Généraux Anglois, en cette ville, publièrent une fufpenfion
d’armes : le Général Anda ne voulut point croire à la paix ;
il prétendoit que cetoit une rufe des Anglois, qui le trou-
voient reiîèrrés, & qui avoient.imaginé ce moyen pour le
tirer d’affaire: il vouloit continuer les hoftilités; les Anglois,
certains de la pa ix, vouloient qu’on les cefiat. Les habitans
de Manille écrivirent à M. Anda, pour le fupplier de vouloir
les préferver du danger auquel fon obftination à ne vouloir
point croire à la paix , pouvoit les expofèr : enfin, après
bien des cônteftations, bu plutôt des~chicanes mal-entendues
de la part de M. Anda, on convint d’une ceffation d’hofti-
iités ; mais il s’éleva une bien plus grande difficulté : Anda
vouloit qu’on lui remît la place, & les Anglois répondirent
qu’ils ne connoiffoient point d’autre C h e f à qui remettre cette
Place, que Roxo.
L ’opiniâtreté de M. Anda alloit devenir d e la plus grande
Conlequence ; il vouloit s’emparer du bâton, & Roxo vouloit
le conferver. Don Andrés Roxo m’a répété fouvent
que ce n’étoit pas la crainte de perdre le bâton qui avoit
inquiété i’Archeveque lôn oncle-, mais bien plutôt celle de
tomber au pouvoir d’un ulùrpateur, félon lui, ion ennemi,
& qui étoit le maître d’une armée.
L ’Archevêque étoit réiblu de demander aux Anglois de*
troupes pour le garder avec fa v ille , jufqu’à la décifion de
la Cour: Manille eût vu pour lors une féconde guerre;
mais lës affaires tournèrent tout différemment.
L ’Archevêque avoit conçu tant de chagrin de la perte de
Manille, & les tracafferies qu’il eut avec M. Anda, aggravèrent
tellement fès peines, qu’il mourut de langueur avant
que les Anglois fè rembarquaflènt.
La mort de Roxo appaifa tout : Anda triompha, & l’audience
Royale lui ayant donné une commiffion, il prit, en
vertu d’e lle, poffeffion de Manille au nom du Roi ; il ne
jouit pas long-temps du titre qu’il avoit tant defiré, de
Capitaine général, &c. il arriva bientôt un Lieutenant-de -
Roi, à qui il fut obligé de remettre le commandement.
M. Anda continua d’être l’ennemi de l’Archevêque, même
après la mort de ce prélat; les morts ne pouvant pas fe
défendre,- il fut aifé à M. Anda de triompher en quelque
forte de fon ennemi ; mais j’ai entendu dire plus d’une fois
à M. de Viila-Çorta, le plus ancien des Oidors, que j’ai
beaucoup connu, comme je l’ai dit ci-devant, homme jufte
& impartial ; je lui a i, dis-je, entendu dire plus d’une fois,
que M. Anda avoit été injufte envers l’Archevêque; qu’il
s’étoit porté à ion égard à trop de violence ; qu’on ne pouvoit
lui reprocher qu’une feule faute, celle dont j’ai parlé (p. 2.6 r ),
8c que s’il pécha en cela, ce fut par une fimple inadvertance;
qu’il avoit toujours été très - attaché à la perfonne de Sa
Majeilé, & très-zélé pour ion fèrvice.
On lui fit des obsèques magnifiques , & les Anglois
eurent beaucoup de part au fomptueux appareil qui accompagna
fès funérailles ; car les Efpagnols ne pouvant pas lui
rendre les honneurs militaires dûs à fa place , les Anglois
s’en chargèrent ; & ils s’en acquittèrent avec une grandeur
& une magnificence que tout Manille remarqua, dans une
Nation qui a des fentimens de Religion fi oppofés aux leurs,
difent les Efpagnols, & quf porte une haine fi irréconciliable
aux Prêtres & fur-tout aux Evêques.
Je me fuis un peu étendu fur l’archevêque Roxo. Don
Andrés Roxo fon neveu, & que je puis dire mon ami, m’a