Les Naturels de Jolo, qui s adonnent a la. pêche des perles
èa font dans la iaifon dont je parle, iis ont grand foin
avant tout, de s’oindre les yeux avec le iàng d’un coq blanc,
ils croient que c’eft un moyen de s’éclaircir la vue; ces
peuples font très-bons plongeurs; & par conféquent il ne
leur échappe rien de ce qui peut être à la portée de leur
vue: on fait que les huîtres dont on tire les perles font
grottes, alfez brutes à l’extérieur & toutes d’un poids aifez
égal ; 011 trouve fréquemment, dans les huîtres de Jolo, des
perles de la groffeur d’une aveline, fort nettes & fort liiîès;
on en trouve quelques-unes de beaucoup plus groifes.
Ces Naturels racontent, qu’il y a , proche un endroit
nommé Tabitadi, une perle auifi grande que l’oeuf de poule
le plus gros ; mais le lieu où eft cette perle paiîè pour enchante
; & lorlqu ils ont été aftez téméraires pour aller la
pecher, la mer s eft d abord troublée & l’embarcation a été
engloutie ; ils s’entretiennent dans ce préjugé, & pour augmenter
leur crainte, ils ditent que l’on voit toujours, aux
environs de cette perle, deux requins monitrueux qui en font
la garde ; que fi quelqu’un plus hardi que les autres a été
aifez fou que de s’être jeté à l’eau pour pêcher cette perle,
parvenu a 1 endroit, il avoit la douleur de voir qu’elle dilpa-
roüfoit comme font les tréibrs gardés par les efprits fblets.
Le P. Combés ( a), de la Compagnie de Jéiîts, de qui
j ai extrait ce conte, ajoute que « pluiieurs Efpagnols, de
” ceux qui etoient dans les armées de mer pour Bornéo, &
” ft11* Notent obliges de ranger Jolo, ont vu cette perle : j’en ai
” connu pluiieurs qui parlent en faveur de cet enchantement,
» & particulièrement le Sergent-major, Pierre Durand de
(a) Hiftoire de Mindanao & % Jolo, par le P. Combés, de la Compagnie
de Jefus. M. drid, 166/.
Mont fort, qui étoitdans une des expéditions pour Mindanao, «
& qui aujourd’hui eft Gouverneur de Sambouangam, il me «
l’a raconté, continue-t-il, comme témoin oculaire; c’eft une «
perfonne d’un fi grand poids que fon autorité vaut elle feule „
celle de plufieurs témoins; il m’a. ajouté qu’il avoit voulu „
traiter avec les Naturels pour faire un armement, aller „
inveftir un fx riche tréfor : non-feulement ils n’osèrent pas, I
mais même iis prièrent les Efpagnols avec importunité de «
ne point être fi téméraires que de s’expofer au rifque de voir «
périr toute l’armée de mer».
Je ne m’arrête point à extraire de ce Livre quantité de
fables que j’y ai trouvées iûr des poiifons fmguliers des
mers de Mindanao & de J o lo , n’ayant pu conftater la vérité
de ces faits, que le P. Combés ne paroît ni croire ni combattre
, à peu-près ce qu’il a fait dans le récit de la perle
enchantée/récit que je ne rapporte ici que pour fervir à
fhiftoire de l’elprit humain, & à faire voir qu’il enfante
par-tout des fables, & croit par-tout aux enchantemens.
A l’île de France, comme je le dirai dans ma quatrième
Partie, les rivières font remplies de cafcades, qui forment
enfuite des baffins fou vent d’une très-longue étendue; dans
ces balfxns on pêche de très-belles & très-bonnes anguilles;
lès habitans qui pofsèdent de ces bafîins dans la portion des
rivières qui arrêtent leur terrein, racontent qu’il y a une
anguille monflrueufe, n’ayant pas moins de deux pieds de
diamètre, félon les dimenfxons que j’ai entendu , par quelques-
uns , donner à ces anguilles ; o r , ces anguilles peuvent bien
paifer pour enchantées aufli-bien que la perle de Jolo,
puilque jufqu’au-moment où j’ai quitté l’île de France, ces
anguilles »voient caffé & avàlé toutes les elpèces d’hameçons ■