'de Pâques, &c. les tables font alfez bien fervîes, & les
Elpagnois invitent ordinairement ces jours-là. On eil fur,
pour plat du milieu, d’avoir un auto-da-fé, car j’appelle ainfi
un gros cochon-de-lait bien rôti, qu’on fort au centre de
tous les plats ; c’eil une grande marque de réjouiffance, &
quoique la déiicateffe de mon eitomac ne iympathisât pas trop
avec cette eipèce de chair ; j’étois cependant un des premiers,
quand j’étois invité à ces repas, à manger de ce plat de
réjouiffance, dans la crainte d’être fuipeélé d’un peu de
Judaïime.
Les jours de Saint Charles & de Saint André font deux
jours de Gala.
Le jour de Saint Charles, le Gouverneur donne un dîner
d’environ quatre-vingts couverts; à la fin du deiîèrt, il
porte la fanté du Roi au bruit d’une décharge de canons ;
cette fanté eil le dernier coup que l’on boit.
Je fus le foui François, réfidant à Manille, qui fut invité
à cette fête; ie Gouverneur envoie, à ceux qu’il veut avoir
ce jour-là à dîner, avec lu i, un petit billet qui dit, pour
célébrer le jour de notre Souverain Monarque (que Dieu garde):,
j ’efpère que vous voudre£ bien m’accompagner un tel jour
à midi.
C e joùr-là on chante, à la Cathédrale, une Grand’Meiîè
folennejle & le Te Deum; l’Audiénce royale, le Gouverneur
à la tête, y affilient, ainfi que l’Hôtel-de-vilie, compoie des
Alcades, Corrégidors, & les Officiers des Troupes; après
la Meiîê, le Gouverneur fe rend dans une falle d’Audience,
fous un dais où eil le portrait du Roi; là, en petit Souverain,
il reçoit les différens Corps, & leur donne audience dans
i’ordre fuivant :
i.* L'Audience royale.
2..° Le Clergé.
3.° i’Hôtel-de-ville.
4 .' Les Officiers royaux ou Meilleurs de îaChambre des Comptes.
j.° Enf in, l’Épée.
Comme j’avois reçu la veille un billet d invitation, je me
trouvai à l’Audience & y reliai tant qu’elle dura, pour être
témoin de cette cérémonie.
Ce fut à l’occafion de cette fête que l’on fit en 1 76 6 les
Mafcarades dont j’ai déjà parlé * , & dans lefquelles les
Chinois chrétiens firent voir, félon les Manillois, des ailés
d’idolâtrie ; fi cela eil ainfi, il faut convenir que le préjugé
de religion de ces peuples eil bien enraciné chez eux, &
que le Chriilianifme qu’ils avoient embraffé chez les Espagnols
, étoit par pur motif de commerce & d’intérêt.
Les Indiens donnèrent auifi des mafcarades affez bien
exécutées pour des gens qui n en avoient jamais vu \ mais
ils furent conduits en cela par les P.P. de la Compagnie;
au lieu que les Chinois du Parian ne le fuient que par
leur propre génie.
Les balcons du Gouvernement étoient remplis de monde ;
c’étoit l’Audience royale, une partie du Cierge, &c.
Les mafcarades commencèrent, vers les fept heures du foir
& durèrent trois jours , le quatrième iùt termine par un
.combat de taureaux, fpeélaçle le plus barbare qu on puiiîè
imaginer.
Le jour deitiné pour les Moetis, iis parurent dans deux chars
affez beaux, pleins de Muficiens & de Lcclamateurs ; dans
un de ces chars étoit un tableau repréfentant l’Infant & l in-
* /apte i ce char s’approcha du balcon, & un des Déclamateurs,
* Tome IE .
?■ ‘ »4-