l’un & l’autre en abondance, ont bientôt peuplé un tel pays.
,A peine la nuit couvre-t-elle Manille de,fon voile, que les
Indiens vont à la pèche; alors la baie eft,pour ainfi dire,
couverte de bateaux de pêcheurs , qui, cliaçun .ont une
lumière; l’on voit donc le -fdir quelquefois plus de trois
cents lumières former un grand arc , ce qui produit un effet
charmant. La quantité de poiffon que ces Indiens tirent de la
baie eft telle quelle fert, non-feulement à la confommation
j o u r n a l i è r e qui eft confidérable ,: mais encore ils en falent Sc
en confervent en faumure, pour les temps qui ne permettent
pas d’aller pêcher ; avec cela, il leur en refte affez pour
l’employer à féconder les” terres des environs de Manille;
celui qui’fert à- cet ufage eft petit, plat & .rond; il n’a: pas
plus de deux pouces de diamètre; c’eft une efpçce de lune
qui né 'nf à: pas paru croître, au-delà de la dimenfion cbdeffus :
Cette efpèce multiplie à un point incroyable; on répand
ces poiffons fur ifé carrés des ujardins , on les laiffe ainfi
'pendant-qüëlqtffs jours; & on : tourne enfuite la terre: à différentes
rtprifes' ; ¡c’eft-là le feul engrais dotjt fè fervent les
Indiens ^bür le jardinage, ;&• leurs jardins! m’ont paru en
très-boïï rapports
L a rivière de Manille a fotrembouchure dans!cette baie,
vis-à-ivisi!là1 »citadelle; cette embouchure'au une barre qui
ferme le paffage aux Vaiffeaux; mais ils .peuvent mouiller à
trois quarts de lieue de la ville, vis-à-vis la barre, pendant
la bellé! fàifort ; cette faiibn eft celle des vents de Nord-eft &
d’E ft: la tenue y eft.fort bonne; le 10 Décembre 1 7 6 7 ,
•j’y ai vu un vaifîeau Anglois qui.y èffuya, fans chaffer, un
très-fort coup de vent du Nord-oueft au Sud-oueft; il eft vrai
•qu’il lui en coûta fon:taille-mer, fôn beaupré, fon mât de
tnïfaine & fa galerie.'Le plus fur eft donc pendant la faifon
des ouragans & d e s .vents d’Aval d’aller à Cavité: Cavité,
eft en effet le port de M a n i l le i l en ëft-éloigné d’environ;
trois Jièues par mer.
Le 22 , le 23 ,■& la nuit du 23 au 24 Septembre 1 7 6 7 ,
II vint au Plein, fort près de Manille, une fi grande quantité
de poiffon mort, que fi je ne l’avois pas vu , je ne fais fi
j'aurois trouvé la chofi:croyable furie rapport d’un autre ; la,
grève en étojt couverte., dans une étendue en longueur, de,
plus d’un qu^rt, de lieue ; ce n’eff pa?;à dire qu’il fût répandu,
comme femé ,çà jÇc là , il formoit un rebord fuï la grève,
à l’endroit où la lame vient expirer ; ëijfin, il y en avoit à
remplir plus de vipgt'grands,chariots,
. Dans: tout autre pays peut-être çp poiffQii eût été abandonné
& perdu; les'Indien?;: de Manille & des villages,
pafsèrent une partie de la jourpé.e & de la nuit , à ratpaffef
çe poifîon; ce qu’iis ne purent manger , iis ,1e firent fécher
pu,en engrailsèrent leurs;jardins.
Je fis fur ce phénomène très-fingulier plufieurs recherches
& différentes réflexions; & voici comment je crois pouvoir
expliquer ce fait ;
A quinze ou dix-huit lieues de Manille ,,eft le ; fameux
Volcan de Taal, au milieu de la lagune ( yoye,%,ci -devant,
page 1 7 ) ; la terre tremble fouvent aux, (environs de ce
volcan, & les feux de ces entrailles chauffent les, eaux de
la lagune à un point qu’elles en font quelquefois fi chaudes
qu’on m’a affuré qu’on ne peut y;:ioufffir long-temps la main.
11 eft donc trèsrvraifèmblable que ces feux fouterrains auront
cette fois-ci chauffe les eaux de la lagune au point de faire
mourir ie poiffon qui s’y trouvoit; le courant aura facilement
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