dépendant à la faveur des vents de Sud-eft fur l’île de Java,
qu’ils cberchept ordinairement à attaquer vers le milieu. Comme
vous favez, Monfîeur, cette précaution eft très - uéceffairè pour
attérer au vent du détroit» , car fi on fe trouvoit fous le vent, il eft
rare qu’on pût entrer, le voyage feroit manqué ; là feule relfource
feroit de fe lailTer aller au vent & de gagner le détroit de Malaca
fi la faifon n’étoit pas trop avancée.
Nous rentrâmes dans la lifière des vents de Sud-eft que nous
retrouvâmes vers les 30 degrés de latitude. Tant que nous entretînmes
les grandes latitudes' de 34 & de 3 5 , nous eûmes de très-
greffes mers; mais fi les lames étoient fort greffes , elles étoient
en même-temps fi longues, que les extrémités échappoient à la vue
& fe perdoient dans {’éloignement,| à peu-près pareilles à celles
que" l’on trouve de l’autre côté de l’Afrique l'prfqu’on a palfé le
tropique du Capricorne, pour doubler le cap de Bonne-efpérance.
Lorfque nous fumes rentrés dans les vents généraux, nous n’eumes
plus de ces longues lames; nous ne trouvâmes à la place que des
mers courtes & hachées.
Les mers d’Europe font auffi très-longues , & pareillement toutes
celles qui s’étendent depuis cette partie du monde jufqu’au cap de
Bonne-efpérance : ces longues mers ne font pas fi dangereufes
que les courtes. Sous le cap de Bonne-efpérance la mer eft agite'e
prefque toujours par deux lames énormes, & fouvent par trois qui
viennent fe choquer avec des directions contraires. C ’eft au cap de
Bonne-efpérance que l’on trouve les pjus greffes mers connues d»
globe; les marins qui ont paffé le cap Horn dans des mauvais
_temps, & le cap de Bonne-efpérance , conviennent unanimement
que fi les mers étoient auffi greffes au cap de Horn qu’elles le
font au cap de Bonne-efpérance , ç.e cap feroit abfolument impraticable'
, parce que le vent eft plus fort au cap Hprn. Quand on a
doublé le cap de Bonne-efpérance & qu’on a remonté à 3 o degrés
de latitude dans l’Océan éthiopique, ce ne font plus ces mers
longues d’Europe & de l’Oueft de l’Afrique méridionale; dans
cet Océan t ci les lames font courtes & divifées. Ces efpèces de
mers fatiguent fouvent les Vaiflèaux beaucoup plus que np le font
des James longues , for-tout après des coups de vent, parce que
le vent dans fes fautes achève de divifer ces lames qui ne font plus
alors que comme des mondrains pointus ou pains de fucre dont la
mer eft couverte, ce qui tourmente infiniment les Vaiffèaux.
Pourquoi la mer eft-elle fi greffe au cap de Bonne-efpérance,
& pourquoi l’eft-elle moins au cap de Horn! En voici, je penfe,
laraifon. Au-delà du cap de Bonne-elpérance entre lès Tropiques,
& dans les différentes parties de l’Inde, la mer forme pour ainft
dire une grande baie (èmée d’Ifles , & comprifes entre des terres
qui, quoiqu’elles foient éloignées , font cependant la caufe des
vents périodiques qui y fouillent. La mer eft donc en quelque forte
gênée ci a 11 s ces parages.
Lorfqu’une fois on eft revenu au cap de Bonne-efpérance, fes
eaux ne font plus gênées, elles font abfolument libres & comme
abandonnées à elles-mêmes pendant un efpace immenlè en longitude
& en latitude : les vents d’Oueft ont donc la liberté de
s’étendre & de fouIeVer la mer au cap de Bonne-efpérante ; & ce
banc immenlè, que vous connoiffez' à fa pointe de ce cap, contribue
avec les vents à gonfler les eaux de cette partie de l’Océan.
Nous ne paffames pas des vents d’Oueft aux vents de Sud-eft
fans éprouver des calmes: ces calmes, Monfîeur, nous forent très-
préjudiciables ; nos prqvifîons s’en allôient, & nous avions encore
loin pour arriver ad détroit, feu! endroit où nous pouvions efpérer
de trouver des rafraîchiffemens. Nous étions quarante-fept perfonnes
de table, dont dix-fept Auguftins , pour le paflage defquels le Roi
payoit comme pour les Officiers ou autres paffagers; ils mangeoient
à la vérité avant nous & feuls, mais le ut table étoit auffi bien fervre
que celle du Commandant où je mangeois : il avoit embarqué
beaucoup de provifions^ /c j ; mats auffi quarante-fept perfonnes
( c ) Nous fortîmes de Saint-Paul avec trente-cinq boeufs, autant de moutons^
cabrits, Fiait cents tetes de volailles, cent cinquante chapons, des dindes, des oies &
des canards.