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à aucune êfpèce de continent. Le quartier de Saint-Denys
Sc celui de Saint-Paul, qui font deux plaines qui tiennent
au pied des montagnes, fe feront formés depuis cette époque,
des débris des terres fupérieures & des galets ou pierres roulées
ou uféeS, que la mer y aura repouffées : c’eit ainli que le
terrein de Saint-Paul paroît çompofé, c’eft-à-dire, d’une
couche de galets & de fable ; cette efpèce de digue a même
fi peu de conlîftançe , que la mer l’a rompue en plufieurs
endroits dans l’ouragan de 1 7 4 6 , 8c qu’elle fembloit menacer
il’engloutir tout ie cjuarticr en cntici»
J’ai obfervé moi-même, que dans certains temps que la
mer eft fort grotfe & que la barre le gonfle, elle vient battre
fur le rivage avec une force fi effrayante, qu a chaque fois
qu’elle déferle fur ce rivage, on fent fous fes pieds ( c’eft ce
que j’ai obfervé principalement proche la pointe de Saint-
Gilles ) une efpèce de tremblement 8e de feeoufle.
Je ne fais pas ce qui occafionne fou vent-ces mouvemens
C O r tV u lfi fs de la bâfre à Saint-Paul, même dans les plus beaux
temps ; mais je foupçonnerois volontiers que des feux fouter-
ïains y auraient quelque fart ; car lorfqu’on eft fur le bord
de la mer, à chaque lame qui fe retire après s’être déployée
fur le rivage, 011 fent une efpèce dé vapeur fubite 8c chaude
qui. frappe le vifage,
L ’Hôpital du Port-Louis eft fur un banc de corail, où font
les commencemens d’une citadelle par M. de la Bourdonnaye.
C e banc règne tout autour de l’Ifle à la diftance d’un quart-
de-Iieue plus ou moins de la mer, excepté dans les endroits
efearpés de l’Ifle où la mer bat immédiatement la côte; dans
ces endroits ce ne font que des roches.
A l’Hôpital, ce banc eft au-deflus du niveau de la mer de
plus de dix pieds, & il m’a paru avoir par-tout la même
élévation, au vent de fille comme fous le vent, c’eft-à-dire»
depuis la petite rivière jufqu’à Flacq que j’ai vifités, ce.qui fait
à peu-près le tiers du tour de i’Ille.
Dans la plaine du Port-Louis appelé le Camp, à moins d’un
quart de lieue de ce banc de l’Hôpital, j’ai vu creufer des
puits de quarante à cinquante pieds de profondeur; on ne
trouva qu’une couche de cailloutages, 8c d’une efpèce de
glaife renfermant du talc 8c des pierres lenticulaires fem-
biables en tout à celles que l’on trouve dans les carrières à
Montmartre. Ces puits qui alloient, ou peu s’en faut, jufqu’au
niveau de la mer, n’ont point offert de corail ; ainiî/ie banc
de l’Hôpital ne va point jufque-là, on n’en trouve d/ns aucun
autre endroit élevé de l’Iffe, non plus que des coquilles qui
font fi abondantes tout autour au pied de cette Ifle; tout ion
terrein 8c fes ravines font une terre ou fable vitrifiable; les
montagnes font des malfes de roches recouvertes d’une mince
couche de verre également vitrifiable ; ainfi je ne vois nulle
apparence que la mer ait couvert l’Iffe-de-France, puifqu’eiie
y aurait laiflë de fes marques ; le banc de corail dont je parle
étant fon ouvrage, il eft évident que la mer de ces parages
eft remplie de poiipiers.
De ces bancs de coraux j’en ai diftingué deux fortes ou
deux elpèces; la première eft par rayons 8c tubes vermiculaires
fi fins, fi com packs 8c fi ferrés, qu’ils forment un corps auifi
dur que la pierre; c’eft l’ouvrage immédiat des poiipiers.
La feçonde efpèce ne m’a pas paru l’ouvrage immédiat de ces
animaux; car 1 ayant bien examinée, les parties qui la com-
pofent n’ont aucun ordre entr’eiles;femblabies en cela au grès,
auquel je ne peux mieux les comparer pour l’arrangement ;