& entretiendroit à fes frais la religion Catholique dans ces
Illes. La Bulle du Saint-Père n’eut pas plutôt paru qu’on vit
en Efpagne une émigration confidérable de Religieux de tous
les Ordres, qui allèrent pour faire la conquête ipiritueile
des Philippines ; les premiers qui y parurent furent les
Auguftins chauffés, en 1 5 6 5 : il y en alla fucceffivement
d’autres les années luivantes. Depuis cetemps-là, l’Efpagne
n’a'pas ceffé chaque année d’y en faire paffer un certain
nombre, même aflèz confidérable pour remplir le vide que
la mortalité occalîonne : ce tranfport fe fait à très-grands frais;
on m’a affuré à Manille, commë une chofe de fait, que
chaque Religieux rendu aux Philippines, revenoit au roi
d’Elpagne à cinq cents piaftres (26 2 5 livres). Le vaiffeau
le Bon-confeil, fur lequel je paffai à Manille en 1 y 6 6 , avoit
d’un feul article dix-fept Asguftins ; ainfi, fans compter les
autres Religieux qui étoient arrivés cette année fur le Galion
par le Mexique, les Auguftins rendus à Manille par le
Bon-confeil, coutoient au Roi plus de quarante-deux mille
livres argent de France. Chaque ordre de Religieux s’eft
donc emparé de ces provinces ; ils fe les font pour ainfi dire
, partagées entr’eux; ils y commandent en quelque forte;
& comme je le dirai dans la fuite, ils y font plus rois que
le Roi même : iis ont eu l’adreife d’apprendre la langue des
differens Peuples au milieu defquels ils habitent; & de ne
point leur enfeigner le Caftillan ; de cette façon ils font les
maîtres abfolus des efprits des Indiens de ces Mes. Il feroit
très-difficile aujourd’hui à la Cour d’Efpagne de remédier
à un pareil abus ; car s’étant engagée à maintenir la religion
Chrétienne aux Philippines, elle a befoin pour le faire dun
très-grand nombre de lùjets ou de frayles, comme les
Efpagnols nomment les Religieux; or, il faudrait leur febfti-
tuer des Prêtres; ce qui eil de la plus grande difficulté:
j’entre à ce fejet dans quelque détail dans le courant de cette
hifloire.
Chaque Ordre religieux a fait l’hifloire de la conquête
fpirituelle de fa province , & chaque hifloire comprend trois
à quatre volumes in-folio ; on trouve, à la tête , une courte
description des Philippines, le relie renferme en très-grand
détail les travaux des Religieux qui ont coopéré à la con-
verfion des Indiens. Ayant confulté les Eipagnois fer la
meilleure de ces différentes hifloires & la plus exaéle, ils
m’indiquèrent celle des Francifeains, faite par un religieux
de cet Ordre, & imprimée à Manille en 173 8 ; je m’attachai
à celle-là, je traduifis la partie de cette hifloire qui pouvoit
intéreffer la Phyfique & la Politique : j’y ai ajouté beaucoup
de chofes, d’après des, notions que m’ont fournies le P. Don
Eflevan Roxas y Melo, Don Andrès Roxo & Don Feliciano
Marqués. Si ce que je vais écrire fer ces Ifles laiffe encore
quelque chofe à defirer, je crois du moins en dire afleZ
pour en faire connoître toute l’importance ; mais j’oferal
dire ici qu’elles me paroiffent trop loin de l’Europe ; les
Gouverneurs y font prefque toujours leur volonté plutôt que
celle de leur Maître.
A r t i c l e p r e m i e r .
D e l ’Archipel des Philippines & de la. quantité ctljles
renfermées fo u s ce nom.
C e t Archipel eil un des plus confidérables que l’on
connoiffe ; il s’étend depuis le 3 ou 4.me degré jufqu’au 19
ou 20."“ de latitude boréale, ce qui fait -à peu-près trois
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