Les provinces du Fort-dauphin renferment des prairies 8c.
des herbages magnifiques, où l’on pourrait avoir d’immenfes
troupeaux de boeufs.
La valie'e d’AmbouIle, grande &immeniè, l’emporte peut-
être fur notre vallée d’Auche & nos prairies du Cotentin. Ces
troupeaux de boeufs que l’on y éleveroit, feraient d’une
reffource infinie pour les Vaifleaux, & fur-tout pour l’Iile-
de-France où l’on manque prefque toujours de viande.
On ne tire pas beaucoup de riz du Fort- dauphin,
c ’e f t -à -d ir e , qu’on n’y en trouve pas à eharger des
Vaiffeaux pour le dehors ; mais il en croît encore a fiez
pour la nourriture des habitans, & le blé y réuffiiTant très-
bien , ferait la nourriture principale de la Colonie : & qui
empêcherait d’en cultiver aifez pour l’exporter à l’Iile-de-
France, où les récoltes manquent fouvent, & où la femence
dégénère en allez peu de temps, & au point qu’on eft obligé
de tirer tous les ans des blés de Surate ou du Bengale,
fi l’on veut avoir des récoltes palTables ! On n’éprouverait
point cet inconvénient au Fort-dauphin, où de vaftes provinces
faciliteraient le changement de femence.
On cultiverait le ver à foie au Fort-dauphin, puifqu’il y
efl naturel ; on en trouve quantité dans certains bois : j’ai
vu au Fort-dauphin des cocons de ces vers d’une grolîeur
fingulière : ils tiennent tous à des branches d’arbres ; j’en
ai eu de plus gros que le bas de la cuifle d’un homme,
& j’en a vois apporté beaucoup avec moi à l’IiTe-de -France
parmi mes curiofités naturelles : les Noirs des montagnes nous
Jii donnoient pour quelques balles à fufil ou quelque peu de
poudre à canon.
Prefque tous ces gros cocons étoient criblés de trous gros
d a n s -l e s M e r s d e l ’ I n d e . 407
comme le petit doigt de la main , ce qui provenoit fans
doute de ce que les vers les avoient percés pour fortir de
leur prilbn.
M. de Flacourt ( page 1 yp ) parle de quatre eipèces de
vers à foie qui font au Fort - dauphin, dont une fur-tout
donne, félon lui, de la foie de toute beauté.
Cette elpèce de ver fait fon cocon dans un arbre fur le
bord de la mer ; je ne fais fi c’eft de cette belle elpèce de
foie dont j’ai eu quantité de cocons , mais la foie de ces
cocons me paroilfoit un peu groifo, ce que j’attribuai à la
nourriture des vers ; car je 11e fâche pas que le mûrier foit
à Madagafcar, & je ne le trouve point dans le Catalogue
des arbres que nous a décrits M. de Flacourt, mais il forait
aifé de l’y apporter de la Chine; on l’a bien apporté à i’iile-
de-France où le ver à foie n’eft point naturel, & où l’on a
cherché à en établir & fans aucun fuccès. M. de Flacourt,
qui avoit une parfaite connoiffance de tout ce vafte pays
jufqu a la côte de l’Oueft fur le canal de Mozambique, dit
( page 1 y J qu’il y a un peuple qu’il nomme, & que nous
connoiilbns aujourd’hui fous le nom de Seclaves ; que ces
peuples, dis-je, faifoient des pagnes fuperbes avec de la foie,
& que ces pagnes étoient à grand marché ; c’eft encore la
même chofo aujourd’hui ; o r , ces peuples tirent certainement
eette foie du pays même ; cette branche de commerce ferait
donc confidérable. Une des chofes que j’ai le plus regrettée
dans la perte que j’ai faite de mes caiffes d’Hiftoire naturelle,
eft la perte de mes beaux cocons de foie. J’ai vu moi-même
des hardes que les Noirs font avec de la foie de ces vers
qui font naturels à l’Ifle, & qui vivent dans les bois fans
quon les nourriffe comme on fait en Chine & en Europe;