ils l’ont fait voir dans béaucotip d’occafions, & tout récemment
dans la dernière guerre, lorfque les Anglois allèrent
affiéger Manille; les Efpagnols difent eux-mêmes aujourd’hui
qu’ils en ont fait l’eifai. Se fiant fur la foi de ces Indiens,
prefque tout Manille fortit à l’arrivée des Anglois pour fe
réfugier dans les provinces, fur-tout à la grande lagune;
par-tout où ils allèrent, ils reçurent mille mauvais traitemens
des Indiens : iis furent volés, même battus, les femmes
infoltées; de forte que j’ai ouï dire aux Efpagnols que fi
l’ennemi ¡retournoit. jamais à Manille, ils préféreraient de
relier entre fes murs.
Cependant je doute que la même chofe arrivât une
fécondé fo is , & les Anglois pourraient bien avoir corrigé
les Indiens for cet article, car leur police fut de la plus
grande févérité pendant le temps qu’ils gardèrent Manille ;
pour la moindre chofe ils les envoyoient à la mort, ils les
pendoient par troupes de quatre à cinq, & même davantage,
pendant que je n’en ai vu exécuter à mort que trois à quatre
dans i’efpace de dix-huit mois que j’ai vécu à Manille. Auffi
les Indiens difoient qu’il valoit encore mieux, pour eux,
vivre fous la domination Elpagnole que fous celle des
Anglois,
L ufàge des Efpagnols à Manille, pour les Pâques, eft
d exiger des billets de Confeffion & de Communion ; &
Voici comme cela fo pratique :
Le Confeffeur donne un billet de Confeffion au Pénitent,
avec lequel il va fe préfenter à la fainte Table; là , un Indien
précède le Prêtfe, & on lui remet le billet de Confeffion ; le
Prêtre paffe & adminiflre l’Euchariflie : un fécond Indien foit,
Sc remet un billet qui conftate qu’on a reçu la Communion ;
d a n s l e s M e r s d e l ’ I n d e . 143
on garde fort foigneufement ce billet; & après les Pâques,
le Curé va de maifon en maifon recueillir ces billets, il voit
par-là ceux qui ont fait leurs Pâques; malgré cela ces Curés
y font encore trompés, car il y a des Indiens allez adroits
pour avoir ou contrefaire ces billets , & en font enfoite
commerce.
Pour moi je n’entendis parier ni du Curé ni du Vicaire,
perfonne ne vint chez moi faire la moindre recherche ;
je l’attribuai à ce que j’étois étranger, à ce que je voyois >
quelquefois le Curé de Manille chez le Chanoine Me lo, &
à ce que ce Curé m’avoit lui-même adminiflré les Pâques.,
& m’avoit reconnu parmi tous les autres.
A in fi, j’ai apporté avec moi en France mon billet : c’efl
un petit papier imprimé, de deux pouces & demi de long
for un pouce & demi de large, figné & parafé du Curé ;
il eft conçu en ces termes :
Comulgo en el fagrario de efla fanéia Iglefta Cdthedral de
Manda, ano de ty ô y ( il a communié dans la Chapelle
facrée de cette fainte Eglife Cathédrale de Manille, l’année
[17 6 7 ).
A r t i c l e q u a t r i è m e .
D es traits du v if âge des Indiens de M anille & de leur
habillement.
' J ’a i parlé, dans le Chapitre I.cr * , de la différence d e s *
Indiens relativement au climat. J’ajouterai ici qu’ils font tous V' J '
corpulens, fe tiennent & fe préfentent bien ; mais tous ont
le nez plat : il eft fort difficile de rendre leur couleur;-'
quelques perfonnes prétendent que cette couleur eft celle du
coin cuit, ou encore mieux celle de l’o live: pour moi»