bientôt abandonné à Pondichéry. Le vrai café d’Arabie laiffe
dans la bouche un parfum que l’on garde long-temps après
l’avoir bu, & auquel le goût des meilleures liqueurs d’Europe
n’a rien de comparable félon moi.
Lorfque je partis de Manille, mes amis me munirent pour
le voyage de quantité de petites provifions très-utiles dans
un Vaiffeau; j’avois des bifcuits fins, de laconferve de fleur-
d’orange, plus de huit cents taifes d’excellent chocolat des
Philippines, & enfin du café de Java brûlé & moulu que
j’emportai dans des bouteilles de verre bien bouchées.
Le premier jour de notre départ j’engageai le Capitaine & les
Supercargues, qui étoient Arméniens, à déjeûner; j’avois fait
préparer du café & du chocolat : ils trouvèrent le café dé.
teflable. Après dîner ils voulurent avoir leur revanche en
m’invitant à prendre de leur café qu’ils avoient apporté de
Madras, & qui venoit de Moka; je trouvai une différence
prodigieule : mais ils eurent affez d’honnêteté, quoique Mar-
chands, pour vouloir que je n’en ufafle pas d’autre que du
leur pendant tout le voyage,
A Pondichéry j’ai pris pendant près de deux ans du café
d’Arabie régulièrement tous les jours, & dans ma traverfée
de Pondichéry à l’Iile-de-France, qui fut de quarante jours,
j’en prenois encore d’Arabie deux fois par jour, qu’une per-
fonne de mes amis avoit eu foin de me faire préparer,- &
que j’emportai auffi dans des bouteilles de verre bien' bouchées;
je me rappelle encore que la première taffe que je pris,
enfuite à i’Iile-de-France, de café du pays, après avoir épuifé
le mien, cette première tafle, dis-je, me parut trèsrmauvaife;
je fus plufieurs jours à me faire à ce café.
C e que je viens de dire ici du café de l’Ifle-de-Bourbon¿
peut s’appliquer à celui de l’Ifle-de-France : on avoit déjà
eifayé, avant 1 7 7 0 , de l’y faire venir, & Ie projet d’y faire
des plantations, ne me parut qu’un projet renouvelé, car j’en
avois déjà vu à Flacq, au Piton de la Découverte, Sic. mais
c’eft un problème que j’ai laiffé en partant, favoir fi le café
réufftra dans cette Ifle, parce que le terrein de l’Ifle-de-France
m’a paru inférieur en tout à celui de i’Iile-de-Bourbon.
Je fais qu’on voyoit, en 1 770, deux à trois endroits où
il y avoit d’affez belles cafeteries, fur-tout une que j’ai vue
au quartier de Moka, chez M. Eftoupan de Saint-Jean; mais
outre que les coups de vent y firent beaucoup de tort, je fais
que toutes ces cafeteries qui promettoient tant en 1770 &
1771 ont étç d’abord affez belles, elles ont même donné du
fruit pendant deux à trois ans : elles font aujourd’hui ( 1780 )
toutes dépéries. D ’ailleurs, fi le cafier dégénère à l’Ifle-de-
Bourbon, pourquoi voudroit-on qu’un fol plus mauvais fut
privilégié pour le café, & que cet arbre n’y dégénérât pas
même plus vite qu’à Bourbon! De plus, ies quartiers où
vraifemblablement les cafiers réulfiroient le mieux, feroient les
Pamplemouffès, les plaines de Wiliems & Moka; mais ces
quartiers totalement dévaftés de bois, Si par confequent découverts
& ufes, ne font nujlement propres aujourd’hui à former
des cafeteries qui demandent, au moins dans ces Ifles, des
terreins neufs & qui n’aient reçu auparavant aucune efpèce
de culture. Enfin quel abri auroient dans ces quartiers les
«fiers, autour defquels on a toujours laiffé à l’Ifle-de-Bour-
bon, des lifières de bois pour les garantir des vents & ouragans,
car les vents de Sud-eft leur feroient un tort confidérable en
les empêchant de profiter (Voyez ci-devant article i . ' r). Le
milieu de l’Ifle eft trop expofe à ces vents pour efpérer d’y