écarter de la côte ; ce vent n’eut de violence que dans le commencement,
& le fort de l’orage paffa à bâbord , c’eit-à-dire qu’il étoit
fur ia côte; cela n’empêcha pas qu’il ne nous vînt trois coups de
tonnerre effrayans qui fuivirent immédiatement l’éclair ; de ma vie
je n’en, ai ouï de pareils : quant aux éclairs ils ferpentoient fans
difconti'nuer d’un point de l’horizon au point oppofé* mais on
diftinguoit par leur vivacité ceux qui étoient accompagnés d’explo-
fion ou de bruit : le calme fuivit l’orage & continua jufqu’aux
environs de minuit qu’il vint encore un autre orage un peu moins
violent, & fuivi encore de calme qui dura toute la nuit . a fept
heures on avoit trouvé fond a cinquante-cinq brafles.
Le 22 à fept heures du matin,, ayapt le cap au Sud-quart-fud-elf,
pour nous élever par un très-petit temps de Sud-fud-oueft, on crut
voir la terre ; dans la matinée on reconnut lé mont Formofe &
Mont-dély ; à midi, le ciel étant moins gras, nous les vîmes très-
diftinélement, nous nous en ellimaraes à neuf- à dix lieues.
On revint alors au projet d’aller à Mahé & on gouverna en
conféquence ; mais quoique nous n en fulîlons pas a plus de quinze
lieues, il nous fallut deux jours pour y aller. Si les calmes nous
arrêtoient, les grains & les orages étoient à craindre; dès que la
nuit commença de paraître les éclairs reprirent leur jeu-fur le mont
Formofe & Mont-dély, fans cependant apparence de mauvais
temps. Nous gouvernâmes au Sud-fud-eft* & Sud-eft-quart-eft avec
peu de voiles; nous voulions approcher la terre avec précaution,
Le 23 on devoit, à quatre heures du matin, mettre à PEU pour
approcher davantage la terre, afin de pouvoir au jour faire force de
voiles deffus, mais un grain violent mêlé d’éclairs.& de tonnerre,
qui vint à trois heures du Sud-fud-oueft , nous dérangea ; au lieu de
l’Eft nous mimes au contraire à POueft-quart-nord-oueft ; mais le
yent ne fut violent que dans le commencement de l’orage qui
dura jufqu’à cinq heures.: calme le refte de la journée ; le foir
éclairs de tous les côtés, principalement fur la côte de Malabar.
Pendant la nuit nous eûmes une continuation de très-petit temps
pu de calme, avec gne grollè houle de l’Oueft & de i’Oueft-fud-ouelt;
D A N S L E S A i E K S D E L ’i N D E . 743
un feu parut a la côte que nous jugeâmes être Talichery ou Mahé,
qui nous avoient fans doute aperçus pendant le jour; nous gouvernâmes
en conféquence, & le 24 au point du jour, nous nous
trouvâmes à deux lieues environ des forts de Talichery, de Mahé &
de Moëlan, où nous aperçûmes pavillon Anglois, ce qui nous
inftruifoit affez : nous mimes pavillon Portugais & tirâmes plufieurs
coups de canon en diminuant en même-temps de-voiles. Nous
aperçûmes deux Tonnes ( efpèces de longues Pirogues) qui fe
rendirent à notre bord avec chacune une lettre des Commandans
des forts de Talichery & de Mahé qui nous offraient, tant au nom
de leur Nation qu’au leur, tous les fecours dont nous pourrions
avoir befoin ; mais nous n’en profitâmes point. Nous tirâmes des
Indiens les éclairciffemens qu’ils furent en, état de nous donner, &
qui furent fort peu de chofo fi on en excepte la confirmation de la
prife de Pondichéry & de Mahé ; ils nous confirmèrent encore le
propos-^du pilote Maure en nous confeillant de gagner le large,
ce que nous fîmes en les renvoyant vers les dix heures. Nous
avions pour lors une foible brife de terre: on prit donc la réfo-
lution de regagner l’Ifîe - de - France.; nous mimes au Sud-oueft
en forçant de voilés.
La mer étoit très-mâle & nous roulions beaucoup ; il y eut dans
la matinée quelques médiocres grains de l’Oueft & de l’Oueft-
nord-oueft. A midi nous avions à peine fait deux lieues; le calme
nous prit & nous reliâmes ainfi à la vue de Mahé & de Tali-
chéry pendant plus de vingt- quatre heures , le temps menaçant
toujours; dès que le foir fut venu les éclairs recommencèrent de
tous les cotés, principalement fur la côte que nous diftingufons
parfaitement à leur faveur.
La nuit & le 25 , jufqu’à trois heures après-midi, nous eûmes
des grains de pluie avec peu de vent, mais enfin il fraîchit de
l’Oueft : nous mimes au Sud-quart-fud-oueft pour nous élever;
nous perdîmes en peu de temps la terre de vue,.les nuages y
contribuèrent autant que la route. A cinq heures il y avoit du côté
de terre un orage affreux; nous entendîmes le tonnerre, & dès que