qu’on fupprimât ce commerce, & que les Maniilois furent
là-deffus fort inquiets. Leur crainte redoubla en i y 66,
iorfqu’ils virent arriver un Vaiifeau de guerre qui avoit
doublé le cap de Bonne-efpérance ; ils crurent que l’arrivée
de M. de Cafeins fèroit l'époque de la chute de leur
commerce à Acapulco ; & en effet, il paroît que la Cour
d’Efpagne s’étoit propofé d’ouvrir un commerce entre Cadiz
& Manille fur des Yaiffeaux de regiftres, & pour effayer,
elle envoya le Bon-Confeil de 6*4 canons. M. de Cafeins,
qui étoit déjà allé à Manille par la mer du Sud, fut choifi
pour cette expédition ; cet Officier connoiffoit bien Manille ,
comme je l’ai déjà d it , & la Cour ne pouvoit faire un
meilleur choix : comme c’étoit le premier voyage, la Cour
d’Efpagne demanda à celle de France, deux Piiotes-pratiques
des mers de l’Inde & de Chine.
C e premier voyage refîèmbla aflèz à ceux des premières
découvertes, par la longueur dont il fut. Le Boti-Confeil
fut forcé de relâcher à Rio-janeïro, de-là à l’Ifle-de-France
( ce fut-là où je m’embarquai ) , & il n’arriva à. Manille
qu’au bout d’environ dix - fept mois depuis fbn départ
d’Europe. A Manille, on avoit été prévenu de cette expédition
par la voie du Mexique ; mais on n’attendoit plus ce
Vaifièau: on croyoit qu’il avoit effuyé quelques difficultés
en pafîànt le détroit de la Sonde, les Flollandois s’étant
engagés à garder ce paffage. J’ignore ce que portent les
Traités à ce fujet, & je n’ai pas le temps de m’en .mettre
au fait ; je fais feulement qu’on fut très - étonné à l’Ifle-de-
France de voir un vaiifeau Efpagnol dans ces mers ; que
fur quelques queflions qu’on faifoit aux Efpagnols fur leur
voyage, ils répondoient qu’on ne pouvoit pas les empêcher
d a n s l e s M e r s d e l ’ I n d e . 229
d’aller chez eux : je fais que malgré cela ils ne paroiifoient
pas trop certains de la réuifite ; car en arrivant aux détroits,
il fut réfolu que nous les paiferions fous pavillon François;
je fais enfin que plufieurs Vaiffeaux que nous vîmes dans
les détroits , nous donnèrent de l’ombrage & nous firent
faire branle-bas. Je rapporterai ces chofes plus en détail dans
la lettre à M. de la Nux.
Arrivé à Maniile, le Bon-Confeil n’y fut point vu de.
bon oeil; car on l’appeloit publiquement, e l mal Confejo,
le mauvais Confeil : auffi fut- il au moment de ne point
retourner en Europe, faute de bifcuit; car le pain manqua,
fubitement à fbn arrivée (V o y ei ci-devant, p. 2 y ) , Malgré
cela, i f chargea près de déux cents balles en regiflre. Ce
premier fuccès, quoique foible, ne rebuta pas M. de Cafeins;
il informa,, fans doute, la Cour de tout ce qui s’étoit paffé |
& quoique forti mécontent de Manille, il repartit l’année
fuivante, fur le même Vaifièau, pour un fécond voyager
il fut plus malheureux cette fois-ci; il fè fia trop à fa propre
expérience ; il voulut aller fans pilotes François-pratiques de
ces mers. Nous apprîmes à Pondichéry que cet Officier
avoit manqué le détroit de la Sonde, & qu’il avoit été forcé
d’aller par Malacca , où il relâcha. Don Eflevan Roxas y
Melo , me manda de Manille la même nouvelle :: enfin,.
M. de Cafeins à peine forti du détroit de Malacca, & en
route pour Manille , trouva la mouçon contraire ; J 1 fut
forcé d’arriver , de rétrograder , & d’aller à Batavia : ce
fut Don Eflevan Roxas y; Melo, qui me manda l’année
fuivante cette nouvelle de Manille. M. de Cafeins y arriva
enfin le 9 de Juillet, au bout de dix-huit mois de navigation
; il repartit le mois de Janvier fuivant avec le galion