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Lorfque l’aiguijle n’eut plus d’inclinaifon , ce fut un autre
phénomène.
Si je tournois la bouffole de manière à la placer comme ci-devant,
dans la ligne ÈJl fie Ouejl de l’aimant, l’aiguille , malgré cela,
reftoit toujours horizontale ; il eft vrai qu’elle n’étoit pas fixe, elle
qvoit alors des balancemens de plus de 20 degrés de part & d’autre:
fi je continuois de la tourner, à dépaffer d’un quart feulement la
ligne EJl & Ouejl, l’aiguille fe renverfoit, & reprenoit en même-
temps fa pofition horizontale ; & fi je voûtais m ’amufer a la voir
continuellement tourner, il n’étoit queftion que de faire mouvoir
tant foit peu la bouffole à droite fit à gauche de la ligne EJl &
Ouejl, d’un quart au plus de chaque côté ; tant que cet exercice
duroit, l’aiguille ne ceffoit de tourner comme un moulinet.
Après avoir rapporté les obfervations que j’ai faites dans les mers
de l’Inde, fur l’inclinaifon de l’aiguille aimantée, je dois paffer à
celles que j’ai faites à mon retour dans les mers cpmprifes entre
l’Afrique fit l’Amérique.
Je n’avois pa§ l’avantage d’être fur un gros Vaiflèau comme
M. l’abbé de la Caille,, c’eft-à-dire. que toutes mes obfervations np
font peut-être pas, .par cette raifon , auffi exaéles que les fiennes;
çar quant à naviguer, feulement pour naviguer, je ne donnerais
jamais la préférence aux gras Voiflèaujq
M. l’abbé de la Caille, fur XAchille, vaiflèau de foixante-quator?e
canons, revenant de l’Iffe-de-France dans la belle failon, fit n’ayant
trouvé aucune difficulté à doubler le cap de Bonne-elpérance, put
gbferver l’inchnaifon de l’aimant jqfque par les 3 6 degrés de latitude
auftrale, en-deçà du Méridien du cap de Jlonne-efpérance.
Pour moi, il me fut impoffible dp tenter des obferyations avant
d’avoir atteint le tropique du Capricorne & d’avoir rejoint les vents
alifés de la partie auftrale. Quand le mauvais temps eft une fois
déclaré au cap de Bonne-efpéfance, par 34 degrés, l’influence 4e
çe mauvai| temps fe fait fentir jufqu’au Tropique , en-deçà du
Cap : je me trouvai dans les mers de ce Cap, au moment du reversement
de la faifoft ; j’étois fur une Frégate de trente canops
de <3,
de 12 , armée en guerre. Nous effuyames toute la rigueur du mauvais
temps avec nos canons, pouffe's en avant, n’ayant que nos ièuls
manfelets ; j’avois bien fouvent de la peine à me tenir moi-même : ce
n’étoit pas une circonftance à tenter des expériences; j’étois de plus
toujours malade dans ces mauvais temps.
Depuis le tropique du Capricorne jufqu’aux Açores, où je ceflâi
d’oblèrver l’inclinaifon, nous eûmes encore quelques groffes mers ;
mais elles ne-le furent pas au point de m ’empêcher d’obferver.
La Table que je donne ici de l’inclinaîfon de l’aimant dans
notre océan, eft dreffée comme celle des mers de l’Inde. On y
remarque une inégalité fingulière,-mais uniforme, dans la marche
de l’inclinaifon.
On y voit que l’aiguille a été horizontale à i oJ 3 o' environ de
latitude auftrale, dans un Méridien de 1 1 degrés à l’occident de
celui de Paris ; à pareil degré de latitude boréale , l’aiguille avoit
acquis 40 degrés d’inclinaifon ; ce font donc 40 degrés de variation
en inclinailon pour 20 degrés de changement en latitude : depuis
le 10.' degré 3 o de latitude boréale jufqu’au 20.'’degré, la
variation de l’inclinaifon s’eft beaucoup ralentie , puifqu’on 11e
l’obferve plus que de 14 ou 15 degrés pour 1 o degrés de- variation
en latitude ; c’eft cependant encore près de 1d 3 o' de variation
pour un degré de changement en latitude.
Mais depuis le 20.c degré de latitude jufqu’au 3 o.°, l’inclinaifon
a à peine varié de 1 o degrés, ce qui ne fait plus qu’environ
un degré pour chaque degré de latitude.
Enfin, depuis le 3 o.' degré jufqu’aü 40.' où j’ai terminé mes
obièrvations, l’inclinaifon n’a pas même varié d’un degré pour un
degré de changement en latitude ; car on ne voit que 8 à 9 degrés
pour 1 o degrés de changement en latitude.
Dans la partie auftrale, depuis le io.e degré de latitude , où
l’aiguille eft horizontale, comme je vous l’ai marqué, jufqu’au 23.°
environ , l’indinaifon croît avec la même uniformité qu’elle fait
dans la partie boréale ; de 2 degrés, à peu de chofè près , pour un
degré d’augmentation en latitude; de forte qu’on pourrait peut*
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