6 3 4 V o y a g e
font pas fi délicats, ils bravent la malignité du vent; en forte
que ce feroit un bon abri pour un jardin fruitier, mais à l’iiîe-
de-France, il vient avec la dernière lenteur, & on y a jufqu’ici
négligé la culture de cet arbrè précieux.
Au cap de Bonne-efpérance, les laborieux & induftrieux
Hoilandois ont appris à garantir leurs arbres fruitiers de ce
même v en t, en coupant leurs jardins par carres faits de
charmilles de chênes.
A l’Ille-de-France, on ne peut elpérer aujourd’hui d’avoir
d ’abri qu’au bout d’une longue fuite d’années ; car les arbres
viennent très-lentement à cette lire. Au lieu de tamarins,
les habitans ont planté des bambous qui viennent très-vite,
& qui produifent un allez bon effet, mais qui nuifent eux-
mêmes aux jardins : ce rofeau étend les racines, femblables à
de la filaffe, à uîie fi grande’ diftance de fon pied, & une
partie de ces racines eft li fuperficielle à la terre, qu’il ne
vient rien à douze, quinze & même vingt pieds à la ronde;
iouvent ces racines vont plus loin : il eft vrai qu’on y remédie
en 'faifant au pied de la haie un foffé profond de deux à trois
pieds, & large à peu-près de même, mais c’eft au détriment
du bambou qui n’eft plus fi beau, & qui ne rompt plus tant
l’effort du vent; de plus, un terrein lèc ne lui eft pas propre;
dans ce cas il ne profite point & il ne fert de rien contre
le vent.
Les nuits font prelque toujours très-belles à i’Ilîe-de-France,
fur-tout dans la faifon des vents de Nord-eft. Dans cette
fâifon, le foleil fe lève ordinairement fort beau ; vers les dix
heures, de petits nuages s’amaffent & s’accumulent fans paroitre
rien annoncer : le nuage n’occupe qu’un très-petit elpace, oC
n’a aucun mouvement, il tombe quelques gouttes d’eau Si
D A N S l e s M e r s d e l I n d e .
alors la pluie eft décidée ; car,, dans cet inftant, le Ciel le
prend infenfiblement tout entier, làns qu’on voye d’où les
nuages viennent, la pluie augmente en même-temps, & en
moins de cinq à fix minutes elle devient fi abondante , que
fouvent on ne voit pas à quarante toiles de foi. Ces pluies
durent environ deux heures & n’arrivent que lorlque les vents
font du large ou de la mer, & qu’il fait calme ; les vapeurs
montent alors de la mer, & les montagnes les fixent.
Dans la làifon des vents de Sud-eft, au contraire, on voit
fouvent, fur-tout ie loir, tomber une pluie fine, quoiqu’il falîè,
en apparence, le plus beau ciel du monde, & que les étoiles
paroiffent brillantes. C ’eft auffi dans cette faifon qu’on-a fouvent
i’occafion de vo ir , dans l’enfoncement du Port, ’des
arcs-en-ciel formés par la Lune,'phénomène rare à Paris,
A R T r C L E S E C O N D .
Sur la Théorie de l’JJle, ¿r fu r les Cavernes
qu ony trouve.
A la première ihlpeélion du terrein de l’Ifle-de-France,
on lèroit tenté de penfèr qu’elle a effuyé quelque violente
fècoufle, que cette Ifle a été culbutée, que toutes les pierres
que l’on trouve fur fa furface y ont été jetées du lancées par
un volcan, ou qu’elles proviennent d’une explofion générale
.dans i’Ifle qui les a placées comme on les v o it , c’eft-à-
dire, fans ordre ni arrangement. C ’eft le préjugé général de
l’Ifle, dans lequel j’ai moi-même été dans le commencement,
& que la lecture de la Théorie de la Terre de M. de Buffon,
a réformé chez moi. Je ferai donc voir dans cet article, que
l’Ifle-de-France n’a effuyé aucune explofion, &c.
L 11I 1