la forme de ces voiles, la façon de les orienter & l’afpeil qu’elles
offrent en conféquence, les bateaux Malais , vus de loin, paroifTent
faire un gros volume , & on feroit tenté de leur prêter un air
d’importance qu’ils n’ont certainement pas ; quand i’iHufion celfe,
on eft tout - à - fait furpris ; à les voir de près , il fembleroit
qu’ils ne ' feraient point en état de porter un fi gros volume
de voiles , qui de plus a deux vergues dans le fens de fa longueur
; mais, Monfieur, je vous ferai obferver que le mât a tout
au plus la longueur du bateau. Les vergues font de bambous ; la
voile eft de pagne, à peu-près fembfable aux pagnes de Mada-
gafcar : ces voiles font formées de quatre bandes ou iaifcs, coufues
dans te feus de leur longueur ; on y joint trois autres bandes,
auxquelles on ne Iaiffe leur largeur qu’à un des bouts r venant en
pointe par l’autre bout ; en- forte que ces trois dernières bandes
font plus courtes les unes que les autres ; elles forment par ce
moyen une voile fingulière , qui,. fans être triangulaire, eft plus
étroite dans le bas que dans le haut.
Dans les bateaux que j’ai examinés , chaque bande de pagne
avoit un peu plus de deux pieds die largeur, ce qui donne environ
neuf pieds & demi de largeur à la voile par le petit bout, & feize
pieds par le bout le plus large : ces bateaux avaient trente pieds
de longueur & la voile plus de quarante.
Le mât eft placé un peu de l’avant ; la voile eft difpofée de
façon qu’il n’y a qu’environ le tiers de la longueur en avant du
mât ; tout le refte du volume de b voile, qui fait la- partie la plus
brge & par confisquent la- plus eonfidérablèeft porté de Panière;
fur l’avant & fur l’arrière, il y a deux piquets à-hauteur d’homme,
for lefquels on amène la voile & on. elle repofé quand elle ne
fert pas.
Le logement eonlifte en une petite marionnette, dans laquelle les
Mabis couchent; font du feu, eurfent leur manger, dorment, &c.
lis gardent leur eau dans des jarres. Ces eafes font de bambou,
«ès-bi«î foites & très-jolies-;, le pont du bateau eft de planches
recouvertes d'e bambous;
Les Hollandois nous ont alfure que ces bateaux portent • très-
bien la voile, mais ces peuples ne s’expofent à la mer que dans un
beau temps, & leurs courfes qe font pas longues; avec cela, j’ai
vu à quelques-uns de ces bateaux des balanciers comme en ont
les tonnes de la côte de Maiabâr, & les trois quarts des bateaux
de Manille : nous les avons vu fouvent faire le trajet de l’île du
Prince à Java en très-peu de temps.
Lorlqu’ils veulent tenir le vent, ils inclinent la voile le moins
qu’il eft polîîble, c’eft-à-dire .que la voile a une très-petite incli-
naifon avec fe prolongement de la quille ou plutôt du bateau. Pour
aller vent arrière, ils lui donnent la plus grande inclinaifon ; alors
la voile eft prefque verticale : jamais ils ne braffent ci-ré.
Les bouts de la voile qui font fous le vent, ont leur écoute &
leurs bras ; ils amarrent l’écoute au bord du bateau : lorfqu’ils virent
de bord, ils le font avec beaucoup de vîteffe; ils carguent la voile,
après quoi un homme renverfe les vergues ; alors le point de la
voile qui fervoit d’écoute fort d’amure.
.Outre l'agrément que nous offroit la navigation du détroit de la
Scinde, nous y trouvâmes un avantage, ce furent les rafraîchiffemens
dont nous avions un befoih indicible.
Je vous ai marqué que nous avions perdu beaucoup de nos pro-
vifions. Nous arrivâmes à l’entrée du Détroit n’ayant pour ainfi dire
plus rien à manger ; les volailles étoient ce qui avoit réiîfté le plus :
nous en avions encore foixante-quatre pour quarante-fept perlonnes.
Il nous reftoit encore une vache; elle nous avoit fourni du bit
depuis i’Iiïe-de-Bourbon, en affez grande quantité pour que plus
de la moitié de nous , dont je fus toujours du nombre, eût un
peu de bit le matin pour mêler avec fon café, ce qui faifoit notre
déjeuner. La misère nous força de tuer cette vache & de nous paffer
de café au bit; les Brames de ia côte de Coromandel fe feroient
plutôt billes mourir de faim que de commettre une telle aétion.
Le genre de vie que nous menions depuis quelques jours avoit
beaucoup dérangé ma fanté ; nous vivions en partie comme i’Eqni-
Page > beaucoup d’haricots on fayots : la faim m ’en, ayant un jour
F f f f f ij