Depuis la foppreffion de ces derniers, leur Univerfité, qui
certainement n’avoit été fondée qu’en leur faveur, eft fans
doute fupprimée ; malgré ces deux Univerfités, à peine
voyoit-on un Doéleur en Théologie , & cela n’a rien
détonnant; il n’y a prefque point d’Eipagnois dans le diocèfe
de Manille ; très-peu dans la ville.
Elle n’a pas trois quarts de lieue d’étendue; fon tiers au
moins, fans exagérer, eft occupé par les Moines ; près d’un
autre tiers eft déiert & fans maifon; ce qui refte de terrein
eft occupé par des maifons immenlement grandes, dans
chacune deiquelles logent une ou deux perfonnes, ou une
famille tout au plus avec fes domeftiques. Il doit donc y avoir,
comme l’on v o it , très-peu de monde à ’Manille ; d’ailleurs
on y trouve peu de places à occuper ; il ne peut donc y
avoir d’émulation ; la Cathédrale eft la feule relfource pour
les places; mais'cette Cathédrale eft bien peu de chofe, il
n’y a que douze Chanoines, y comprenant les Dignités ; de
plus, les chaleurs font fi fortes & fi grandes à Manille, qu’on
ne peut pas s’appliquer à l’étude; ‘les corps, par la grande
tranlpiration qu’ils éprouvent font dans une mblleiTe & un
abattement prefque continuels, & l’efprit s’en reflënt ; dans èè
brûlant pays on ne fait pour ainfi dire que végéter; la folie
y eft ordinairement le fruit des fortes études & d’une trop
grande application. Cette maladie eft affez ordinaire dans les
Couvents. Les frais des études font en outre très-confidérables,
d’où il arrive que des fujets qui envifagent qu’au bout d’une
longue carrière d’études ils n’ont aucune place à' elpérerl,
aiment mieux faire courir & circuler leur Argent.
C ’eft donc une elpèce de phénomène, à Manille, qu’un
Doéleur ; il fe paffe plufieurs années fans qu’on en voye -un:
dans deux Univerfités il ne fe trouva, cependant en iy 6 y ,
qu’un feui oppofant à la doctorale de la Cathédrale ; &
encore il faut bien remarquer que cet oppofant étoit un
fujet du Mexique; qu’il netoit point né à Manille. A quoi
donc pouvoient fervir deux Univerfités en cette ville ï une
feule n’auroit-elle pas été plus que fuffifante ?
Quand on fait le latin à Manille on eft fort [eftimé, parce
que cette langue n’y eft pas commune, malgré les deux
Univerfités dont je viens de parler; celui qu’on y apprend
eft affez mauvais, on ne le fait qu’imparfaitement; une
grande quantité de perfonnes me demandèrent en arrivant
fi je favois le latin, & leur ayant répondu que je i’entendois
un peu, il fembioit qu’ils euflènt enfuite plus de reipect
pour moi. Tous les anciens préjugés des Écoles femblent
ne nous avoir abandonnés en Europe que pour aller fe réfugier
à Manille, où ils relieront vraifemblablement long-temps;
car l’ancienne doélrine y eft en de trop bonnes mains pour
faire place à la faine Phyfique : Don Feliciano Marqués m’a
fouvent avoué de bonne fo i , qu’en Elpagne on étoit en
arrière de la France, pour les Sciences, de cent ans ; &
qu’à Manille ils étoient de cent ans en arrière de l’Efpagne.
L’on peut juger par-là de l’état aéluel de la Phyfique
à Manille, au milieu de deux Univerfités ; on ne connoît
en cette ville i’Eleélrieité que de nom, & le lâcré Tribunal
de i’Inquifition en a profcrit les expériences : j’y ai connu
un François, Chirurgien de fon métier, homme d’elprit &
curieux, que l’on menaça de l’Inquifition pour avoir voulu
tenter ces expériences; mais ce qui penfa véritablement lui
attirer cette djlgrâce, fut l’expérience du petit Moine.
Tout le monde connoît-l’expérience de la petite figure