avec bien de la peine, le mouillage le 19 au foir; en forte que,
nous employâmes .quatorze jours à faire une route , que Ton fait
¡toujours en trois ou quatre jours au plus.
Je ferai ici une obforvation qui pourra n’être pas inutile aujç
Navigateurs qui fréquent cette côte.
On voit fur les Cartes de M. d’Après, un banc de rochers au
nord de l’Ifle- aux - Prunes, à- trois lieues de cette île , & à une lieue
& demie de terre environ, & fur lequel ce Navigateur-met quatre
braffes d’eau: on ne peut révoquer en doute fexiftence de ce banc,
puifque je l’ai vu plufieurs fois dans ce voyage, une fois fur«
tout avec inquiétude.
- Le 12 au foir, pour reprendre mon Journal , nous approchâmes
de fort près de l’IUe-aux-Prunes, dont nous nous étions bien affurés
auparavant. Nous étions 15 fort affalés fur la côte que le lendemain nous
fûmes forcés de gagner le large, & de courir dans le Sud-fud-eft,
t Ce même jour 12 au foir, on avoit été obligé de mouiller par
15'braflès, à deux lieues environ de i’HIe-aux-Prunes, qui reftoit
au Sud-oueft. du compas : le fond étoit de fable blanc ¡mêlé de
faux corail. II.faifoit calme ; à 2 heures du matin, la brife de
terre paroidânt vouloir foufHer, on le mit à pic, & à 3 heures
nous fumes fous voiles, avec un très-petit temps, qui à peine nous
faifoit faire trois noeuds ; depuis ce moment jufqu’à neuf heures,
nous trouvâmes dés fonds fingulièreiuent inégaux ; à 4 heures 5 on
trouva 9 brades & demie,. enfuite 11 & ij; puis 20. Nous pal«
fàmes de ce fond fubitement à un autre de 11 brades : nous
continuâmes à trouver 12,14, 15, 1 6 , 17,20 & 21, enfuite nous
revenions à 11, 12 & 13 , la mer avoit beaucoup de levée ; elle
écumoit même de temps en temps. Je ne doutai plus qu’il n’y eût
là un haut fond ; je repréfentai à notre Capitaine que le banc de
M. d’Âprès né pouyoit pas être fort loin de nous ; il fit fonder encore
une fois, on trouva j 1 bradés : dans le moment on vif le fond ; on
para à virer, ce que le Vaideau exécuta parfaitement bien vent-deyant.
On fonda enluite & on trouva 9 brades , on voyoit ppur lors de
dedans la galerie, le fond fort diflin&ement, quoiqu’il fût à 54 pieds
de
de profondeur ; ce fond étoit de fable & de roches énormes pour
la plus grande partie; le Yaideau étant viré & orienté, je n’eus
plus d’inquiétude ; on trouva fuecedivement 11, 14 & 1 J bradés ,
en forte que le fond alloit en augmentant. L’Ifle-aux-Prunes nous
reftoit alors au Sud-oueft, à 4 lieues au plus de diftance. A midi,
nous nous étions rapprochés par notre bordée; l’Ide nous reftoit à
2 lieues à l’Oueft ; on fila 30 brades fans trouver fond ; pour lors
nous virâmes & rapportâmes notre bordée au Nord-nord-eft, &
au Nord-quart-nord-eft. Nous crûmes pouvoir être dansle cas de
doubler tous les dangers ; mais nous avions les amures à ftribord au
plus près du vent, de façon que la dérive étoit confidérable ; ce
qui joint à la variation, faifoit que la route ne valoit au plus que
le Nord-quart-nord-eft. A 3 heures nous avions beaucoup approché
la terre, & j’avertis dans ce moment le Capitaine, du pâté de
M. d’Après ; j’avouerai de bonne foi que je n’étois pas fort tranquille;
M. d’Après met 20 pieds d’eau fur ce batte, & notre Vaifîéau en
tirait près de 21 , fans la levée qui. alloit au moins à quatreà cinq. Le
Capitaine , moins inquiet que moi, laidà courir, & me dit qu il forait
encore temps de virer à 6 heures ; mais a 4 heures v, il aperçut le
premier, de dedans la galerie où il étoit, le fond; il ordonna fur
le champ de virer ; je pailai, pendant cette manoeuvre, dans la galerie,
d’où je vis le fond beaucoup plus diftinélement ençore que je ne
Pavois vu le matin. Mon inquiétude redoubla un peu lortque je vis
que le Vaiffeau avoit refufé de virer vent-devant, & qu’on fut obligé
de lui faire faire un fort grand tour, en virant vent-arrière. Lorfque
nous fumes orientés, on fonda ; le fond étoit alors de 1 1 bradés ou
de 66 pieds : on ne le voyoit plus que difficilement. Je n’aurais pas pu
croire, avant cette obforvation, que l’on eût vu le fond de la mer
à une pareille profondeur ; mais pour cela il faut un petit temps
.& une belle mer. Nous n’étions alors qu’à une lieue ou une lieue &
demie de la côte ,. & à trois de l’Ifle - aux - Prunes, au nord dé ¡cette
île. Au refte, il m ’a paru que ce banc que nous avons tourné
plufieurs fois, fans cependant nous être trouvés fur fa partie la plus
élevée, s’étend beaucoup plus du côté du Nord & du côté de i’Eft ',
Jomt //. B bb