
principalement dans la rivière des Pamplemouiîes en quittant
Ja Viliebaque, qui ell lin plateau affez élevé au-deffus du
quartier des Pamplemoulfes; cette rivière ell confidérablement
encaiflée, & elle continue de l’être pendant i’elpace d’un
bon quart-de-lieue, & le terrein baiffe peut-être de quarante
à cinquante toifes pendant cet elpace ; ce qui fait, comme
l’on voit, une pente très-confidérable. Dans cette étendue d’un
quart-de-lieue, le lit de la rivière a foixante à quatre-vingts
pieds de profondeur au-deifous des campagnes, & ce lit ell
rempli, comme celui de toutes les autres rivières, de roches
fans nombre, toutes éboulées & tombées dans le fond du
précipice, après avoir été abandonnées à: leur propre poids-
par les terres que les eaux ont fucceffivement entraînées; la
rivière n’a fouvent pas plus de dix pieds de largeur au fond
de ces effroyables remparts ,'pendant qu’ils ont par en-haut au
moins cinquante toifes ( trois cents pieds ) de largeur. L ’on
voit des deux côtés, dans ces remparts, des roches dont
quantité fe montrent déjà à moitié, & d’autres qui ne tiennent
prefque à rien, & qui femblent n’attendre qué le moment
de fe précipiter pour fe joindre à celles du fond. On traverfe
aifément ces rivières pendant les trois quarts de l’année, à pied
fec, en allant d’une roche fur l’autre.
Outre ces roches, qui fe font formées & durcies dans le fein
de ia ter-re à i’Iiîe-de-France, on en rencontre en cent endroits
par bancs horizontaux, coupés dans le fens perpendiculaire,
ou à-rpeu-près, & dont lès fentes font remplies par une croûte
de terre fort dure, le plus fouvent ferrugineufe; & c’efi la
meilleure preuve que l ’Ille n’a pas été’ culbutée. Ces bancs
ont différentes épaiffeurs, comme huit pieds, dix pieds; les
épaiffeurs au-deffus de celles-là font plus rares : c’eii un banc
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