une Ordonnance d’Efpagne dont j’ai déjà parlé, pour chafler
des Iiles tous les Chinois qui s’y étaient établis ( voyej ci-dejfus
p. ioo0 & qui y faifoient le commerce, avec défenfe à eux d’y
revenir pour y reiler, fous peine de la vie, cela n’empêche
pas que les vaiiîèaux Chinois ne puiffent aller tous les ans
à Manille faire leur commerce comme à l’ordinaire, mais fans
qu’aucun Chinois , fous quelque prétexte que ce foit, puilfe
relier à terre pour y faire fa demeure.
En conféquence du grand éloignement dont ils font de
i ’Eipagne, les Gouverneurs de Manille dilpofent de quantité
de places : ils dépofent qui ils veulent, & ils élèvent en là
place qui bon leur ièmble ; ils ont le titre de Capitaine
générai, & Préfident de l’Audience royale : la Cour leur
donne 13000 piaffres ( <58250 livres) d’appointemens. Le
Gouvernement elt de trois ans, & deux ans pour la Préfidence.
Avant la dernière guerre, par une Ordonnance du R o i,
lorfque les Gouverneurs mouraient à Manille, i’Archevêque
entroit Gouverneur par intérim; ou à fon défaut, i’Eyêque le
plus immédiat. Depuis la guerre, Sa Majeité Catholique a
mis à Manille un Lieutenant-de-rpi avec la moitié des appoin-
temens du Gouyerneur; il n’a rien à faire, il ne le mêle de
rien; fa lêule occupation eil d'aller tous les matins, &
encore quand il le juge à propos.tomarelfitnto, comme dilent
les Efpagnols (prendre l’ordre).
Les Gouverneurs de Manille corrompent journellement
leurs grâces , & les Manillois ne les abordent guère pour
leur en demander, fans le précautionner auparavant du
rameau d’or ; lëul & unique moyen de fe les rendre favorables.
Un loir étant allé voirie Gouverneur, en iy6y, à
peine m’eut-il demandé des nouvelles de ma fanté qu’il alla
me chercher une bouteille de verre de chopine, mefure de
Paris , pleine de paillettes d’o r, il me la fit voir en me difant
q u e c’étoit un préfent dont on l’avoit régalé ce jour-là même :
Oi, me dit-il, me regalaron de efle.
If y a cependant eu, aux Philippines, des Gouverneurs
défintérefles, mais ils ont été en bien petit nombre, & je
n’ai pu favoir jufqu’à quel point ils avoient pouffé le
défintéreflèm ent.
Une cholè contre-balance un peu le pouvoir des Gouverneurs
; c’eit l’Audience royale dont je parlerai ci-après.
Ce tribunal les gène beaucoup ; aulfi j’ai très-lôuvent entendu
dire aux Secrétaires du Gouvernement qu’il faudroit fup-
primer l’Audience royale ; que le Gouverneur n’efl pas maître;
qu’il eil arrêté à chaque pas ; mais je leur répondrai ici
qu’en lupprimant l’Audience royale, ce ferait établir le pouvoir
purement arbitraire & ouvrir la porte à une infinité d’abus;
ce feroit expofer les fujets du R o i, qui veut qu’on ne les
juge que conformément aux L o ix, à être la viélime du
caprice & de la tyrannie d’un Gouverneur. Qui peut maintenir
la Juftice & les L o ix , fi ce n’eil un Tribunal comme
eil l’Audience royale !
Je fais qu’elle fut fupprimée dans le dernier fiècle; mais
la Cour d’Eipagne ne tarda pas à la rétablir; & ians ce
Tribunal, on ne connoîtroit à Manille ni Loix ni Juftice, &c.
Encore ce Tribunal ne fait-il pas toujours tout ce qu’il veut,
du moins j’ai connu quelques-uns de lès Membres qui me
l’ont aiîliré. -
Les Gouverneurs, lorfqu’ils quittent, lônt fujets à un
examen de leur conduite, qu’exige celui qui les remplace ;
cet examen s’appelle réfidence (refidencia J, parce qu’en effet
Tome II. U