tant parlé de cet oncle, qu’il aimoit avec une tendréflè
pleine de reipeét, que j’ai cru qu’il verroit avec plaiiîr que,
fans manquer au devoir d’Hiftotien fidèle, je rendiffe à cet
oncle, en préfence de toute l’Europe, la juftice que fes fenls
ennemis lui ont refufée, d’avoir toujours été fidèle à fon
Roi; & qu’on ne peut lui faire un crime de la perte & des
malheurs de Manille : il n’a pas capitulé à temps ; mais il
n’étoit point militaire, & fans doute il fut obligé de céder
aux avis des Oidors, encore plus au fanatifine des Moines,
qui le repailfoient de mille idées flatteufes & chimériques,
( V°yeZ 2 4 ° & -2 j j )• La Cour auroit toujours dû avoir
à Manille, comme elle y a aujourd’hui, un Lieutenant -
de-Roi pour commander au défaut du Gouverneur.
Pour récompenfer les fervices de M. Anda, le Roi le fit
Çonlèiller de Caftille, avec les appointemens correlpondans
à cette place honorable. On lui rendit, à Manille, ja juftice
de penfer qu’il n’ayoitpoint amaffé de richeil'es, & il auroit
du laitier lùbfifter après lui cette idée fi flatteufe d’une ame
tout-a-fait defintereiîce; mais, for la fin-, un-trait parut en
ternir un peu 1 éclat a Manille, quoique ce trait, à bien
1 examiner, ne puifle répandre aucun nuage fur là conduite;
çe fut l’argent qu’il follicita malgré la récompenfe quç le Roi
.venoit de lui accorder.
H reprélênta donc que ne s’étant point enrichi , & ayant
rendu des fervices eifentiels à fa patrie, il lui - paroiffoit
jufte qu on lux accordât une gratification prife fixr les oeuvres
pies. Les Moines étaient charmés d’être échappés du péril
qui les avoit menacés, & que M, Anda leur eût rendu le
fervice de contenir les provinces dans leur obéifîànce; mais
ils ne vouloient point qu’il leur en coûtât ; jls cherchoient
à refofer,
à refufer, mais aufli ils vouloient mettre une forte d’honnêteté
dans leur refus. Voici le moyen qu’ils imaginèrent pour le
tirer d’aflàire; ils allèrent confolter un Avocat célèbre, qui
paflbit pour très-rigorifte, & iis renvoyèrent M. Anda par-
devant la décifion.
L’Avocat fut trois jours à répondre. M. Anda, impatient
de voir arriver la gratification qu’il foliiçitoit, alla lui-même
chez le doéteur Aranas, c’eft ainfi que le nommait l’Avocat,
& lui demanda pourquoi il ne répondoit pas à la queftion
qu’on lui avoit propofée : C ’eft que j ’a i, dit le Doéteur d’un
tonlevère, le 11011 tout prêt ; je cherche le oui, & je ne le trouve
point. En cotifcience, Monfteur, continua-t-il, pouvez-vous
follictter une gratification fur les oeuvres pies ! n'avez-vous pas
été récompenfe ! vous êtes homme de loi, pouvez-vous ignorer
ce quelle dit en pareil cas ! Il Cita pour lors à M. Anda
les articles de la loi qui étoit formelle; ainfi la gratification
en relia-là. .- . ' \ ’ . ' 1 : jj
J’ai connu cet Avocat : quoique nous ne fuifions pas fort
liés enlèmble, j’ai mangé deux à trois fois chez lu i, & il
me reçut à chaque fois avec la plus grande affabilité. Quant*
à M. An d a , je me fuis trouvé plus d’une fois à manger
avec lui dans Manille ; mais je n’ai point eu une forte de
liaifon avec cet Oidor. La haine qu’il confervoit toujours
contre l’Archevêque Roxo, avoit un peu rejailli contre Don
Andrés Roxo fon neveu ; o r , un heureux hafard m’avoit
fait lier d’amitié dès les commencemens de mon arrivée
avec Don Andrés R o xo , & le marquis de Villa - Mediana
dont il avoit époufë la fille : M. Anda ne voyoit pas cette
liaifon d’un très-bon oeil; en générai, les Efpagnols font
jaloux dans ces fortes de cas.
Tome II. M m