dont les beaux cheveux noirs font ramaifcs & noués par-
derrière 8c ie noeud attaché avec une épingle d’or; un fuperbe
mouchoir, brodé 8c arrangé en forme de barbes, règne autour
de la tête de façon qu’il laide voir prefque tous les cheveux ;
leur ehemife, par-deffus laquelle elles ne mettent rien, eft
flottante, 8c d’iine toile fi fine qu’elle ne cache rien; en
outre, cette ehemife eft fi décolletée, c’eft-à-dire, fi ouverte
par en haut qu’elle laiffe à découvert le haut des épaules 8c
la moitié du lein : il eft vrai qu’elles mettent prefque toutes
un mouchoir brodé, mais ce mouchoir m’a paru être. un
rafinement de coquetterie ; en effet, il n’eft point attaché
par-devant comme eft celu-i de nos femmes; les deux côtés
8c les deux bouts pendent négligeant ment des deux côtés
lous les-bras.
La jupe prend au défaut de la ehemife 8c ne l’empêche
point de flotter; un tapis fort propre recouvre la jupe, 8c
comme il ne defeend qu’à mi-jambe, il laiffe voir tout le
bas de cette jupe; mais ce tapis les ferre fi exaélement que
l ’on voit par-derrière la forme du corps; que l’on joigne à
cela les pantoufles de la démarche fingulière qu’elles paroiflènt
affeéler, mais que ie tapis qui les ferre ,8c les petites pantoufles
qu’elles ont peuvent bien les forcer de prendre, on
aura une idée de l’habillement honnête des Indiennes des
Philippines. Les femmes des Efpagnols portent un corfet affez
mal fait & des jupes, un mouchoir blanc fer le cou, 8c un
brodé autour de la tête à peu-près comme les Indiennes:
c ’eft-Ià toute leur parure ; elles mettent encore une efpèce
de large 8c épaiffe ceinture, d’une très-belle étoffe, avec
laquelle elles s’enveloppent une partie de la poitrine; elles
nomment cette ceinture rebofo. Le rebofo eft d’ajufté, 8c par
conféquent de rigueur quand on fort dans les rues, comme
le tapis l’eft chez les Indiennes.
Les jours de Gala, elles mettent quelquefois un tablier,
elles le nomment delantar. J’ai v u , dans une maifon ou
j’étois une veille de Saint-André, une grande differtation
parmi plufieurs femmes 8c leurs maris, dont la fin étoit de
décider fr elles paroîtroient au bal en delantar.
On m’a affuré. que les Anglois, pendant leur fféjour à
Manille, y avoient réformé quelques ufages, 8c fur-tout la
manière de s’habiller : les hommes n’y portaient : point de
veftes blanches , ils fe feraient fait regarder 8c peut-être
montrer au doigt. Aujourd’hui les hommes de la première
diftinétion portent des veftes blanches 8c des habits d’indienne;
ufage que j’ai trouvé à la côte de Coromandel:
ainfi, il eft très-vraifemblable que de cette côte il eft paffé
à Manille. On m’a également affuré qu’avant la prife de
cette ville, on ne voyoit point les femmes, 8c qu’on nofoit
pas leur préfenter la main en public.
De mon temps on rendoit vifite aux femmes , quand même
le mari'.eût été abfent; je ■ n’affurerai pas que les Anglois
ibient les réformateurs de l’ancienne coutume ; ce que je puis
affluer eft que j’ai vécu à Manille avec la liberté frartçoife,
que je n’y ai pas vu les femmes plus dans la contrainte
qu’elles ne font en France, 8c que les Efpagnols'ne m’y ont
paru jaloux en aucune façon.
J’ai déjà, d it que je . fréquentais, .beaucoup la maifon de
Don Andrès Roxo, qui avoit époufé la fille du Marquis de
¡Yilia-Mediana ; je m’étois fait, une douce habitude d’aller
dans cette maifon, où l’on m’a toujours fait l’accueil le plus
gracieux que puiffe fouhaiter un [étranger; je pouYois aller