tout & foutenoit ce corps- d’armée, qui fans cet appui n’auroit
rien fait, & n’auroit même pu contenir les provinces. Ces per-
fonnes ne confidéroient pas encore, que ce Générai n’avoit
point de gros canon, & que quand même il eût pu former le
fiéjge de Manille, il lui eût été imprudent de i’entréprendre,
fie la pouvant bloquer de toute part ; la mer eût toujours
été libre & ouverte à l’ennemi, q u i, fi on l’eût réduit aux
abois, auroit pu faire à la ville un mauvais parti, & le feroit
ènfûite rembarqué fans obilacles.
Cependant, M. Anda, au centre de fon camp, continuoit
toujours-de fe regarder comme Commandant & Capitaine
général des Philippines ; il en avoit pouffé l’orgueil jufqu’à la
Angularité, & même jufqu’àlapetiteffe; entr’autres traits fingu-
liers qui le caraétérifent, je citerai le fuivant : l’Archevêque
lui écrit fous le titre de Vifiteur des provinces & de Lieutenant
du Capitaine général; un Hallebardier eft chargé de la lettre ;
il arrive le foir au camp de M. Anda; il dit qui il eft & de
quelle part il vient ; on ne veut point lui donner audience, &
on commence par s aflurer de la perfonne : le lendemain matin
M. Anda fe prépare à le recevoir ; il s’affied devant une table,
on écrivain à côté de lui ; il lonne une clochette, fignal cbn-
.venu pour introduire le Hallebardier : il eft_en effet introduit,
& on le fait paffer entre deux files de Grenadiers. M. Anda
prend la lettre, lit 1 adreffe; dit que cette lettre n’eft pas pour
lui; réfléchit une petite paufe, puis il la donne à fon écrivain
en difant: Cependant, comme elle peut contenir quelque'c/iofe
de relatif au fervice du Roi , life^-là.
C e Général fut également en diipute avec les Anglois,
au fujet du même titre de Capitaine général, qu’il prétendoit
aufli qu’ils lui donnaffent. Lorfqu’ils lui écrivoient, c ’étoit
toujours comme à un membre dé l’audience Royale, Vifiteur
des provinces, & Lieutenant du Capitaine général :. ce titre
modefte révoltoit M. Anda; malgré, celar les Anglois né
changèrent point de ftyle ; ils. le contentaient de lui répondre
qu’ils ne connoiffoient point fes loix , & qu’ils ne là voient
point fi félon ces lo ix , il étoit Gouverneur, & fi la détention
de l’Archevêque le mettait en poffeflion de ce titre ;
que pour eux, ils ne reconnoifloient pour Gouverneur pour
Sa Majefté Catholique, qüe:la feule perfonne qu’ils avoient
trouvée commandant à Manille, lorfque la force des armes
les avoient rendus maîtres de cette ville.
Voilà quelle fut la fource de la défunion de Roxo & de
Anda; le premier, prétendoit être toujours Commandant
général, & le fécond prétendoit être en droit, par la prife
de Manille, de prendre ce titre,: cette efpèce de fchifme
penfa être funefte à Manille, comme je vais bientôt le dire.
A l’appui de , cette qualité de Commandant général , qu’il
s’étoit, difoit-on, arrogée, mais fur-tout à l’appui de fon armée,
M. Anda fit contribuer tous les peuples des environs de
Manille dont il était le maître.; il envoya par-rtout des Com-
miflàires qui exécutèrent fort ponctuellement les ordres , &
qui peut-être les pafsèrent ; car ils avoient la réputation d’avoir
fait beaucoup d’injuftices, & commis beaucoup d’exaétions.
Quoi quil en foit, M. Anda, que j’ai vu en 1 7 6 6 , paffoit
pour ne s’être pas enrichi: il avoit, difoit-on, laiffé ce foin
à fon fils.
Enfin le moment de la paix arriva, & ce fut ici où Manille
penfa être plongée dans une guerre civile.
Les Anglois reçurent à Madras les nouvelles de la paix,
étant au moment d’embarquer un renfort pour Manille, Les