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mefures de M. l’abbé de la Caille, efl: de plus de quatre
cents toifes au-deflùs du niveau de la mer ; ce font des blocs
de pierre fort dure, dont la fubftance- me paroît un peu différente
de celle de ces roches de quartz dont nous avons parlé,
qui fe forment dans la terre ; car étant allé avec M. de Chafal,
en 1 7 7 0 , fur le haut de la montagne du Ponce, où l’on
faifoit un chemin à même la montagne, nous mimes dans
le fourneau de l’atelier qui étoit établi en cet endroit, un
morceau de pierre provenant de cette montagne, de nous y
trouvâmes , après l’avoir retiré prefque en fufion , un grain
de plomb ou detain gros comme la tête d’une groflè épingle,
que M. de Chafal conferva.
Du refte, cette montagne m’a paru être , comme toutes les
autres, une efpèce de pierre fchitteufe par couches, tantôt
horizontales, tantôt verticales, tantôt inclinées ; & l’on trouve
des elpèces de petits criftaux dans leur intérieur. C e roc efl
fort dur & fes parties font très-tenaces; k mine y faifoit peu
d’effet, parce qu’elle s’éventoit, fans doute, par les fentes des
couches qui . quoique bien liées en apparence, ne laiflent pas
d’avoir beaucoup d’interflices imperceptibles, mais réelles,
& qui foffifent pour donner paflage à l’air.
De l’eau forte que j’avois portée avec moi, & que je verfai
fur un morceau de cette pierre, fit effèrvefcence en beaucoup
d’endroits. Cette montagne de roç eft d’abord couverte d’une
croûte fchitteufe de peu depaiifeur, & qu’on détache aifémen!
du roc ; mais ce qui me paroît plus fingulier, c’eft que le deife
de ce roc , ou de cette' montagne, eft recouvert d’une couche
de terre végétale de deux pieds & demi à trois pieds d’épaiffèur,
qui renferme aufli des pierres rondes femblables à celles dont
j’ai parlé ei-deyant, qui couvrent la furfaçe de i’Ifle, & qui font
'du quartz; cette même couche de terre qui paroît très-bonne
& grade, nourrit auifiles arbres qu’on y voit, qui font d’une'
très-belle venue.
Le haut de cette -montagne forme un plateau ou efpèce de
parapet efearpé de tous les côtés, & que je préfume n’avoir
pas moins d’une lieue & demie de tour; ce terrein a un peu
de pente du côté de l’Ance-courtois, & va en montant infen-
fiblement jufqu’au pied du Pouce, qui eft encore beaucoup
plus élevé ; mais qui n’eft que du roc : ce plateau eft couvert
de très-beau bois comme j’ai dit. On avoit commencé un
chemin dans, cette montagne, pour abréger les voy'ages du Port
au quartier de Moka, qui eft précifément derrière elle ; c’efl:
fur la coupe de cette montagne que je fis les remarqués que
je viens de citer for la nature du terrein & de la montagne;
Je trouvai for ce plateau trois petits riiiffeaux peu profonds,
qui, coulant fur fe roc v if, vont fe précipiter dans i’Ancer
courtois ; très-peu de travail, du côté du Port, achèverait de
faire de ce pîateau un lieu imprenable, & où l’on fe défend
droit avec le feui fecours des pierres. On m’a afforé à l’Iile-
de-France, que cet endroit n’avoit pas échappé à M. de la
Bourdonnaye : ce grand homme , créateur de i’Iile-de-France,
avoit projeté de faire de ce plateau , un réduit ou lieu de
retraite afforé. Les petits ruiffèaux qu’on y trouve feraient
de la plus grande reflource, parce que l’ennemi ne pourrait
pas les détourner : peut-être que l’eau n’en ferait pas affez
abondante, on y foppléeroit par des réfervoirs propres à la
retenir & à la conferver, 8c ce ferait le plus fûr parti; if
faudrait aufli avoir bien attention de ne pas abattre les bois :
ce font eux qui défendent ces ruiflèaux de l’ardeur du foleif,
& peut-être tariroient-iis bien-tôt fans ce doux afyle ; car iis
Tome II. ¡Nniia