Nation qui voudroit fonder en cette Iile une Colonie folide ;
la baie' d’Antongii ferviroit de port: Il faudroit, dit Flacourt,
détablir à l ’îlet & y bâtir un Fort ; là, les François y pourraient
demeurer aufli-bien qu’à Sainte - Marie, pour y faire le
fucre & le tabac, & même l ’on pourra faire des habitations
à la terre-ferme : cette Baie , eft très-grande & à l ’abri de cet
îlet, les navires y font très-bien mouilles.
Le pays eft vafte & luperbe, & cette Baie feroit une
belle Colonie ; on en tireroit des reffources infinies pour
les vivres & les bois; ce pays n’étoit guère connu pour ce
qu’il vaut avant 1 74 6 ; il eft devenu célèbre depuis cette-
époque, qui eft celle où l’aélif la Bourdonnaie y ramaffa les
débris de fon efcadre difperfée par la tempête. Il eft vrai
qu’il y manqua de bien des choies ; mais ce pays n’eft point
établi de on le fréquente très-peu.
La proximité dont on feroit de la pointe de Larée & de
Sainte-Marie & même de Foulpointe, peut procurer des
boeufs à une efcadre entière en moins de quinze à vingt
jours ; on y auroit la pêche & la chaffe en abondance : la
volaille n’y manquera jamais. Lorfque j’en forîis avec M. de
Laval, il avoit à fon bord plus de deux mille têtes de
volaille pour fon voyage ; ce volatil étant à grand marché
dans tout çe pays, on en peut donner aux Equipages pour
la confervation de leur fanté.
On ne peut trop prendre de foin de la confervation d’un
individu aulli précieux que le Matelot, traniplanté fur-tout
à une fi grande diftançe de l’Europe; car il eft bon de faire
remarquer, qu’il faut beaucoup plus de temps â former un
bon Matelot qu’il n’en faut pour faire un bon Soldat.
Si j’én dois juger par les pirogues ( Voyez ci-après l'article
de la
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 481
'de la marine des Madecajfes ) de la baie d’Antongii, les
bois y font fuperbes & bien plus beaux qu’à Foulpointe,
Tamatave, &C. ou il n’y a point ou prefque point de pirogues,
encore font-elles petites. Les bois devenant de plus eft plus
rares à l’Ifte-de-France, on en tireroit de la baie d’Antongii r
& fur-tout du bois tors & des courbes dont on cOifimeftce
à manquer à cette Ifle.
L ’île Marotte eft dufte fertilité étofinante, à eft juger par
les bois dont elle eft couverte. On m’a alluré qu’oft y avoit
fait différons défrichés en différons tefftps, pour les bots dont
on avoit eu befoin pendant le féjour, & que trois à quatre
ans après il 11’y paroiffoit nullement ; ce que j’avois prefque
peiné à croire, après avoir vu que les bois a 1 M c m ! e-France
ne revenoient point dans les différons défrichés quofi a faits
dans la forêt ; mais ce fait m’a été attefté par plufieurs gens
dignes de fo i , & nommément par M. de Laval, qui a fait
plufieurs voyages en Cette Baie; ce qui le prouve ehcore, &
ce que M. de Laval m’a pareillement affuré, eft qu’en 174 6, du
temps de M.de la Bourdonnaie dans l’efeadre duquel il étoit,
il y avoit une habitation de Noirs dans la grande anfe : non-
feulement en 176.2 lorfque j y étois, il ne reftoit aucune trace
de cetté habitation, il me paroiffoit même comme impoffible
qu’il y en eût eu alors, tant le bois avoit repouffé en 176 2 .
Comme 011 prétend que le pays eft mal-fain, il faudroit
"dévafter l’Me & la découvrir tout-à-fait, ce qui contribueront
fans doute beaucoup à la falubrité de 1 air : enfin, avec un
peu de temps, on le feroit au climat comme les Naturels;
il y avoit de mon temps vers le milieu de 1 M e , une habitation
de Nègres.
Lorfqu’on eft mouillé fous l’ile Marotte, ôn peut être
Tome II. P P P