pêche de la baleine, s’exprime ainfi . . . . Ces Pécheurs m’ont
dit qu'au temps pafê, leurs ancêtres pêchoient des baleines,
mais qu’à préfent, il ne fe trouve plus d'hommes qui oient &
fâchent l ’entreprendre.
Les Noirs de Foulpointe font plus hardis aujourd’hui ; il
eft vrai que tous n’ofent pas entreprendre cette pêche : ceux
qui la font, font regardés par leurs compatriotes comme des
perfonnes au-deifus du commun, à caulé de leur courage, de
leur intrépidité, de leur elprit même; cependant, ces mêmes
perlonnes qui oient tant, félon les autres, n’attaquent que les
petites baleines , celles qui ont au plus deux ou trois mois,,
c’eft-à-dire 1 5 à 20 pieds de longueur; & ils conviennent tous
qu’ils (ont incapables d’attaquer celles qui lônt plus grandes.
Celui qui lé dilpolé à faire le voyage de cette pêche, s’y
prépare de cette forte ; il relie enfermé pendant piufieurs jours
dans la calé, fans parler à perfonne, jeûnant fort régulièrement
& s’abllenant même de là femme : eè fait, dont je n’ai pu
être témoin , m’a été atteilé unanimement. Il part enfin pour
ion expédition dans une pirogue de planches:, en auiïi bon
état qu’il eft polfible qu’elle foit ; il a avec lui un nombre
fuffifant de Noirs pour lui aider : ils attachent au mât un petit
fac , dans lequel il y a des herbes ou des'racines, de l’huile,
de la graillé, &c. ils ont une foi aveugle à ces gris-gris, &
croient qu’ils font en partie caulé de leur réulfite quand elle
arrive. Us portent des vivres avec eux pour plufiaurs jours;
ce n’ell pas qu’ils aillent bien loin ; ils ne s'écartent guère
de la cote de plus de trois lieues , & c’eft beaucoup pour
eux; ces pirogues font donc toujours à la vue, quelquefois
un peu plus Nord ou un peu plus Sud que le lieu d’où elles
font parties.
Pendant l’ablénce de fon mari, la femme relie enfermée
chez elle; jeûnant, ne parlant à perfonne, & la porte de là
. cafe exaélement fermée ; autre fait qui m’a été unanimement
atteilé par les Noirs.
Cependant la pêche lé fait en chantant; dans leurs chanfons,
ils conjurent la baleine en cette forte: Obaleine! O baleine'. . . .
donne-moi ton enfant, donne-moi ton enfant, je te ferai prefent
d'argent, d’huile, & c.
Us promettent, comme fon voit, plus qu’ils ne peuvent
exécuter: la baleine, lorlqu’ils font piquée s’échappe-t-elle;
ils dilént que la mère de cette baleine n’eil pas contente,
puifqu’elle n’a pas voulu leur donner un de fes enfans ; s’ils
reviennent avec.une baleine , ils dilént le contraire : cela
fait bien voir que ces Noirs ne vont qu’en tremblant à cette
pêche, & qu’ils n’ofent attaquer les grolîès baleines.
Lorlqu’ils ont piqué une baleine , les pêcheurs mettent
pavillon à la pirogue, pour l’annoncer à leur village ; c’eft
une joie uniyerlélle, fur-tout dans la famille de celui qui ell
le Chef de l’entreprilé, Le rivage eft bientôt bordé de Noirs,
qui examinent le pavillon avec la plus grande attention; mais
la joie eft encore bien plus grande & la foule augmente encore,
quand la pirogue dirige fa route fur le village & annonce ainfi
la mort de la baleine; ils danfent fur le rivage, & chantent
une chanfon dont le refrein dit, qu’ils font très-contens qu’il
y ait une baleine de prife.
Lorfque la pirogue eft alîéz près du bord, plufieurs Noirs
vont à elle à travers les lames, prennent le cablot qui amare
la baleine, & ils la halent jufqu’à ce qu’ils l’aient tout-à-fait
échouée ; cependant, la pirogue continue comme fi elle voulqit
fe mettre au plein.
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